On entend parler de la flore intestinale depuis des années, mais des milliards de bonnes bactéries vivent aussi sur notre peau. Tout un univers à découvrir!
Plus personne ne sourcille à l’idée d’avaler des probiotiques dans son yogourt. Alors, pourquoi n’en donnerions-nous pas à notre peau? Elle aussi a son écosystème de micro-organismes vivants, et ce dernier l’influence beaucoup plus qu’on ne pourrait le penser.
Si les premières études sur le microbiote humain remontent au début du XXe siècle, c’est dans les années 1990 que s’est confirmé le rôle important de la flore intestinale sur la santé. Selon le Dr Joseph Doumit, dermatologue aux cliniques Union MD, on a découvert depuis 15 ans le caractère individuel de cette flore. La recherche s’est alors élargie vers d’autres parties de l’organisme et on en est venu à examiner le microbiote cutané.
Si on utilise souvent «microbiome» et «microbiote» de manière interchangeable, ces mots ne sont pourtant pas tout à fait synonymes. «Le microbiome est l’ensemble des microsystèmes, des micro-organismes et de leurs gènes qui se trouve dans une région particulière», établit William Matthew Yee Sui Chun, chef des communications médicales pour Vichy Laboratoires. Dans ce cas-ci, la région en question, c’est notre peau. Lorsqu’on parle du microbiote, on ne fait référence qu’aux micro-organismes et non à leurs gènes. Le microbiome cutané, c’est «la science des microbes qui vivent sur notre peau», résume Mireille Vega, docteure, biochimiste et fondatrice de la marque V*GAM. Quant aux termes «microbiote cutané» et «flore cutanée», ils sont synonymes.
Composé majoritairement de bactéries, mais aussi de virus, de champignons et de levures, le microbiote cutané couvre la surface de notre peau, mais aussi l’intérieur de nos pores et des bulbes de nos poils. «La peau d’un adulte abrite en moyenne près de mille milliards de bactéries d’une centaine d’espèces différentes et près de mille espèces de virus», met en lumière le Dr Doumit. Impressionnant!
À quoi ça sert?
Notre flore cutanée est tout sauf homogène. Non seulement il y a plus de bactéries à certains endroits, mais il ne s’agit pas nécessairement des mêmes. «Les microbes aiment l’eau et le gras, ils sont donc plus concentrés à certains endroits comme les aisselles et le visage», explique Mireille Vega. Les mains et le cuir chevelu seraient aussi des régions riches en bactéries. Par contre, les endroits plus secs (nos bras ou nos épaules, par exemple) en comptent beaucoup moins. Selon la biochimiste, on construit tranquillement notre microbiote individuel depuis notre naissance, sous l’influence d’une multitude de facteurs dont la génétique, l’âge, le sexe, l’environnement et les personnes avec qui l’on vit.
La plupart des bactéries seraient commensales, c’est-à-dire qu’elles aident par leur simple présence à «garder l’équilibre par rapport à d’autres micro-organismes susceptibles de provoquer des états inflammatoires ou d’irritation au niveau de la peau», décrit William Matthew Yee Sui Chun. Ainsi, lorsqu’on a assez de microbes, cela «empêche ceux qui seraient opportunistes et pourraient causer des problèmes de prendre le dessus», précise Mireille Vega. Dans le cas du cuir chevelu, avoir une quantité suffisante de microbes permet de contrôler des levures comme la malassezia: «Sans équilibre, celle-ci devient dominante et se nourrit de lipides dans le gras naturel présent sur le cuir chevelu, engendrant un stress oxydatif et créant de l’irritation», confirme le premier. Cette irritation accélère ensuite la multiplication des cellules et mène à une desquamation. Résultat? Les fameuses pellicules!
Nos bactéries représenteraient la première barrière de défense cutanée externe. «Le microbiote combat les agressions extérieures, peu importe d’où elles viennent», complète le Dr Doumit. Déployant des mécanismes de défense pour contrer l’invasion d’agents pathogènes et favoriser la guérison, le microbiote protégerait aussi «des agressions internes, comme l’inflammation chronique responsable de pathologies cutanées et du vieillissement de la peau».
