Qu’on se rassure tout de suite, quand on parle de robots-conseillers, il n’est pas question de rencontres ou de communications téléphoniques avec des androïdes afin de discuter de vos finances personnelles! Le robot-conseil, ou conseil en ligne, est plutôt une nouvelle manière de placer vos épargnes. L’interaction humaine avec un représentant y est limitée, et les échanges se font essentiellement via Internet.
Peut-être avez-vous entendu parler du portefeuille Futé de la Banque de Montréal ou de la solution InvestCube de la Banque Nationale? Il reste que, parmi la douzaine d’acteurs canadiens offrant des services financiers automatisés, la majorité est encore inconnue du grand public. Il s’agit souvent de jeunes pousses de l’industrie des technologies financières, communément appelées «fintech». Bien que beaucoup aient leur siège social à Toronto ou dans l’Ouest canadien, elles sont de plus en plus nombreuses à proposer leurs services en français aux Québécois. Citons par exemple Wealthsimple, WealthBar et Questrade.
À ce jour, Wealthsimple est celle qui détient le plus d’actifs sous gestion au Canada. Elle compte aussi sur un appui de taille: Power Corporation, le conglomérat de la famille Desmarais, qui y a investi 30 millions de dollars jusqu’ici. Wealthsimple gère environ 750 millions de dollars et dessert quelque 25 000 clients. Cette activité reste donc encore marginale comparativement à l’offre de service lucrative des banques «classiques». Au même titre que ces dernières, les robots-conseillers (ou leurs fiduciaires) sont membres d’un fonds de protection des épargnants, ce qui protège leurs clients jusqu’à concurrence d’un million de dollars en cas de faillite.
Les placements automatisés par robot-conseil voient aussi leur popularité croître aux États-Unis. Des chefs de file comme Fidelity et Merrill Lynch se sont lancés, et le géant Goldman Sachs devrait les suivre prochainement. Une étude publiée l’an dernier par la firme KPMG estime d’ailleurs le marché du robot-conseil chez nos voisins à 400 milliards de dollars, contre moins de 2 milliards au Canada.
Comment cela fonctionne?
Plutôt que le traditionnel rendez-vous dans le bureau d’un représentant d’une succursale bancaire ou d’un courtier de plein exercice, une entreprise comme Wealthsimple propose une expérience en ligne souvent plus abordable. Vous pouvez à toute heure du jour ou de la nuit remplir un questionnaire sur son site afin d’établir votre profil d’investisseur. Tous les robots-conseillers amorcent la relation en vous posant une série de questions à choix multiples qui leur permettront notamment de mesurer votre tolérance au risque, votre horizon de placement et de comprendre vos objectifs. Les résultats sont ensuite compilés par un programme informatique sophistiqué qui vous suggère un portefeuille modèle d’investissements. Dans le cas d’un profil prudent, l’allocation d’actifs pourrait être de 30 % en actions et 70 % en titres à revenu fixe. La plupart des firmes proposent quelques portefeuilles modèles préétablis.
La majorité des placements offerts par les conseillers en ligne sont des fonds négociés en Bourse (FNB). Ces véhicules contiennent beaucoup de titres individuels comme des actions et des obligations. Ils sont gérés par des gestionnaires de portefeuille professionnels. Leurs principaux avantages? Une bonne liquidité, un faible coût et une belle diversification pour l’investisseur. Les stratégies sont transparentes pour ce dernier: vous pouvez en tout temps consulter les transactions et connaître les titres dans votre portefeuille. La plupart des FNB calquent de grands indices boursiers comme le S&P/TSX ou le S&P 500. Certaines stratégies toutefois sont plus pointues et actives, spécialement dans le marché à revenu fixe.
Quels sont les services offerts?
Le robot-conseiller conserve ses obligations légales: elles demeurent les mêmes qu’on agisse en ligne ou en personne, précise l’Autorité des marchés financiers sur son site (lautorite.qc.ca). «Il doit notamment exercer ses activités par le biais d’une personne physique, le « représentant-conseil ». Ce dernier a l’obligation de s’assurer que le profil d’investisseur généré pour vous est adéquat et cohérent avec vos réponses. Par exemple, le représentant-conseil devra veiller à ce qu’un investisseur au profil prudent n’investisse pas dans un portefeuille de placements trop risqué», souligne l’organisme québécois de règlementation du secteur financier. Mais on ne vous appellera pas pour faire un suivi de vos portefeuilles. Si vous êtes inquiet ou que les marchés baissent, vous ne pourrez pas rencontrer un professionnel en personne pour vous aider à prendre une décision. Vous aurez toutefois la possibilité de contacter un représentant pour poser des questions.
