On l’a connue comme athlète olympique, puis comme analyste sportive. Annie Pelletier, qui vient de faire le saut dans la cinquantaine, est aujourd’hui une maman comblée. Après une période difficile, marquée par la perte de ses parents, elle entame la prochaine étape avec assurance et détermination.
Vous avez arrêté de pratiquer des activités sportives. Que s’est-il passé?
L’année passée, j’ai fait un burn- out. Ma mère, dont j’étais l’aidante naturelle, est décédée en juillet 2022. J’avais accumulé beaucoup de fatigue et d’anxiété. Après son décès, j’ai vécu de l’adversité dans ma vie professionnelle. Ça a été la goutte qui a fait déborder le vase – qui était déjà pas mal plein. J’ai dû me retirer du bureau pendant sept mois, puis j’ai quitté mon emploi à la Fondation Aléo [Fondation de l’athlète d’excellence du Québec]. J’ai dû prendre soin de moi, trouver des moyens de mieux dormir, de me calmer. J’ai commencé une médication pour l’humeur qui m’a beaucoup aidée, mais qui a un peu tué mon envie de pratiquer du sport. Maintenant, je n’ai plus envie d’aller faire 100 kilomètres de vélo et d’avoir mal partout. Mais la marche est de retour dans ma routine, et l’été, je fais des longueurs dans ma piscine.
Vous avez eu 50 ans le 22 décembre 2023. Comment percevez-vous cette entrée dans une nouvelle décennie?
Vieillir, je vois bien ça. Je me trouve chanceuse d’être en vie. Et non seu- lement je suis en vie, mais en plus, je suis de bonne humeur et en santé. Avant, j’ai eu beaucoup de fatigue et d’anxiété. J’avais toujours besoin de me recentrer, de me déposer. Pen- dant longtemps, j’étais tout le temps en train de faire du sport, j’étais tou- jours à la recherche de l’adrénaline. À un moment donné, je me suis rendu compte que je m’étourdissais à faire tout ça. Je pense que l’âge a quelque chose à voir avec ça, au sens où je ne sens plus que je dois prouver quelque chose. C’est une des premières choses que j’ai constatées en vieillissant : le regard des autres m’importe beaucoup moins qu’avant. Je m’assume plus.
Pendant votre carrière d’athlète, les hommes vous ont beaucoup admirée pour votre apparence physique. Comment avez-vous vécu avec cette attention?
Moyen, parce que le physique, ce n’est que l’enveloppe. C’est sûr que c’était flatteur. Je l’ai apprécié pendant que ça passait, mais ça demeurait superficiel. Tu veux toujours rester à la hauteur de l’image que les gens se sont faite, mais la beauté, c’est éphémère. Aujourd’hui, comme femme, je me sens invisible. C’est très rare qu’un homme se retourne sur mon passage, contrairement à avant. Mais avant, j’étais aussi une personnalité publique, alors que maintenant, on me reconnaît beaucoup moins. Ça y contribue peut-être aussi. J’apprécie cette discrétion.
Vous avez un garçon de huit ans, Arthur. Que souhaitez-vous lui transmettre?
Mon fils est ma priorité numéro un. Je me suis mise à lui faire un journal artistique. Chaque page a une enveloppe qui contient un mot pour lui. Il pourra les ouvrir un jour, quand je serai morte. Ça contient les leçons de vie que j’ai apprises, mes valeurs. Je lui parle d’amour, d’amitié, d’intégrité. Je décore tout ça avec de la dentelle, des fleurs séchées, des photos de famille.
C’est un peu comme un testament artistique que je lui laisse. Parmi les valeurs que je veux lui transmettre, il y a l’empathie ainsi que la bienveillance envers soi et les autres, parce que je trouve que le monde en manque. Je pense que l’empathie permet d’être ouvert à l’autre, et on gagne tous à avoir des gens différents dans nos vies. Ils nous amènent un nouveau regard.
