La présentation des informations nutritionnelles sur les emballages alimentaires est sur le point de changer. Nous pouvons déjà voir apparaître de nouvelles étiquettes sur le devant des emballages et, d’ici janvier 2026, elles seront obligatoires.
Au cours des deux dernières décennies, l’étiquetage nutritionnel est devenu une pierre angulaire des stratégies de santé publique dans le monde entier. Les informations figurant au dos du contenant sont souvent ignorées en raison de leur complexité et de leur emplacement, qui ne permettent pas de bien orienter les décisions des consommateurs.
Les étiquettes sur le devant des emballages règlent en partie le problème en simplifiant les informations nutritionnelles clés et en les plaçant dans un endroit visible. Cette approche s’est avérée efficace pour inciter les consommateurs à faire des choix sains, puisque les recherches montrent que des étiquettes simplifiées et apparentes peuvent influencer les achats.
L’étiquetage sur le devant des emballages varie selon les pays. Certains utilisent des symboles d’avertissement pour souligner un excès de nutriments, tandis qu’ailleurs, on a recours à des systèmes de « feux de signalisation » avec des codes couleur ou à des icônes d’approbation pour promouvoir les options les plus saines.
Politique canadienne
La nouvelle politique du gouvernement canadien exigeant des symboles nutritionnels sur le devant des emballages vise à orienter les consommateurs vers des choix alimentaires sains en identifiant les aliments riches en sodium, en sucres ou en graisses saturées. Ces nutriments sont étroitement liés à des troubles chroniques tels que maladies cardiaques, diabète et hypertension.
Conçues dans un souci de simplicité et de cohérence, les étiquettes comportent une loupe en noir et blanc. L’uniformité de la taille, de l’emplacement et de la présentation bilingue de cette icône a pour but de la rendre facile à reconnaître et à comprendre.
Les produits frais, les produits laitiers nature et les viandes crues à ingrédient unique sont exemptés de la réglementation, compte tenu de leur valeur nutritive.
La politique vise à promouvoir la transparence et à améliorer la santé publique en aidant les Canadiens à faire des choix alimentaires éclairés. La mise en œuvre complète étant prévue pour janvier 2026, des recherches supplémentaires et des actions ciblées, telles que réunions et correspondance sur la saine alimentation organisées par Santé Canada, sont nécessaires pour assurer l’efficacité de la politique.
L’élaboration par Santé Canada des étiquettes sur le devant des emballages s’appuie sur des années d’études et de consultation des parties prenantes.
Depuis 2016, des tests approfondis auprès des consommateurs, réalisés notamment avec des groupes de discussion, des enquêtes en ligne et des expériences en magasin, ont permis de faire des choix concernant la conception, la taille et l’emplacement des étiquettes. On a ainsi pu peaufiner celles-ci pour mieux répondre à leur objectif de fournir aux consommateurs des informations nutritionnelles claires et concrètes.
Bien que l’initiative soit prometteuse, certaines lacunes pourraient nuire à son efficacité globale. Selon leur niveau de connaissances en matière de santé, des consommateurs pourraient mal comprendre les étiquettes apposées sur le devant des emballages et prendre des décisions en conséquence, s’ils ignorent par exemple les risques pour la santé associés aux nutriments tels que le sodium, les sucres et les graisses saturées.
De plus, le respect des nouvelles normes d’étiquetage, la reformulation des produits pour répondre à des critères plus sains et une éventuelle résistance des consommateurs sont autant de défis auxquels sont confrontés les fabricants.
La résolution de ces problèmes nécessite un investissement important dans l’éducation des consommateurs, ainsi qu’un soutien gouvernemental aux fabricants, sous forme de consultations, pour les aider à s’adapter aux nouvelles exigences.
Cette politique constitue également une occasion de sensibiliser les consommateurs à leurs choix en matière de santé. Des campagnes d’éducation dans le cadre d’ateliers communautaires ou de projets de santé publique, ainsi que des affiches dans les points de vente qui expliquent l’objectif et l’interprétation des nouvelles étiquettes, peuvent aider les consommateurs à prendre des décisions éclairées.
