ON JASE-TU? 2019 – Avec la générosité et l’énergie qui la caractérisent, Marie-Claude Barrette s’investit à nouveau sans compter son temps dans notre grande action contre l’isolement. La parole à notre porte-parole!
Un an plus tard, presque jour pour jour, la Marie-Claude Barrette que nous retrouvons, attablée dans un resto familial de la rue Sainte-Catherine, est toujours aussi généreuse et enthousiasmée par l’initiative lancée par Bel Âge en 2018 et qui s’appelle désormais «On jase-tu?». Un engagement qu’elle n’a pas remis en question, malgré les bouleversements dans sa vie personnelle.
Marie-Claude, qu’est-ce qui vous a donné le goût de reprendre votre rôle de porte-parole cette année? L’an dernier, on en était aux balbutiements d’un mouvement. Nous avons eu de belles surprises et une participation énorme au rassemblement de Montréal. C’était très beau à voir. L’isolement des aînés, ça ne laisse personne indifférent. Comme porte-parole, je trouve important de s’impliquer durant plusieurs années. J’étais donc très contente quand l’équipe de Bel Âge m’a approchée pour continuer.
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionnée durant l’événement principal? Quand je suis arrivée au Complexe Desjardins, que j’ai vu l’armée de bénévoles avec des chandails rouges… et aussi l’espace, immense, que l’équipe avait bien aménagé, je me suis dit que, si personne ne venait, ça allait sembler très vide! (rires) Mais une heure avant l’ouverture, il y avait déjà une file, et ça n’a jamais dérougi. Certains étaient partis de Saint-Hyacinthe, de Drummondville, d’Ottawa. Finalement, j’ai parlé avec des aînés tout l’après-midi! J’ai reçu de beaux témoignages, d’autres plus tristes: des gens qui ne veulent pas aller vivre dans un CHSLD, dont les enfants ne les visitent plus, qui n’ont pas d’argent. Des participants sont venus en fauteuil roulant, d’autres avec des personnes en fin de vie. Il y avait des proches aidants, qui vivent eux aussi de l’isolement parce que, par exemple, leur conjoint est en fauteuil roulant, ce qui complique les sorties. Ça leur faisait du bien de parler à du monde, parce que personne ne vient les aider, eux. La participation des Petits Frères a été très touchante. Je trouve que l’équipe de Bel Âge a eu un bon flash de mettre ce mouvement-là en marche. Quand je me suis aperçue qu’on répondait bel et bien à un besoin avec cette initiative, ça m’a vraiment réjouie.
L’an dernier, Doris, votre mère, était aussi co-porte-parole. Elle était même venue de la Gaspésie pour participer au café collectif, à Montréal… Oui, elle est venue avec mon père. Elle était très contente, les gens l’ont reconnue grâce à notre entrevue dans le magazine et beaucoup sont allés lui parler. Cette année, ce sera différent. Ma mère est très malade, sa vie est fragilisée; c’est pour ça qu’elle n’est pas ici avec moi pour faire la promotion de l’événement. Notre automne a été rock’n’roll. Mes parents ont vendu leur maison en Gaspésie et ils ont maintenant une chambre chez nous, ainsi qu’un logement dans la maison de ma tante. L’an dernier, pendant l’entrevue, Doris disait que, si elle tombait malade, elle ne voudrait pas venir habiter chez ses enfants, parce qu’elle aurait l’impression de déranger… La formule qu’ils ont adoptée – ils se promènent maintenant entre chez nous et chez la sœur de mon père, qui habite à Laval, comme mon frère – rend tout le monde heureux. On peut tous se réunir plus régulièrement, alors malgré la maladie, il y a du beau qui émerge.
Ça a toujours fait partie de vos plans d’accueillir vos parents lorsque le besoin se ferait sentir? Oui, et c’est l’an passé qu’on a décidé, Mario et moi, d’acheter une plus grande maison justement en prévision de ça. Ses parents sont octogénaires et nous sommes chacun l’aîné de notre famille. On voulait être prêts lorsque nos parents auraient besoin de nous. Ce que j’ignorais, c’est que ma tante aurait un logement inoccupé dans sa maison, alors c’est bien, parce que mes parents ont aussi un lieu à eux. D’ailleurs, c’est Doris qui a décidé ça pour mon père! (rires) Elle s’est dit que, quand elle partirait, il serait avec sa sœur. Je trouve qu’ils gardent un bon moral, qu’ils vivent chaque moment.