Parlons de vos parents. Comment vous ont-ils soutenue pour que vous deveniez une athlète?
J’ai commencé à faire du sport très jeune, donc mes parents ont toujours voulu me soustraire des tâches ménagères. Quand j’ai pris ma retraite du sport, j’étais habituée à ce que tout le monde fasse tout pour moi. Tout était mis en œuvre pour que je réussisse dans mon sport, mais quand la vraie vie est arrivée, ça a été difficile de me responsabiliser et de devenir débrouillarde. Quand même, j’ai beaucoup de gratitude envers mes parents, parce que je n’aurais pas réussi sans eux. La moi- tié de ma médaille leur revient.
Votre papa a été un des premiers au Québec à recevoir l’aide médicale à mourir, en 2016. Quels souvenirs gardez-vous de son départ?
Ça s’est fait dans sa chambre à coucher, dans la maison où j’ai grandi. Je me souviens de l’anxiété que je ressentais. C’était difficile, parce que c’était encore nouveau. Il n’y avait pas beaucoup d’information pour se préparer au départ de quelqu’un quand tu connais la date et l’heure. C’était surréel de penser que c’étaient ses dernières fois: sa dernière semaine, sa dernière nuit, la dernière fois qu’il se lève… C’est spécial, l’aide médicale à mourir. Mon père était encore là mentalement, mais il n’avait plus de qualité de vie et sa mort était imminente. Il a pu garder sa dignité et n’a pas eu à dégénérer davantage.
Votre mère nous a quittés à son tour en 2022. Perdre vos parents a dû laisser un vide. Comment vous sentez-vous aujourd’hui devant ces deuils?
Dans ma vie de tous les jours, je me remémore ces événements-là le moins possible. Ça me fait encore mal. Dans mon salon, j’ai les urnes de mes pa- rents avec des photos d’eux. Comme ça, ils sont encore là, avec moi. Mais c’est sûr que ces décès ont contribué à mon affaiblissement. J’étais arrivée au bout de ce que j’étais capable de prendre en matière de pression ou d’adversité. Après la mort de mon père, ça allait. Mon fils avait 10 mois, je me devais d’être présente pour lui et pour ma mère. En plus, mon père est décédé avec le sourire. Avec le décès de ma mère, ça a été un autre parcours. Je pense qu’elle avait une grande détresse face à sa mort. Ça m’a beaucoup affectée.
Vous faites maintenant du bénévolat, entre autres dans les CHSLD. Est-ce que c’est une façon de redonner au suivant?
Ça faisait longtemps que j’avais cette idée en tête. C’est la pandémie qui a fait en sorte que je suis allée aider en CHSLD. Je m’étais promis qu’un jour, j’irais prêter main-forte. Je suis aussi une formation avec Albatros Montérégie pour devenir bénévole auprès des personnes aux soins palliatifs et en fin de vie. C’est sûr que d’avoir accompagné mes parents en fin de vie m’a fait réaliser que je pourrais accompagner d’autres gens qui passent par là. J’ai également quitté mon emploi et j’ai décidé de prendre une année sabbatique pour mes 50 ans. J’ai donc voulu en profiter pour aller voir comme bénévole les environnements où j’aimerais peut-être travailler un jour.
Vous êtes en train de réorienter votre carrière?
Je suis en transition de carrière, oui. Je planifie mon retour aux études pour devenir éducatrice spécialisée. Je veux réaliser mon nouveau rêve: enseigner à l’École Bel-Essor de Longueuil, qui accueille une centaine d’enfants qui vivent avec une déficience intellectuelle moyenne, sévère ou profonde, avec ou sans handicap physique ou sensoriel associé. J’ai la conviction que je m’apprête à trouver mon X professionnellement, mais aussi personnellement. Je suis fière de moi, de l’aide que je suis allée chercher lors des deux dernières années afin de rebondir et me réinventer.
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