Ces campagnes devraient s’attaquer aux disparités en ce qui concerne la littératie en santé, pour que tous les Canadiens puissent profiter de l’initiative, quel que soit leur statut socio-économique. Les efforts de collaboration entre les organismes gouvernementaux, les prestataires de soins de santé et les organismes communautaires pourraient renforcer les actions éducatives, en touchant davantage de personnes.
Du côté des fabricants
Avec l’arrivée des nouvelles étiquettes, de nombreux fabricants voudront reformuler les produits, en diminuant la quantité de sodium, de sucres ou de graisses saturées afin d’éviter les mentions négatives.
Ce processus peut nécessiter de remplacer des ingrédients, d’adapter des recettes ou de réduire la taille des portions. Toutefois, pour préserver le goût et la texture des aliments ainsi que la satisfaction des consommateurs tout en respectant les objectifs nutritionnels, les fabricants devront démontrer une grande capacité d’innovation. Si les produits reformulés déçoivent les consommateurs, les entreprises pourraient perdre leur clientèle et leur part de marché.
Les enjeux sont particulièrement importants pour les sociétés dont les produits phares risquent le plus d’être marqués. Pour relever ces défis, ils devront collaborer avec les scientifiques de l’industrie alimentaire, les fournisseurs d’ingrédients et les organismes de réglementation. La recherche et le développement doivent se concentrer sur la mise au point de solutions innovantes qui répondent aux obligations réglementaires sans négliger les préférences des consommateurs.
Le respect des exigences en matière d’étiquetage pose également des problèmes logistiques et financiers. Les emballages doivent être revus pour intégrer les nouvelles étiquettes bilingues et normalisées, ce qui peut représenter un coût important. Pour les petits fabricants disposant de ressources limitées, cela peut s’avérer particulièrement lourd.
La mise à jour des chaînes d’approvisionnement pour inclure de nouveaux matériaux d’emballage et garantir une application cohérente dans toutes les gammes de produits ajoute à la complexité. Outre ces pressions financières et opérationnelles, la reformulation peut affecter les processus de production et la durée de conservation, entraînant des ajustements supplémentaires.
Incidences
Malgré ces défis, le nouvel étiquetage pourrait engendrer des changements majeurs dans l’industrie alimentaire. En choisissant des recettes plus saines, les entreprises peuvent acquérir un avantage concurrentiel, d’autant plus que la demande pour des produits sains augmente.
Au fil du temps, cette évolution pourrait se traduire par des tendances plus larges, en inspirant les fabricants à améliorer leur transparence et leur responsabilisation pour les offres de produits.
Ce type de résultats positifs nécessitent toutefois des politiques de soutien. Des incitations fiscales, des subventions à la reformulation et des orientations réglementaires claires peuvent contribuer à alléger les charges financières et opérationnelles des fabricants, en particulier chez les petites entreprises.
Si l’étiquetage sur le devant des emballages est prometteur en ce qui concerne la promotion de l’innovation et de choix alimentaires sains, nous n’en connaissons pas encore les effets à long terme.
Nous devrons nous pencher sur les priorités des fabricants en matière de reformulation, suivre l’évolution de la composition en nutriments au fil du temps et analyser la réaction des consommateurs vis-à-vis du nouvel étiquetage. Des études établissant un lien entre les étiquettes sur le devant des emballages, l’apport alimentaire et les effets sur la santé pourraient fournir une vue d’ensemble de l’efficacité de cette initiative en vue d’atteindre les objectifs de santé publique.
Cet article a été coécrit par Christopher Marinangeli. Il est nutritionniste et expert en réglementation au Centre de recherche et d’innovation réglementaires de Protein Industries Canada, une organisation à but non lucratif et l’un des cinq pôles mondiaux d’innovation du Canada.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.