Vous êtes donc devenue une proche aidante? Non. Si Doris lisait ça, elle se demanderait ce que je fais tant que ça! (rires) C’est une question de solidarité. La famille, c’est un filet de sécurité quand ça ne va pas. J’inclus mon frère et sa femme là-dedans. Mais la famille, il faut que tu la nourrisses. Pour vaincre l’isolement, il faut aussi cultiver un réseau, parler à son monde. C’est sûr qu’en vieillissant, on en perd, mais on a quand même la responsabilité de garder contact quand c’est possible. Mon frère et moi, on est soudés. On est donc rendus huit dans la même maison: mon fils, sa blonde, mes deux filles, mes parents, Mario et moi. Ça fait du monde à la messe! Et des fois, les deux chums sont avec nous. C’est de l’ouvrage, mais une fois assis ensemble à table, on est heureux. Par contre, j’ai tout évalué en vue du moment où ma mère aura besoin de soins spécialisés. Elle ne veut pas rester chez nous jusqu’à la fin.
Un jalon important
Vous avez eu 50 ans en janvier dernier. Voyez-vous ça comme un tournant? Ça fait un an que mes 50 ans m’obsèdent! (rires) À 40 ans, ma vie a changé naturellement. Mario a quitté la politique, on est arrivés dans la région de Montréal et j’ai commencé à faire de la télé alors que ce n’était pas prévu. Mais à 50 ans, il y a la ménopause, le vieillissement, et il faut faire la paix avec ça. Pour moi, c’est très important de rester telle quelle. Je n’ai rien contre ceux et celles qui recourent à la chirurgie, mais j’aimerais qu’on voie les signes du temps sur mon visage, parce qu’ils racontent mon histoire. À mon 30e anniversaire, j’avais déjà prévu que, pour mes 50 ans, j’irais marcher sur le chemin de Compostelle pour faire le point et aligner le reste de ma vie. Vu la situation, je n’ose pas réaliser ce projet présentement, mais je le ferai. À 50 ans, les enfants sont plus vieux, on sait davantage ce qu’on veut et ce qu’on vaut. Je n’ai plus de doutes par rapport à mes capacités, personne qui me rend nerveuse, je me connais. C’est une étape marquée par de grands questionnements, mais aussi une grande confiance.
Ces questions se posent-elles aussi sur le plan professionnel? Certainement! L’an passé, je suis allée voir des producteurs parce que je voulais sortir du studio et me retrouver sur le terrain. Ils m’ont proposé de magnifiques projets, et Où es-tu? a été retenu. Nous sommes allés à la rencontre de familles dont un proche a disparu sans laisser de traces. C’est vers ça que je veux tendre: des projets qui font œuvre utile. La série reviendra d’ailleurs sur les ondes de Moi et Cie en janvier 2020. Avoir 50 ans, c’est aussi asseoir des choses. Je n’ai jamais senti que j’avais à me prouver quoi que ce soit, mais là, je n’ai assurément plus rien à prouver. Je n’ai plus besoin de me mettre en lumière, je me vois davantage comme un catalyseur d’histoires. Ma plus grande préoccupation, c’est d’avoir du plaisir dans mon travail. En même temps, une liberté d’être s’installe. Une liberté de s’exprimer. Je n’aurais pas dit ça l’an dernier. Ce qui m’étonne aussi, c’est que j’ai été approchée pour de gros projets, pour lesquels on m’a dit: «On te donnerait carte blanche, on veut qu’ils portent ta signature.» Tabarouette! C’est tout un gage d’appréciation! Je vis une belle période de récolte et d’ébullition.
