Une bonne planification successorale

Une bonne planification successorale

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Mourir sans testament

Au fait, qu’arrive-t-il lorsque vous mourez sans testament? Eh bien, vous plongez doublement vos proches dans le pétrin.

1. Tous vos héritiers doivent agir ensemble comme liquidateur de votre succession. Voilà une source potentielle de complications dès le départ. Si vos proches s’entendent bien, ils nommeront rapidement une ou deux personnes pour liquider la succession et tout se déroulera pour le mieux. Mais si des chicanes s’élèvent, l’affaire risque d’aboutir devant le tribunal.

2. Vos héritiers seront désignés par le Code civil du Québec. Pourquoi? Parce que c’est la loi. Coulée dans le béton juridique, cette procédure peut ne pas respecter vos volontés et même être injuste. D’où l’importance d’avoir un testament.

Rappelons tout de suite que le Code civil du Québec ne reconnaît pas les conjoints de fait comme héritiers légaux. Que vous ayez vécu 30 ou 40 ans dans une union libre exemplaire ne vous transforme pas en couple marié pour autant. Si vous mourez sans testament, votre conjoint de fait n’aura droit à rien si son nom ne figure pas noir sur blanc dans votre testament. [NDLR: au moment de rédiger cet article, la Cour suprême du Canada n’avait pas statué sur le cas de Lola, cette conjointe de fait qui réclame une pension alimentaire à son ex-concubin.]

Les avantages du testament notarié

Les avantages du testament notarié

De nombreux lecteurs nous ont fait part des problèmes qu’ils ont rencontrés lorsqu’ils ont liquidé la succession d’un parent. Invariablement, ils avaient entre les mains un testament qui n’était pas notarié. Dans certains cas, le testateur avait rédigé des clauses floues qui ont été contestées. Dans d’autres, la signature du défunt ne correspondait pas à celle qui figurait sur divers documents, les témoins étaient déjà décédés, etc. Ces obstacles peuvent engendrer des frais de vérification juridique qui peuvent atteindre 1000$, en plus d’occasionner des délais importants. 

Voilà pourquoi, une fois rendu à la retraite, il serait avisé de rédiger un testament notarié. Comme votre situation familiale et financière sera stabilisée, on peut présumer que ce testament sera votre dernier. Il vaut donc la peine de débourser 500$ ou plus, selon la complexité de votre cas, pour retenir les services d’un notaire. En échange, vous obtiendrez:

  • Des conseils juridiques professionnels.
  • Un document qui n’a pas besoin d’être vérifié par un tribunal.
  • Un document qui décrit clairement vos dernières volontés.
  • L’assurance que votre testament ne sera pas perdu ou détruit (le notaire conserve le document original).
  • L’inscription de votre testament aux Registres des dispositions testamentaires et des mandats du Québec (RDTMQ), de sorte que le liquidateur de votre succession pourra le retrouver facilement, si nécessaire.
  • La quasi-impossibilité que votre testament soit contesté devant les tribunaux. Vous voulez quand même rédiger votre propre testament? Vous pouvez en écrire un entièrement de votre main (olographe) ou devant deux témoins. Vous trouverez sur Internet et dans le commerce des modèles préimprimés à remplir. Soyez vigilant, car certains formulaires sont conçus pour des résidants de l’Ontario ou des États-Unis, où les lois ne sont pas les mêmes qu’au Québec en matière successorale.

Le fisc d’abord, les héritiers ensuite

Le fisc d’abord, les héritiers ensuite

«Les Québécois jouissent d’un droit très important, celui de la liberté de tester», dit Me Danielle Beausoleil, notaire associée de l’étude Prud’homme Fontaine Dolan. Cela veut dire que vous pouvez léguer vos biens à votre guise, pour peu que vous respectiez certaines balises. Toutefois, avant que vos héritiers ne touchent quoi que ce soit, vos comptes avec l’impôt devront avoir été réglés une dernière fois. 

Lorsque vous mourez, le fisc considère que vous avez liquidé tous vos actifs, comme si vous aviez vendu votre maison, votre chalet et votre auto à leur juste valeur marchande avant de passer l’arme à gauche, et comme si vous aviez encaissé d’un seul coup vos REER, vos FERR, vos CRI, vos FRV et votre rente viagère. C’est ce qu’on appelle la disposition présumée des biens. 

La valeur de tous ces actifs s’additionne aux revenus que vous avez gagnés durant l’année de votre décès, et vous êtes imposé en conséquence. Comme notre régime fiscal prévoit des traitements différents selon que vous êtes le conjoint, l’enfant ou le petit-enfant du défunt, vous devez choisir vos légataires avec discernement, sinon votre succession pourrait devoir essuyer une facture fiscale salée. Voici ce qu’il faut savoir à ce sujet.

  • La résidence principale. Pas de problème ici, car les défunts ont droit à l’exonération d’impôt sur le gain en capital issu de la vente d’une résidence principale.
  • Immeubles à revenus, chalets, terrains, valeurs mobilières, etc. Tous les biens dont la disposition présumée se traduit par un gain en capital sont visés. Prenons le cas d’un chalet désigné à titre de résidence secondaire. Si vous le léguez à votre conjoint, aucun impôt sur le gain en capital ne sera réclamé en vertu du roulement des biens en faveur du conjoint. Si toutefois le chalet va aux enfants, le roulement des biens ne s’applique pas: un impôt sur le gain en capital devra être payé. Disons que vous avez acheté ce chalet au prix de 50000$ et que sa valeur marchande à votre décès est de 135000$. Le liquidateur enregistrera un gain en capital de 85000$ (135000$ – 50000$ = 85000$), dont la moitié (42500$) s’ajoutera à vos revenus de l’année de votre décès.
  • Les régimes enregistrés. Attention à qui vous léguez votre REER, FERR, CRI, FRV et rentes! Voici ce qui se passera si le bénéficiaire de votre régime enregistré est:

1. Votre conjoint (marié ou de fait). Le solde de votre régime enregistré pourra être roulé dans le sien en franchise d’impôt.

