S’il y a un mot parfois ardu à prononcer, c’est bien «non». Même dans les situations les plus banales, comme à sa fille qui souhaite que l’on garde ses enfants alors qu’on avait prévu jouer au minigolf avec les voisins, ou à ce vendeur qui insiste pour qu’on adhère à une prolongation de garantie sur un nouvel appareil ménager. Pourtant, il n’y a rien de mal à poser ses limites, au contraire!
Plusieurs peurs se cachent derrière la difficulté à dire non, selon la psychologue, conférencière et autrice Geneviève Beaulieu-Pelletier: «Ça nous ramène au fait qu’on est des êtres sociaux, qui ont besoin de connecter avec les autres et de se sentir appréciés. On anticipe ainsi des conséquences sur la relation. En disant non, on a peur de blesser l’autre, de le mettre en colère, de perdre son amour ou son approbation. On craint aussi de se sentir rejeté, que l’autre nous perçoive de manière négative.»
«Il y a aussi la peur du conflit, et celle de se sentir coupable, comme si on n’avait pas le droit de mettre ses limites», ajoute Marie-Eve Poirier, thérapeute en relation d’aide, intervenante psychosociale et hypnothérapeute. Mais c’est par ces limites-là qu’on peut s’affirmer, exister, prendre notre place dans le monde.»
Ça dit quoi sur soi?
Sans vouloir généraliser, la crainte de s’affirmer correspond dans beaucoup de cas à une faible estime de soi. Elle peut également trouver sa source dans l’éducation reçue et certaines croyances intégrées au fil du temps.
Pour mieux comprendre son cheminement, Marie-Eve Poirier propose des pistes à explorer: «Ai-je vu des adultes autour de moi poser leurs limites de manière bienveillante et cohérente? Mes parents ont-ils su respecter mon besoin d’affirmation tout en m’offrant un cadre sécurisant pour m’aider à le faire? Ai-je assimilé que l’autre est plus important que moi, que si je mets mes limites, je serai rejeté? Ne pas savoir dire non, ça peut vouloir dire qu’on n’est pas assez connecté à soi-même et à ses propres besoins. Et c’est là que l’estime de soi joue un grand rôle. Suis-je assez importante à mes yeux pour me respecter et me faire respecter? Est-ce que je me donne le droit de me mettre en priorité, de faire valoir mes besoins? Il y a des personnes qui vont dire oui à tout parce que c’est une façon de prouver aux autres et à elles-mêmes qu’elles ont de l’importance, une valeur.»
Alors, on s’affirme comment?
En se pratiquant! L’idée est d’y aller graduellement, en commençant par dire non à une personne de qui on n’est pas proche émotivement. Une des patientes de Geneviève Beaulieu-Pelletier, par exemple, a débuté par une voisine avec qui elle était en désaccord sur un choix de fleurs dans une platebande commune. Mais qu’il s’agisse d’un colporteur, de la patronne ou de la parenté, la mécanique demeure la même. Voici quelques pistes.
Identifier ce qu’on veut réellement. «Bien cerner notre inconfort, nos besoins, nos valeurs et évaluer si on demeure en cohérence avec tout ça en disant oui. L’exemple classique: nos valeurs familiales sont très importantes, mais on accepte plein de projets ou de charges supplémentaires, illustre la psychologue. En s’éloignant de qui on est, on perd énormément de motivation.»
Clarifier son message. «Est-ce que je sens qu’on m’envahit? Si on veut communiquer qu’on a besoin de son espace, de se faire respecter, le fait d’y réfléchir en amont va permettre d’être moins aux prises avec la charge émotionnelle et d’y voir plus clair», ajoute-t-elle.
Trouver des phrases clés. «C’est une manière de se sécuriser, dit Marie-Eve Poirier. Par exemple: « J’apprécie que tu penses à moi, mais ce n’est pas réaliste, ou c’est impossible pour moi en ce moment. J’aurais voulu t’aider, mais je me dois de refuser. » Ce sont des phrases franches et respectueuses de soi et de l’autre.»
S’assumer. «Ça dépend des situations, mais en général, on n’a pas à justifier ou expliquer les raisons de son refus, poursuit la thérapeute en relation d’aide. On a le droit d’affirmer son choix sans hésitation, et de cela, il faut s’en convaincre. Tout comme on a le droit de répéter ses limites et de dire qu’on doit mettre un terme à la conversation, au besoin.»
Faire preuve de fermeté, et aussi de bienveillance. Prenons un enfant qui demande (encore) qu’on lui prête de l’argent. «Notre besoin est de dire qu’on n’a pas le budget pour ça, mais qu’on veut préserver notre relation. On peut lui dire: « J’aimerais beaucoup t’aider, mais je n’en ai pas les moyens en ce moment. » Ça montre qu’on est attentif, qu’on l’entend. On peut aussi ouvrir sur une autre possibilité : « Est-ce que je pourrais t’être utile autrement ? » Et si notre interlocuteur entre dans un discours culpabilisant, ce qui nous met à risque de flancher, on lui dit que la conversation tourne en rond et qu’on la reprendra à un autre moment », suggère Geneviève Beaulieu-Pelletier.
Faire un post-mortem. Une étape utile au début. «Après avoir dit non, on évalue comment on se sent. Qu’est-ce qui a bien été ? Qu’ai-je trouvé difficile? Qu’est-ce que je ferais différemment? Suis-je allé trop loin? Il se peut qu’on ait proposé un compromis: soyons alors indulgent envers nous-même et voyons le processus comme un apprentissage», dit la psychologue. C’est comme apprendre le vélo: ça demande d’abord des efforts, mais à force de s’entraîner, ça devient facile – et agréable.
Bye-bye culpabilité!
Outre la grande satisfaction d’être en accord avec soi-même et tous les bénéfices qui en découlent, comme être maître de son temps, de sa vie, il y a aussi ce corollaire: ne pas s’offusquer de se faire dire non à son tour ! Mais le plus beau? «Au bout du compte, savoir dire non, mais aussi oui, de façon réfléchie, ça favorise des relations vraies, authentiques, égalitaires. Et ça participe à notre estime de soi. Tout ça fait en sorte que la culpabilité, qui peut être présente au début, s’en va au fil du temps!» conclut Marie-Eve Poirier.
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