Dans les faits, le niveau d’automatisation et l’accompagnement du client varient d’une firme à l’autre. La solution InvestCube est avant tout un système de rééquilibrage automatique des portefeuilles. Ce processus vise à maintenir votre répartition d’actifs conforme à votre profil de risque, par exemple 50 % en actions et 50 % en titres à revenu fixe (profil équilibré). «Et on ne donne pas de conseils», souligne Laurent Blanchard, président de Banque Nationale Courtage Direct. Selon ce dernier, cette solution clé en main nécessite un certain intérêt pour ses placements. Il faut également avoir la discipline de verser de l’argent régulièrement dans son portefeuille afin d’atteindre ses objectifs financiers, comme l’épargne-retraite.
Dans le cas de besoins plus complexes, comme l’optimisation fiscale ou une planification financière complète, mieux vaut consulter un planificateur indépendant, voire un conseiller en placement d’une firme de courtage de plein exercice si on a plusieurs centaines de milliers de dollars à investir. Il est aussi possible de prendre un robot-conseiller pour une portion de son patrimoine et un conseiller traditionnel pour le reste.
Combien cela coûte?
Les portefeuilles en ligne coûtent entre 0,4 % et 0,7 % de frais par année, auxquels s’ajoutent les frais de gestion du FNB lui-même, soit une vingtaine de points de base (environ 0,2 %). Ce pourcentage baisse généralement selon la taille des actifs. Comme les fonds communs de placement impliquent en moyenne des frais de 2 % et plus par année, plusieurs investisseurs lorgnent du côté du robot-conseil. Il faut cependant bien se renseigner sur les différentes promotions, contraintes et charges et sur le montant minimum nécessaire pour ouvrir un compte. Chez Wealthsimple, les investisseurs de 100 000 $ ou plus paieront par exemple 0,4 % de frais de gestion annuels (plutôt que 0,5 %) et ils auront droit à des services de planification financière et d’optimisation fiscale.
Autre avantage, on peut faire des virements automatisés de ses comptes bancaires vers une solution robot-conseiller en ouvrant un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI). La Banque de Montréal ne permet toutefois pas de transférer des fonds d’un compte de retraite immobilisé (CRI) ou d’ouvrir un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) avec le portefeuille Futé. «Dans le cas du FERR, ce n’est qu’une question de mois avant que ce soit possible», précise Sabrina Della Fazia, directrice générale BMO Ligne d’action, Québec & Atlantique.
Du deux-en-un
Si vous recherchez une approche plus personnalisée tout en profitant des atouts du conseil en ligne, il existe des solutions intermédiaires. La société montréalaise Placements Idema offre, par exemple, un service de gestion discrétionnaire avec des portefeuilles de FNB adaptés aux besoins de chaque investisseur. Il faut toutefois investir 25 000 $ ou plus. Selon son président, Ian Gascon, la firme a été la première à lancer au Canada un service de gestion de portefeuille en ligne, maintenant connu sous le nom de robot-conseiller. «Notre approche s’appuie sur une expertise dans la construction des portefeuilles, notamment la sélection des titres et la pondération des actifs», explique le gestionnaire de portefeuilles. Jusqu’à 150 000 $, les frais annuels de gestion sont de 0,5 %. Au-dessus de ce montant, ils passent à 0,3 %, auquel s’ajoutent les frais du FNB, soit entre 0,15 % et 0,4 %. «Les frais peuvent avoir un impact majeur sur le portefeuille d’un retraité. Si son profil de risque est plus conservateur et que le rendement espéré de ses placements est de 3 % alors qu’il paie 2 % en frais, cela peut s’avérer catastrophique», explique Ian Gascon. «Le choix d’un robot-conseiller (ou d’un gestionnaire de portefeuille) doit être dicté par autre chose qu’un beau site Internet, précise par ailleurs le site de son entreprise. Les caractéristiques les plus importantes à surveiller sont l’expertise des gestionnaires de portefeuilles, la philosophie de placement, la pertinence de l’allocation d’actif recommandée, l’absence de conflit d’intérêts, le niveau des frais chargés à l’investisseur et la qualité des systèmes informatiques.»
La valeur du conseil
Recevoir des conseils d’un professionnel du placement aurait une grande valeur. Dans une étude publiée en 2016 par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (Cirano), les ménages faisant affaire avec un conseiller financier ont accumulé en moyenne un patrimoine supérieur de 290 % à ceux qui n’en avaient pas. Les données ont été analysées sur une période de 15 ans, et l’échantillon se concentrait sur les familles ayant elles-mêmes choisi de retenir les services d’un conseiller. D’après les chercheurs Claude Montmarquette et Nathalie Viennot-Briot, l’élément-clé dans ce résultat serait la discipline d’épargne qu’une relation à long terme avec un conseiller permet d’établir. L’analyse démontre également que sur des périodes plus courtes de quatre ans, cet effet de richesse persiste, même s’il est moins prononcé, avec + 69 %.
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