Déjà, il faut résister à la tentation d’inclure dans ses projections de retraite des sommes qu’on nous croit dues ou qu’on pense recevoir en héritage. «La personne peut vivre plus longtemps que prévu. Elle a peut-être des dettes qu’on ne connaît pas. Certaines situations familiales complexes brouillent également les cartes. Il est facile de changer les bénéficiaires de son testament. Et le montant qu’on pense hériter sera bien souvent inférieur à celui espéré, avertit François Bernier, directeur, planification fiscale et successorale à la Financière Sun Life. La personne qui hérite doit avant tout se demander si elle accepte ou renonce à la succession.»
Si Hélène hérite de son père une somme de 150 000 $, par exemple, mais que ce dernier avait des dettes excédant ce montant, elle risque d’en être tenue responsable. Il faut donc s’assurer que le liquidateur de la succession a fait un effort raisonnable pour déterminer les actifs et les passifs du défunt. Cet inventaire de la succession prendra la forme d’un acte notarié et permettra d’établir si la succession est solvable. «Si c’est le cas, les créanciers ne pourront réclamer au-delà du montant hérité.» À noter: des dettes fiscales peuvent également se voir déclarées plusieurs mois après le décès.
Par ailleurs, au Québec, les héritiers ne paient généralement pas d’impôt, puisqu’il aura déjà été acquitté par le défunt ou la succession. Dans le cas d’Hélène, cette dernière a accepté l’héritage de son père. Elle se demande maintenant que faire d’une telle somme. Les projets ne manquent pas: rénover sa maison, acheter une voiture neuve, partir en voyage…
Planifiez sans vous tromper
Avant de prendre une décision qu’elle pourrait regretter, Hélène devrait s’accorder un temps de réflexion, pour laisser retomber la poussière. «Recevoir un héritage important fera se sentir plus riche, ce qui peut affecter le jugement, souligne François Bernier. Selon des études, ce sentiment d’euphorie dure de six mois à un an. Mieux vaut donc placer d’abord les montants hérités dans un compte de banque avec un peu de rendement. Après un délai de quelques mois, on consultera un conseiller ou un planificateur financier afin de mettre en place un plan. Ce dernier dépendra de nos besoins, de nos désirs et de l’état de notre planification de retraite.» C’est du cas par cas.
Quand on hérite et qu’on a des dettes de consommation (des soldes impayés sur des cartes de crédit, par exemple), on priorise le remboursement de celles-ci. «On ne voudra pas patienter quelques mois dans une telle situation», reconnaît M. Bernier. Et l’hypothèque de la maison? Cela dépend du taux d’intérêt payé sur notre résidence et de notre profil d’investisseur. Celui, très prudent, qui détient surtout des placements à revenu fixe rapportant seulement 1 % à 2 % devrait accorder la préséance au remboursement de son hypothèque. Par contre, si le taux hypothécaire est inférieur à 3 % et que l’investisseur est prêt à acheter un fonds équilibré ou des titres boursiers plus rentables, il pourrait alors garder l’hypothèque. «L’âge de celui qui hérite entre aussi en ligne de compte: on souhaite arriver à la retraite sans dette hypothécaire. À l’étape du plan financier, on pourrait décider de mettre en place un programme de remboursement en vue de cet objectif.»
Il est également recommandé d’avoir un fonds de prévoyance en cas de dépenses imprévues (perte d’emploi, arrêt de travail, réparation inattendue à la maison ou la voiture). «Cela évitera de piger dans son épargne retraite», note le planificateur. Ce coussin devrait totaliser environ trois mois de revenus, et même six idéalement. Cet argent sera investi dans des placements relativement sûrs et liquides, comme un fonds d’obligations à court terme ou un compte d’épargne à intérêt élevé.
Après ces étapes, si des montants restent encore à placer, on vérifie s’il reste des cotisations inutilisées dans le REER ou le CELI. Un expert sera en mesure d’indiquer s’il vaut mieux cotiser tout le montant la même année ou graduellement dans le temps. «Cela dépend de notre fourchette d’imposition. Si on paie peu d’impôt, mieux vaut peut-être maximiser son CELI.»
