Qu’on parte en vacances ou qu’on ait envie d’une lecture de balcon enlevante, on remplit notre bibliothèque de ces romans lus et approuvés!
Dans la boîte à mémoire
Malgré une enfance bardassée entre les projets fumeux d’un père «toujours sur la pente descendante» et les crises d’une mère carrément dysfonctionnelle, sa détermination à devenir acteur a toujours habité le futur directeur du Conservatoire. À travers une cinquantaine de courts textes parfois cinglants, il se livre sans retenue, décrivant les années 1950 et surtout 1960, alors que tout était permis! Derrière le comédien de renom (il incarnera Baudelaire aux côtés de la cantatrice Marie-Nicole Lemieux dès octobre prochain) se révèle un véritable écrivain.
Raymond Cloutier, Fin seul, Les Éditions La Presse (372 p., 26,95 $ ou 18,99 $ en version numérique).
Haute tension
Un peu à l’est du lac Témiscouata, au bout d’un rang, se dresse une étonnante maison, longtemps laissée à l’abandon. Sa silhouette est inquiétante, et les phénomènes qui s’y sont déroulés le sont plus encore… Quatre femmes et leur famille l’ont habitée au cours du xxe siècle, mais aucune n’en est sortie indemne. L’auteure, journaliste bien connue, s’est inspirée au départ d’un drame survenu à sa propre arrière-grand-mère. Pour le reste, elle fait parler les vieilles pierres, qui recèlent toujours d’étranges secrets.
Katia Gagnon, Rang de la croix, Éditions du Boréal (357 p., 27,95 $ ou 19,99 $ en version numérique).
Le justicier silencieux
San Perdido, ville imaginaire sise au Panama, n’a rien d’attirant! La décharge publique la divise en deux: en haut, les riches, corrompus et rapaces; en bas, les misérables. Au milieu de tous circule Yerbo Kwinton, silencieusement, comme un félin. Beaucoup redoutent son regard bleu glacial et, surtout, ses larges mains, qui serrent comme un étau… Seule Felicia, la gardienne du dépotoir, sait qu’il a un cœur et l’aime depuis leur première rencontre, alors qu’il n’était qu’un enfant. Dans cette cité violente où toutes les sensations sont exacerbées par l’atmosphère ambiante, où «la vie est faite de douleur, de peur et d’asservissement», Yerbo se met, à sa façon, au service des victimes d’injustices. L’élan épique qui traverse cet immense premier roman laisse le souffle court.
David Zukerman, San Perdido, Éditions Calmann-Lévy (411 p., 32,95 $).
Sous emprise
Elle n’a que 15 ans lorsque, forcée par son père, un homme insensible et glaçant, Ophélie prend le voile chez les Augustines de Québec. Un drame épouvantable s’est produit au sein de la famille Martel et ce «père au cœur de pierre», juge de son état, l’en tient responsable. La jeune fille passera sept années à soigner les malades, sous le nom de sœur Marie-Hosanna, avant que le besoin de s’affranchir devienne criant. Alors qu’on est en pleine Première Guerre mondiale et que la grippe espagnole sévira bientôt, l’existence d’Ophélie est plus d’une fois bouleversée – les perspectives de bonheur étant entachées d’un lourd passé familial.
Claire Bergeron, Le Crime de sœur Marie-Hosanna, Éditions Druide (460 p., 27,95 $ ou 19,99 $ en version numérique).
La perfection ou rien…
Telle aurait pu être la devise de Monique Tremblay, petite Montréalaise qui allait devenir la grande Leyrac. Travaillant à l’usine dès ses 15 ans, elle serait appelée un jour à côtoyer les stars du show-business – au Québec d’abord, puis en France et de par le monde. Son biographe, un de nos plus célèbres mélodistes, ne cache pas son admiration sans borne pour l’artiste: «Elle chante ce qu’elle veut, quand elle veut et avec qui elle veut!» C’est tout aussi vrai de ses choix de rôles au théâtre – sa première vocation. Monique Leyrac s’est retirée à l’âge de 65 ans, ne voulant pas devenir «une vieille chanteuse», ce qu’elle n’aurait jamais été pour son vaste public, qui ne l’a pas oubliée.
François Dompierre, Monique Leyrac. Le roman d’une vie, Éditions La Presse (300 p., 26,95 $).