Qu’avez-vous appris sur vous-même que vous ne saviez pas à 20 ou à 30 ans? Que je suis une leader naturelle. J’ai toujours dit ce que je pensais, mais quand j’étais plus jeune, ça pouvait sortir plus raide! Avec les années, j’ai appris à rester rationnelle et à mettre les émotions de côté. Dans tous mes projets professionnels, je constate que j’arrive à créer une unité dans l’équipe parce que j’exprime ce que je veux et ne veux pas, toujours avec sensibilité. On dirait que depuis que j’ai compris cet aspect de moi-même, je l’assume et j’assume la responsabilité qui vient avec. Ça m’arrive de refuser d’aborder certains sujets auxquels je ne crois pas à Deux filles le matin, parce que le public nous fait confiance et que je ne veux pas briser ce lien. C’est aussi ça, être leader. Quand on a l’expérience et la crédibilité pour être écoutée, on se doit d’en faire profiter nos projets. Ça a même changé ma perspective sur moi: j’ai envie d’avoir de plus grandes responsabilités professionnelles, parce que je sais que je peux en prendre plus.
Ça fera bientôt 30 ans que Mario et vous êtes en couple… C’est long. (rires) Il faut être vigilant. Un couple qui dure, ça ne se fait pas tout seul. La vie change autour de nous. Quand les enfants sont petits, c’est une période de rush. Aujourd’hui, notre aînée a 22 ans et notre plus jeune, 16 ans. Il arrive qu’on se retrouve des weekends entiers seuls et on en profite pour s’évader au chalet. Mais on travaille beaucoup tous les deux et on se demande si on va continuer comme ça encore longtemps. Il faut déterminer ce que ça nous apporte. Moi, je découvre que j’ai besoin de cet accomplissement sur le plan personnel. On s’est toujours dit qu’il ne fallait pas se tenir pour acquis. Il faut communiquer, c’est impératif. L’an dernier n’a pas été facile pour Mario, car je me suis beaucoup remise en question. J’avais besoin de liberté dans ma tête. Je suis partie une semaine en vacances avec ma fille, puis une autre semaine toute seule. J’ai toujours eu un plus grand besoin de liberté que lui, et il a toujours accepté ça. J’ai toujours été plus aventurière, plus téméraire. La base de notre couple, c’est le respect de l’autre, et ça, ça n’a jamais changé au fil du temps, ni l’intérêt qu’on porte à l’autre. Il n’y a pas de secret. C’est dur à expliquer parfois pourquoi des couples de longue date se brisent. Souvent, ils se sont éloignés tranquillement jusqu’à ne plus pouvoir se rejoindre. Nous, on se parle, et la famille est aussi un agent de cohésion dans notre couple.
Redoutez-vous le moment où vos trois enfants auront quitté le nid? Ils sont très bien chez nous! (rires) Mais non, je ne le redoute pas. J’ai hâte de vendre la maison, d’aller dans quelque chose qui me ressemblera plus. Moi, je suis une fille de projets. Quand les enfants ne seront plus là, il y aura un autre projet, on ne restera pas à se regarder dans le blanc des yeux. Ils ne sont pas pressés de partir, mais je les vois être doucement en quête d’autonomie. Ils nous aident, ils font de la bouffe. Je trouve ça beau et ce moment ne reviendra jamais, alors je ne suis pas pressée de les voir partir non plus. Mais c’est sûr que quand ils vont nous quitter, on va changer. Et parfois, c’est ça, le problème: quand tes paramètres changent mais que tu conserves la même infrastructure, c’est là que tu peux te perdre. C’est exaltant d’avoir de nouveaux projets! Un couple, c’est se calibrer l’un à l’autre. Et nous, on est tellement différents!
Pour en revenir à On jase-tu?, l’objectif est-il toujours de créer des ponts entre les générations? Oui, mais également avec les communautés. Cette année, on aimerait qu’il y ait davantage d’activités organisées partout au Québec, mobiliser les municipalités, les associations et diverses ressources pour les aînés. Si l’événement fonctionne bien dans une ville, peut-être que ça incitera ses résidents à organiser un café-rencontre tous les mois. Cette culture d’entraide, si on peut contribuer à la développer, ce serait formidable. Et on la sent, cette volonté des communautés de sortir les aînés de leur isolement. On aimerait que ça fasse des petits.
Retrouvez Marie-Claude Barrette, entourée de plusieurs artistes et personnalités, à notre grand rassemblement du 4 mai au Complexe Desjardins, à Montréal. Des dizaines d’activités sont également organisées partout au Québec. Info: onjasetu.ca.
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