Conseils de pro pour convertir une maison en propriété intergénérationnelle

Conseils de pro pour convertir une maison en propriété intergénérationnelle

Par Dominique Lamy

Crédit photo: iStock

Réunir deux ou trois générations sous un même toit: quel bonheur! Guide complet pour partir sur de bonnes fondations.

Étant donné le coût de la vie de plus en plus élevé et l’isolement qui guette certaines personnes âgées, surtout depuis la pandémie, certaines familles, pour contrer ces enjeux, se tournent vers la maison intergénérationnelle. Des chiffres fournis par l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), tirés du système Centris, montrent d’ailleurs que le ratio des ventes de maisons intergénération- nelles sur le total des unifamiliales pour la province du Québec est de 1,9% en 2023, année durant laquelle le prix médian s’est établi à 549 000$.

Or, plusieurs propriétaires ne souhaitent pas nécessairement quitter leur nid des dernières décennies. Le quartier leur convient et ils sont bien enracinés dans leur communauté. Il peuvent alors envisager de convertir leur maison unifamiliale en habitation intergénérationnelle. Charles-Antoine Boudreau, courtier hypothécaire chez Planiprêt, possède une expérience appréciable dans ce type de dossier. Il nous indique la marche à suivre pour réaliser un tel projet.

Se renseigner auprès de sa municipalité

Selon Charles-Antoine Boudreau, la première chose à faire est de demander ce que la Ville permet d’effectuer comme projet d’agrandissement. Les règlements et les normes des résidences intergénérationnelles sont en effet différents d’une municipalité à l’autre. Certaines n’autorisent pas ce genre de propriété, alors que d’autres ont récemment changé d’avis sur le sujet.

Par exemple, en 2020, la Ville de Repentigny a procédé «à la révision et à l’assouplissement des dispositions exis- tantes au règlement d’urbanisme concernant l’aménagement de logements d’appoint afin de répondre à la demande citoyenne et à l’évolution du marché», mentionne son site web.

Puisque Repentigny a atteint sa pleine maturité en matière d’habitation, l’assouplissement de cette réglementation permet de créer de nouvelles unités à même le parc immobilier existant. La municipalité propose même le service d’accompagnement d’un agent technique en urbanisme pour les propriétaires qui souhaitent procéder à des travaux pour aménager un logement d’appoint.

Autres points à surveiller: la superficie de la nouvelle aire d’habitation pourrait être limitée à un pourcentage de l’espace principal ou de la surface totale, alors que certaines municipalités exigent l’utilisation du même revêtement extérieur pour l’agrandissement ou que les plans de toute nouvelle résidence du genre soient approuvés par un architecte avant d’autoriser le projet. Et bien évidemment, peu importe la municipalité, il faut se procurer un permis avant d’entamer les travaux.

Bien évaluer tous les besoins des personnes impliquées

La prise en compte des besoins de chaque occupant est primordiale pour assurer le bien-être collectif. Un de nos petit-enfants est un virtuose de la guitare électrique? Mieux vaut prévoir l’insonorisation de sa chambre. On souhaite limiter le va-et-vient de la visite dans notre partie du domicile? L’aménagement d’une salle commune serait alors une bonne idée. L’un des salons pourrait être à l’usage de la famille élargie, un lieu de rencontre pour la partie de cartes hebdomadaire et pour regarder un match du Canadien de Montréal.

Pour les grands-parents, ce sont les besoins de mobilité et de sécurité qui prévalent. Le rez-de-chaussée leur est souvent recommandé plutôt qu’un des étages. Douche et baignoire adaptées sont aussi des indispensables à ajouter pour limiter le risque de chute ainsi que des cadrages de portes et des corridors plus larges, dans l’éventualité où un fauteuil roulant serait requis pour assurer les déplacements. Si la réglementation le permet, une rampe d’accès à l’extérieur plutôt qu’un escalier serait à privilégier.

Consulter un architecte

Il faut en deuxième lieu recourir aux services d’un architecte (en s’assurant qu’il est membre de l’Ordre des architectes du Québec) pour nous aider à déterminer, par exemple, s’il est préférable d’aménager un logement au sous-sol, une annexe sur le côté de la résidence principale ou d’ajouter un étage à celle-ci, ainsi que pour planifier l’agrandissement souhaité. L’architecte possède une bonne connaissance des règlements municipaux et du Code national du bâtiment. Son rôle est d’analyser nos besoins et d’étudier les aspects liés à l’emplacement des nouvelles structures. Lorsque le type d’aménagement est choisi, l’architecte nous transmet une estimation précise du coût des travaux.

Une fois les autorisations reçues de la municipalité et le coût des travaux estimé correctement, «l’heure est venue de planifier le financement du projet», dit Charles-Antoine Boudreau. Mais avant de contacter notre courtier hypothécaire, une discussion familiale s’impose pour clarifier les nombreux aspects financiers qui découleront de ce nouveau mode de vie.

Déterminer la structure financière idéale à adopter

Si on est propriétaire d’une maison convertie en demeure intergénérationnelle, est-ce que les membres de notre famille qui viendront y habiter le seront également? Ou deviendront-ils plutôt locataires de leur annexe, nous versant ainsi un loyer mensuel qui nous permettrait de couvrir l’hypothèque rehaussée à la suite de l’agrandissement? Contribueront-ils aux coûts de construction pour convertir la propriété actuelle en maison intergénérationnelle? Peu importe le scénario, il faut sortir la calculatrice!

