Chanh Chau Tran a commencé à faire du karaté traditionnel de style shotokan en 1968, au Vietnam. Aujourd’hui encore, il l’enseigne et poursuit son apprentissage de l’art martial qui contribue à sa santé physique et mentale.
C’est par le truchement des films d’arts martiaux que Chanh Chau Tran a commencé à s’intéresser au karaté traditionnel de style shotokan. «Au Vietnam, il y avait des films où c’était le bon contre le mauvais. Le bon portait une tenue blanche, le méchant, une tenue noire, et c’était toujours le bon qui gagnait. C’est ça qui m’a aiguillé vers le karaté… et peut-être aussi un petit côté bagarreur!»
M. Chau Tran avait 21 ans à l’époque et, dès lors, le sport a eu un impact majeur sur son existence. Il est passé d’élève à enseignant, a participé à des compétitions, entraîné des athlètes et, en 1987, fondé le Club Élite Karaté Montréal-Concordia, établi au Com- plexe sportif Claude-Robillard. « Quand j’étudiais à Polytechnique Montréal, je m’entraînais au CEPSUM [Centre d’éducation physique et des sports de l’Université de Montréal] et des étu- diants m’ont demandé si je voulais enseigner le karaté de manière officielle. Entre mon baccalauréat en ingénierie et le début de mon MBA, le club que j’avais créé comptait déjà 250 élèves qui venaient de partout.»
Nouvelle philosophie
Le karaté traditionnel de style shotokan que Chanh Chau Tran pratique et enseigne comporte une dimension à la fois traditionnelle et sportive. «Quand j’étais jeune, je faisais du karaté sportif pour me mesurer aux autres et représenter le Canada et le Québec en compétition. Avec le temps, j’ai réalisé qu’il faut opérer une transition. La plupart des karatékas ne la font pas et cessent de pratiquer le karaté quand ils arrêtent la compétition.»
Celui qui a été pendant 10 ans capitaine de l’équipe du Québec et gérant de l’équipe canadienne de karaté admet qu’au début de son enseignement, il poussait davantage la dimension sportive. «Je formais des champions, mais pas des karatékas. Le champion a une grosse tête et, quand il ne gagne plus, il disparaît. C’est pour cette raison que maintenant, j’oriente mes élèves vers un autre but que celui d’aller chercher des médailles. Pour moi, le vrai champion, c’est la personne qui se lève chaque matin en bonne san- té physique et mentale, pas seulement en période de compétition.»
Viser l’équilibre
Pendant plus de 20 ans, Chanh Chau Tran a conjugué les compétitions de karaté avec son poste dans la vente et le marketing, un domaine où il y a beaucoup de pression. Avec le recul, il pense que c’est ce qui lui a permis d’avoir une vision plus globale de son sport. Il se souvient par exemple du jour où son patron lui a dit: «On n’a pas l’impression que tu travailles fort. Qu’est-ce qui fait que tu as de meilleurs résultats que les autres?» Ce à quoi M. Chau Tran a répondu que la pratique des arts martiaux lui permettait justement de garder un équilibre physique et mental.
«Mon patron a trouvé ça tellement intéressant qu’il m’a demandé de faire une présentation devant mes collègues, dans laquelle je traçais des parallèles entre la pratique du karaté et la vente.» Et parce qu’il était efficace au travail, son patron lui accordait la liberté d’aller compétitionner.
À 48ans, M. Chau Tran a pris sa retraite pour se consacrer davantage au karaté. «Mais j’ai d’abord consulté mon épouse, qui m’a répondu que je pouvais prendre ma retraite dès le lendemain si c’était possible!»
Instructeur en chef
À 76 ans, Chanh Chau Tran s’entraîne six jours par semaine. «Le matin, je pratique dans mon gymnase à la maison et, ensuite, je vais au club pour partager mes apprentissages. Il y a quelques mois, j’étais au Japon avec 17 élèves qui sont membres du club depuis 20 ans. On m’a demandé comment j’avais réussi à les garder aussi longtemps, tous ces gens de haut niveau qui passaient des examens là-bas. Je crois que c’est parce que je leur ai inculqué le sentiment d’être là pour se ressourcer. Ils sont bien, ils ont l’esprit d’équipe, ils s’entraident.»
En plus du karaté, le sensei, ce qui veut dire enseignant en japonais, M. Chau Tran s’entraîne au kobudo d’Okinawa – un autre art martial japonais – et participe à des séminaires et des championnats. Ainsi, en août dernier, il était en Hongrie pour le 14e SKIF (Shotokan Karate-Do International Federation) et, en mars 2024, il participera à un séminaire organisé par le SKIF à Tokyo. Il sera accompagné de son épouse, qui passera son quatrième dan.
Si l’instructeur Chau Tran n’a jamais eu à se servir du karaté pour se défendre, sa discipline lui a néan- moins été utile en Jamaïque. Un soir, alors qu’il se promenait dans la rue avec son épouse, des gens se sont approchés d’eux pour leur vendre de la drogue. «À un moment donné, j’entends ma femme crier. Elle s’était mise en position de combat, mais avait perdu l’équilibre parce qu’un des gars tirait sur son sac. Tout d’un coup, j’ai vu quelque chose de scintillant devant mes yeux. Un gars avait sorti un couteau! Mon réflexe a été de lancer un cri de guerre… et il est parti.»
L’incident en question l’a incité à toujours rester aux aguets. «Si on est vigilant, personne ne nous attaque- ra. Et l’autodéfense, ce n’est pas juste pour se battre. Ça permet aussi de voir si quelque chose a changé dans notre corps, pour éviter de tomber malade.»
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