Technostress, un malaise bien réel

Technostress, un malaise bien réel

Par Marie-Josée Roy

Crédit photo: iStock

Conçues pour nous faciliter la vie à la maison et au travail, les nouvelles technologies peuvent provoquer angoisse et découragement chez les personnes qui ont du mal à s’adapter. On en discute avec des spécialistes.

Courriels, réunions virtuelles, transactions bancaires, information, réseaux sociaux : jamais notre vie à la maison et au bureau n’a-t-elle été autant régie par les nouvelles technologies.

«On vit ce que certains appellent la quatrième révolution industrielle. Ce sont des changements technologiques qui s’accélèrent considérablement. Évidemment, la pandémie a renforcé ce phénomène, puisqu’on a changé nos modes de travail pour pouvoir continuer à travailler à distance», explique Ariane Ollier-Malaterre, professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la régulation du digital dans la vie professionnelle et personnelle. D’une évolution à l’autre, monsieur et madame Tout-le-Monde sont forcés de s’adapter et d’élargir leurs connaissances s’ils désirent suivre le rythme, ce qui peut générer du stress chez certaines personnes.

Une adaptation variable

La facilité d’adaptation aux nouvelles technologies varie d’une personne à l’autre. Pendant que Ginette fait ses emplettes en ligne et s’amuse à découvrir les derniers jeux en vogue sur son téléphone, Paul parvient tout juste à accéder à ses courriels. Pourquoi est-ce plus difficile pour certains que pour d’autres? «Ça dépend beaucoup de l’ouverture au changement et de la flexibilité d’esprit, avance Ariane Ollier-Malaterre. Les besoins psychologiques fondamentaux sont aussi à prendre en compte. Comment peut-on être autonome et compétent au travail si on ne sait pas quels outils utiliser?»

Selon François Pellerin, consultant en psychologie organisationnelle et fondateur d’InterCohérence, c’est d’abord une question de réaction. «Être dépassé peut prendre plusieurs formes, mais plus souvent qu’autrement, ça se manifeste davantage comme une résistance à un changement. La capacité d’utiliser les technologies est là, mais les gens n’en voient pas le sens. Ils se demandent pourquoi ils doivent changer quelque chose qui fonctionnait pour eux.» Qu’on soit sur le marché du travail ou à la retraite, se sentir dépassé par la technologie peut générer son lot d’émotions négatives. «Il y a bien sûr un sentiment d’obsolescence, mais ça peut également devenir anxiogène», indique François Pellerin.

Le poids du technostress

Apparu au cours des années 1980, au moment où l’utilisation des ordinateurs a commencé à se répandre, le technostress est défini par l’Office québécois de la langue française comme un «stress associé aux nouvelles technologies, à leur utilisation et à leur évolution rapide». Il peut se manifester sous forme d’irritabilité, de maux de tête et même de cauchemars, sans parler d’un risque de dépression. «Le technostress englobe deux dimensions liées aux changements technologiques, mentionne Ariane Ollier-Malaterre. D’abord, la techno-incertitude, c’est-à-dire qu’on peut arriver au travail un matin et découvrir un nouvel outil dont on ne sait pas se servir, et ensuite la technocomplexité. Maintenant, on reçoit non seulement des courriels, mais on doit aussi gérer les gens qui nous contactent par téléphone ou par message texte, sans parler de ceux qui nous appellent ou qui veulent nous parler sur Teams ou Slack.»

«C’est devenu comme un deuxième boulot: il faudrait pouvoir faire son travail normal, et aussi avoir une ou deux journées par semaine pour se mettre à jour.» Le problème, c’est que notre emploi du temps le permet rarement.

Une situation réversible?

Qu’on souhaite mieux se débrouiller avec la technologie dans notre vie de tous les jours ou maîtriser comme un pro les outils offerts au bureau, il y a moyen de corriger le tir. «Au travail, il est toujours important d’être honnête et transparent avec les ressources humaines ou avec son supérieur concernant les défis technologiques. Il doit y avoir une discussion ouverte sur les besoins en formation ou en ressources, ce qui permettra de trouver des solutions adaptées. Ça démontre aussi une volonté de s’améliorer», explique Bruno Dupuis, directeur de projet chez Carrefour RH. Rome ne s’est pas bâtie en un jour : pour améliorer nos compétences, rien ne vaut la pratique… et un peu de patience.

 Il faut être indulgent avec soi-même, conseille Ariane Ollier-Malaterre. On doit comprendre que tout le monde est dans le même bateau. Il ne faut pas penser que c’est en raison de notre âge qu’on est dépassé… Les jeunes subissent la même pression.» François Pellerin, pour sa part, recommande de donner un sens à ces apprentissages. «On doit comprendre en quoi ça peut nous aider. Voir le pourquoi. Quel est l’essentiel pour nous? Qu’avons-nous besoin de faire ? On commence par ça, et on apprend à le maîtriser.» Qui sait, peut-être nous découvrirons-nous une nouvelle passion?

Voir le bon côté des choses

Bien qu’elles nous obligent à demeurer constamment à l’affût, les nouvelles technologies comportent bon nombre d’avantages dont on gagne à profiter. «Il ne faut pas dresser un tableau trop négatif: c’est vrai qu’on est soumis à des défis, mais on a aussi des opportunités, des possibilités d’enrichir notre quotidien. On est capables de faire énormément de choses qu’on ne faisait pas avant. On peut assister à des webinaires dans le monde entier, c’est extraordinaire!» souligne Ariane Ollier-Malaterre. En utilisant efficacement la technologie, on peut grandement se faciliter la vie, que ce soit en organisant des rencontres virtuelles avec nos petits-enfants, en faisant notre épicerie en ligne ou en suivant des cours sur le web. «Il y a cette espèce de dynamisme qu’il est bon de conserver en vieillissant. Cette stimulation-là est bonne pour le cerveau», explique

Bruno Dupuis, qui encourage les gens à développer leur curiosité. «Je les pousse toujours à essayer. En prenant les précautions de base, il ne peut pas arriver grand-chose. Si les jeunes parviennent à manipuler un appareil aussi tôt, c’est parce qu’ils essaient! Il ne faut pas craindre les erreurs, mais plutôt faire des tentatives et revenir en arrière si on se trompe. Qu’on ait 7 ou 77 ans, c’est comme ça que se fait l’apprentissage!»

 

Dernière mise à jour: août 2024

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