«Le couple propriétaire de la maison à transformer est-il en mesure de se qualifier, avec ses deux revenus, auprès de l’institution financière, pour obtenir le financement requis pour effectuer les travaux, sachant qu’il a déjà un solde hypothécaire à assumer?» demande Charles-Antoine Boudreau. Le prêteur souhaitera aussi s’assurer que le débiteur possède une marge de manœuvre financière et des liquidités disponibles pour couvrir les imprévus et les «tant qu’à faire», fréquents lorsqu’on s’adonne à des rénovations.

La préautorisation hypothécaire semble difficile à obtenir? Des solutions existent pour faire pencher la balance en notre faveur. «Il est évidemment possible d’ajouter les membres de la famille qui occuperont le logement, l’annexe ou l’étage qui leur est réservé comme copropriétaires et endosseurs. Les revenus des grands-parents, à titre d’exemple, viendront alors s’ajouter à ceux des enfants, facilitant l’obtention du montant convoité.»

Un autre revenu pourrait être comptabilisé par l’institution financière pour faciliter l’obtention du financement: le loyer éventuel perçu par les propriétaires pour les locataires de l’annexe, si tel est le cas. «Un évaluateur agréé peut estimer le loyer économique moyen du secteur, disons de 1500$ par mois, pour que le prêteur en tienne compte dans l’équation.»

Dans sa pratique, Charles-Antoine Boudreau constate aussi une autre tendance: le versement d’une avance sur l’héritage prévu. Une avenue intéressante qui permet de couvrir les coûts des travaux à effectuer sur la propriété. «En contrepartie de ce don, les propriétaires peuvent parfois renoncer à percevoir un loyer. C’est du cas par cas, selon la situation financière de chaque famille.» Dans tous les cas, une bonne discussion sur le partage des dépenses communes (Hydro-Québec, taxes municipales et scolaires, entretien de la pelouse, etc.) est nécessaire si on veut dresser un budget réaliste.

Obtenir le financement requis

Pour l’obtention d’un financement, une bonne idée est «d’impliquer rapidement un courtier hypothécaire dans le dossier, avant même le début des travaux», dit Charles-Antoine Boudreau. Et la raison en est simple: plusieurs institutions financières ne voudront pas embarquer dans le projet si les travaux sont déjà entamés. «Le créancier peut y voir un risque pour la propriété.»

Si on a eu la chance de renouveler précédemment notre hypothèque à un taux avantageux, on peut envisager de conserver le prêt hypothécaire actuel. «Il est possible d’ajouter une seconde tranche hypothécaire pour financer le projet de construction. Ces deux tranches distinctes pour- raient ensuite être regroupées en une seule au moment opportun. Si vous y êtes admissible, la marge de crédit hypothécaire peut aussi s’avérer utile», dit M. Boudreau.

Avant de choisir notre prochain prêteur, il faut toutefois s’assurer qu’il accepte de procéder à des déboursés progressifs, tout au long de l’avancement des travaux. Un pourcentage du financement pourrait ainsi être versé lorsque 30% du projet est complété. Et ainsi de suite.

«Lorsque les plans sont acceptés et les soumissions reçues, c’est souvent la première question que je pose aux emprunteurs: est-ce que l’entrepreneur exige d’obtenir des déboursés progressifs? Si oui, détenez-vous les liquidités requises pour soutenir l’avancement des travaux? À défaut, vous devez choisir un prêteur en conséquence», explique l’expert.

Selon M. Boudreau, une autre variable peut aussi avoir une incidence sur le financement prévu: la valeur projetée de la maison. À la demande de l’institution financière, c’est l’évaluateur agréé qui doit estimer la valeur future de la maison intergénérationnelle. «Si la valeur projetée de la maison est évaluée à 500 000$, vous seriez en mesure d’emprunter jusqu’à 80% de cette somme, soit 400 000$. Avec un solde hypothécaire actuel de 150 000$, vous pourriez probablement obtenir un maximum de 250 000$ pour effectuer les travaux. Mais à l’inverse, si la valeur nette de la maison actuelle n’est pas suffisante, il pourrait y avoir un enjeu de liquidités pour compléter le projet.»

S’assurer d’avoir une vision globale de sa planification financière

Transformer une maison en demeure intergénérationnelle ne doit pas se faire au détriment de notre santé financière. L’immobilier doit faire partie d’un plan de match intégré et de notre planification financière globale. Plusieurs experts doivent être appelés à la rescousse pour garantir le succès de notre projet: courtier immobilier, courtier hypothécaire, notaire, fiscaliste et, surtout, notre conseiller en sécurité financière.

Peut-être aurions-nous souhaité décaisser certains placements pour financer ce nouveau mode de vie? Or, l’impact fiscal d’un gain en capital à la suite d’une vente effectuée au mauvais moment, à titre d’exemple, peut venir bouleverser la stratégie d’épargne-retraite établie précédemment. «Assurez-vous d’obtenir la pleine collaboration de tous les acteurs qui travaillent au dossier; une certaine synergie doit s’installer entre eux», conclut Charles-Antoine Boudreau.

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