Des bleus à l’âme
Doris, nonagénaire, a mené une existence tumultueuse, digne d’une saga, partagée entre sa Suède natale – qu’elle a dû quitter à l’âge de 13 ans –, Paris et ses mondanités, New York et ses déceptions. Puis retour à la case départ, Stockholm. Patiente mais obstinée, Doris veut finir ses jours en toute lucidité, chez elle, malgré les énormes difficultés que cela représente. Au fil du temps, les noms de ses amis sont rayés dans le fameux petit calepin de moleskine. Quant à Allan, son grand amour rencontré en France, elle en a été séparée par la Seconde Guerre mondiale. Il ne lui reste que Jenny, sa petite-nièce, mais elle habite la Californie… On entre dans ce temple de souvenirs avec grande émotion.
Sofia Lundberg, Un petit carnet rouge, Éditions Calmann-Lévy (357 p., 29,95 $ ou 26,99 $ en version numérique).
Un retour très attendu
Quand la talentueuse Louise Penny nous offre une nouvelle enquête de l’inspecteur québécois que le monde entier nous envie, on ne boude pas son plaisir! Dans Au royaume des aveugles, Armand Gamache poursuit son âpre lutte contre les narcotrafiquants, tout en étant impliqué bien malgré lui dans une étrange affaire de testament au cœur de sa région des Cantons-de-l’Est. On retrouve d’ailleurs avec bonheur le village de Three Pines et ses habitants tellement attachants au détour de l’intrigue. Que l’on découvre Louise Penny avec ce roman policier, ou qu’on ait déjà dévoré les treize autres auparavant, impossible d’être déçu par ce grand cru! A.P.
Louise Penny, Au royaume des aveugles, Flammarion Québec (448 p., 29,95 $ ou 21,99 $ en version numérique).
En circuit fermé
Dire merci pendant qu’on le peut encore: voilà l’un des message que nous laisse Delphine de Vigan à travers ce roman débordant de tendresse. Autour de Michka gravitent Marie, qui l’assiste comme le ferait une fille aimante, et Jérôme, l’orthophoniste dont le dévouement va bien au-delà du simple exercice de sa profession. Car la vieille dame, autrefois correctrice dans un grand magazine, est atteinte d’aphasie. Les mots lui échappent peu à peu. Il faut alors apprendre «à suivre le chemin de sa pensée» et interpréter ses fantaisies langagières qui, souvent, nous font sourire. Et l’on pense avec émotion à Pauline Julien ou à Marie Cardinal, qui, elles aussi, ont fini par chercher leurs mots pour le dire.
Delphine de Vigan, Les Gratitudes, Éditions Jean-Claude Lattès (175 p., 24,95 $).
Au banc d’essai de la vie
Michel Jetté n’a pas eu besoin d’user de beaucoup d’invention: ses souvenirs d’enfance, si évocateurs pour nous, il les porte à fleur de mémoire. Élevé en ville dans une famille modeste, il décrit avec une verve intarissable l’arrivée des premiers éléments de la modernité: du réfrigérateur Westinghouse à la «machine à images» avec sa sempiternelle «face de Sauvage»; et même, beaucoup plus tard, au fameux Plymouth bleu à l’arrière duquel s’entasseront les quatre enfants. Bien sûr, il y a l’école, au rythme marqué par les bulletins en carton jaune d’autant plus redoutés que Michel avait une faiblesse marquée de la vue. Le récit tendre, attachant et surtout drôle d’une enfance heureuse.
Michel Jetté, La ruelle en arrière d’la maison, Éditions Fides (292 p., 26,95 $ ou 18,99 $ en version numérique).
À hauteur de femmes
À n’en pas douter, une amitié réelle liait déjà les deux protagonistes de cette correspondance échelonnée sur neuf mois. En s’adressant l’un à l’autre dans Moi aussi j’aime les femmes, Alain Labonté et Pénélope McQuade nous font prendre une conscience plus aiguë encore des situations souvent déplorables contre lesquelles les femmes doivent toujours se battre, quels que soient leur âge ou leur origine. La réflexion des auteurs, étayée d’exemples souvent empruntés à leur vie personnelle, est une invitation à repousser nous aussi nos limites. Rien à voir avec du prêchi-prêcha; une projection simplement et sans bâillon de ce que pourraient être, de ce que devraient être la liberté, l’égalité, la fraternité, et la sororité bien sûr.
Alain Labonté et Pénélope McQuade, Moi aussi j’aime les femmes, Éditions Stanké (191 p., 22,95 $ ou 16,99 $ en version numérique).
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