Transmettez au mieux
Quand on hérite, il importe aussi de vérifier si on est à jour dans sa planification de retraite. Cet héritage pourrait parfois même permettre de devancer le moment du retrait de la vie active. Et pour un retraité déjà à l’aise financièrement, cet héritage sera plutôt l’occasion de planifier sa succession. Trois modes de transmission du patrimoine existent. «On peut léguer de son vivant, via son testament ou par le biais de produits d’assurance», précise François Bernier.
Le détenteur d’un patrimoine important qui ne prévoit pas le dépenser entièrement souhaitera peut-être donner de son vivant des sommes d’argent à un enfant ou un proche. Aucun impôt n’est alors exigible. Même chose d’ailleurs s’il s’agit de bijoux ou d’une voiture, par exemple. Certains legs effectués au décès (comptes en argent, voiture ou meubles, par exemple) ne sont pas non plus imposables.
Si on transmet des actifs boursiers comme des actions ou un bien immobilier, le donateur devra par contre payer l’impôt sur le gain en capital, s’il y a lieu. La résidence principale profite toutefois d’une exonération sur ce dernier. Quant au transfert d’un chalet familial, on présume généralement qu’il est vendu à sa juste valeur marchande, et il faudra payer de l’impôt sur le gain en capital.
Une autre façon intéressante de transmettre un héritage sera de donner des montants à travers le Régime enregistré d’épargne-études (REEE) de ses petits-enfants. «Cela permet de profiter de subventions cumulatives allant jusqu’à 7 200 $ par enfant», explique M. Bernier. Et lorsque l’enfant retirera ces sommes, elles seront imposées à son nom, alors que son taux d’imposition sera souvent bien inférieur.
Bien sûr, la manière la plus courante de léguer son patrimoine au décès sera de faire un testament. «Cet argent et les biens transiteront dans la succession et seront ensuite remis à nos héritiers.» Au décès, il y aura une disposition présumée de tous les biens à leur juste valeur marchande. Cela inclut les REER, FEER, CRI et FRV. Il faudra donc payer de l’impôt sur les gains en capitaux. Il est toutefois possible de transférer ces sommes au conjoint survivant sans impact fiscal.
Certains produits d’assurance permettent également de désigner des bénéficiaires: l’assurance vie, les fonds distincts et les rentes. «Cela signifie qu’à votre décès, les montants seront remis à ces personnes désignées. Soulignons que ces sommes ne transiteront pas par la succession. Il s’agit d’un canal distinct, ce qui donne la plupart du temps accès plus rapidement aux montants prévus pour le bénéficiaire», précise François Bernier. Celui-ci devra envoyer à la compagnie d’assurance une copie de l’acte de décès, une copie du certificat de recherche testamentaire et une copie du testament du défunt. Il pourrait alors recevoir un chèque quelques semaines après le décès, alors que le règlement d’une succession s’étire souvent sur 12 à 18 mois, et parfois bien plus en cas de litige. «S’il s’agit de personnes vulnérables financièrement, comme un conjoint qui ne travaille pas ou un enfant aux études, cela peut faire toute une différence.»
Explosion des héritages
D’après une étude publiée en juin dernier par la banque CIBC, les Canadiens âgés de 50 à 75 ans pourraient percevoir jusqu’à 750 milliards de dollars en héritages durant la prochaine décennie! L’économiste Benjamin Tal précise qu’un peu plus de la moitié de cette population a déjà reçu un legs, dont la moitié au cours des dix dernières années. Le montant hérité en moyenne? 180 000 $. Et plus on a des revenus et un niveau de scolarité élevés, plus les chances sont grandes de toucher des sommes importantes, soit jusqu’à quatre fois l’héritage moyen.
Notre aide-mémoire en cas d’héritage
1 On s’assure d’être protégé légalement si on accepte la succession. Un inventaire en bonne et due forme doit être dressé. Les dettes du défunt ne doivent pas excéder la valeur des biens reçus ou du montant hérité.
2 On s’accorde un temps de réflexion de quelques mois afin d’éviter toute mauvaise décision. Une exception: le remboursement des dettes de consommation.
3 On s’assoit avec un conseiller financier afin d’établir un plan. On s’assure ainsi de maximiser les sommes obtenues.
4 Si on est déjà suffisamment à l’aise financièrement, on peut prévoir le transfert de ce patrimoine avec une planification successorale conforme à nos désirs et qui réduira le fardeau fiscal.
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