2. Un enfant ou petit-enfant financièrement à votre charge. Celui-ci sera imposé sur le solde de votre régime enregistré l’année de votre décès. En principe, cela est avantageux, car, normalement, son taux d’imposition devrait être faible. Mais, s’il le désire, il peut acheter une rente et reporter ainsi le moment de l’imposition.

3. Un enfant majeur financièrement indépendant. Le solde de votre REER, FERR, CRI, etc., est désenregistré et s’ajoute à vos revenus de l’année, avec l’impôt à payer que cela suppose. Une fois la facture fiscale acquittée (l’institution financière retient l’impôt à la source), votre enfant recevra ce qui reste de votre compte.

Assurance-vie et clauses interdites

Et les polices d’assurance vie? 

Il faut savoir que le montant du capital assuré est exempt d’impôt. Voilà pourquoi ces produits occupent une place importante dans de nombreuses planifications successorales. 

Juridiquement parlant, les assurances vie ne font pas partie d’une succession. Certains représentants recommandent à leurs clients de ne pas indiquer, dans leur testament, qu’ils ont souscrit une assurance vie. De cette façon, le bénéficiaire pourra toucher le capital assuré rapidement. Mais ce conseil n’est pertinent que si le bénéficiaire est majeur. 

En effet, si c’est un enfant mineur, un très jeune adulte, une personne qui éprouve des problèmes de comportements, etc., «il vaut mieux que le bénéficiaire soit la succession ou les ayants droit», note Me Beausoleil. Ainsi, le liquidateur aura le contrôle sur l’utilisation des fonds et les modalités de remise. 

Lorsque le capital assuré est payé à un enfant mineur, le Code civil du Québec et le Curateur public du Québec exigent la mise en place d’une tutelle au mineur, une procédure longue et coûteuse.

Des clauses interdites

Afin d’éviter les abus et l’exploitation, le législateur a prévu l’annulation de certaines clauses qui pourraient figurer dans un testament. Ainsi, un legs en faveur du propriétaire, de l’administrateur ou d’un employé d’un CHSLD sera sans effet s’il a été fait au moment où le testateur y était traité. Les clauses qui vont à l’encontre de l’ordre public ou du droit naturel sont également inopérantes. Par exemple: «Je lègue tous mes biens à mon épouse à la condition qu’elle ne se remarie pas.» Enfin, serait annulé un legs fait en faveur du notaire qui a rédigé votre testament.

À propos du partage du patrimoine familial

À propos du partage du patrimoine familial

Quelques mots sur le partage du patrimoine familial, plus complexe qu’il n’y paraît. Précisons d’abord qu’il ne s’applique qu’au Québec et que seuls les conjoints mariés ou unis civilement y sont soumis. Les conjoints de fait en sont exclus.

Le partage du patrimoine familial entre en jeu seulement lorsque les droits du conjoint survivant sont menacés. Si le défunt a désigné son conjoint à titre de légataire universel, le partage du patrimoine familial n’aura pas lieu. En effet, le conjoint survivant se trouve à hériter de tous les biens de la personne décédée, sauf des legs particuliers. «Le légataire universel devient à la fois créancier et débiteur de la succession. Ce faisant, il ne peut pas réclamer une créance qu’il devrait se payer à luimême», explique Me Beausoleil.

Par contre, si le défunt a institué quelqu’un d’autre à titre de légataire universel (ses enfants, par exemple), le conjoint survivant pourrait être lésé, puisqu’il n’aura droit qu’à un legs particulier. Le liquidateur de la succession devra alors procéder au partage du patrimoine familial avant d’entamer toute autre étape.

Cela signifie qu’il établira la valeur en argent d’un certain nombre de biens acquis et payés pendant le mariage. Il s’agit:

  • des résidences de la famille et des meubles qui les garnissent;
  • des véhicules automobiles utilisés par la famille;
  • des droits accumulés dans les régimes de retraite durant le mariage (comme les REER);
  • des gains inscrits au Régime de rentes du Québec pendant le mariage.

Le liquidateur calculera la valeur nette de ce patrimoine et la divisera moitié-moitié entre le conjoint survivant et la succession, indépendamment du testament. Il en résultera soit une créance en faveur du conjoint survivant, soit une dette que celui-ci devra rembourser à la succession. Une fois le partage complété, le liquidateur appliquera ensuite ce qui est prévu dans le régime matrimonial. Le conjoint survivant pourrait donc hériter des biens qui sont exclus du patrimoine familial, mais qui lui reviennent de droit, conformément aux dispositions de son contrat de mariage: immeubles à revenus, actions d’entreprises, placements non enregistrés (hors REER), etc. Enfin, le reste de la succession sera distribué aux autres héritiers selon les volontés de la personne qui aura pris soin de préparer un testament, notarié de préférence.

Des exceptions au partage du patrimoine familial

Les personnes mariées avant le 1er juillet 1989 et qui ont renoncé au partage du patrimoine familial par acte notarié avant le 1er janvier 1991 sont exemptées des obligations du partage du patrimoine familial.

 

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