Tout est dans l’équilibre
Plusieurs facteurs peuvent perturber l’équilibre du microbiote cutané et détruire ses bactéries: des soins de la peau non adaptés, la prise de certains médicaments, notamment des antibiotiques, les savons agressifs, l’exposition aux rayons UV… Notre environnement l’influencerait aussi énormément. «Les symptômes d’un déséquilibre sont souvent ce qu’on essaie de traiter sur notre peau, comme la dermatite atopique, l’eczéma, les irritations, la rosacée ou l’acné», met en contexte Mireille Vega. On parle de boutons, de démangeaisons, de points noirs ou blancs, d’irritation ou d’une peau sensible et réactive, entre autres. «Le déséquilibre du microbiote, aussi appelé dysbiose, a un effet direct sur l’acidité de la peau et les processus immunitaires et inflammatoires auxquels les bactéries participent», poursuit le Dr Doumit. De manière générale, plus le microbiote est affaibli, plus le risque d’infection et d’inflammation de la peau augmente.
Les changements drastiques de température ou l’humidité peuvent notamment engendrer des effets fort concrets: «Si on recrée un environnement très humide au niveau du visage (en portant un masque, par exemple), alors que cette zone a plutôt l’habitude de respirer, cela peut faire proliférer certains micro-organismes, causant des conditions cutanées surprises comme on a vu avec le maskné», illustre William Matthew Yee Sui Chun. Plusieurs personnes ont en effet souffert de boutons ou d’irritation en lien avec le port du couvre-visage depuis le début de la pandémie.
Dans certaines populations éloignées, révèle Mireille Vega, on a découvert des microbes cutanés que la majorité des gens vivant en milieu industrialisé ont complètement éliminé en raison de l’usage généralisé du savon depuis les années 1960. L’acné et les dermatites étaient beaucoup moins fréquentes auparavant. «Est-ce parce qu’il y a plus de pollution maintenant? Je crois qu’on a détruit certains microbes bénéfiques pour notre peau à cause de notre besoin de tout désinfecter constamment.»
Comment soigner ma flore cutanée?
Même si le microbiote reste très différent d’une zone de peau à l’autre, «contrôler déjà certains facteurs internes et externes permet de réduire le risque de l’affecter», avance William Matthew Yee Sui Chun. Voici quelques pistes pour nous aiguiller.
✓ Je protège ma peau du soleil. «Les UVA et les UVB qui atteignent directement, quotidiennement et intensément la peau jouent sur les populations de micro-organismes», affirme l’expert Vichy.
✓ J’évite les nettoyants abrasifs et les produits irritants. Rechercher la mention «sans savon» est un bon début, souligne-t-il aussi. «Cela nous aide à maintenir une composition idéale de lipides pour équilibrer le microbiome cutané.»
✓ Je réduis ma fréquence de lavage. Il est important de retirer les impuretés, le maquillage, la pollution et les contaminants à la surface de notre peau avant le coucher, mais inutile de nettoyer notre peau plus d’une fois par jour. Au contraire, cela pourrait l’agresser.
✓ Je procure à mon microbiote ce dont il a besoin. Ici, on parle de probiotiques, de prébiotiques et de postbiotiques. «Les probiotiques sont des microbes vivants qui nous veulent du bien, tandis qu’un prébiotique est un aliment qui aide les bons microbes à lutter contre les mauvais», définit le Dr Doumit. Quant aux postbiotiques (des extraits fermentés, par exemple), ils recréent un environnement optimal pour nos bons microbes. «Notre style de vie maltraite notre peau en lui enlevant ses céramides, ses gras, ses protéines et ses acides aminés», souligne Mireille Vega. On lui en redonne donc via nos formules de soins. Certains ingrédients, comme les céramides et les acides gras, seraient d’ailleurs autant des postbiotiques que des prébiotiques, car certains microbes s’en nourrissent.
Concentré protecteur et récupérateur Minéral 89 Probiotic Fractions, de Vichy (49,95 $).
Duo G02, avec crème visage Biotik Elements et sérum minéral Biotik Komplements, de V*GAM (110 $).
Sérum probiotique haute hydratation Sublimessence, de Lise Watier (60 $).
Concentré activateur de jeunesse Advanced Génifique, de Lancôme (99 $).
Vaporisateur au saké fermenté Sweet Biome, de Drunk Elephant (55 $).
Démaquillant apaisant anti-rougeurs Redness Solutions technologie probiotique, de Clinique (34 $).
Nettoyant Microbiome, d’aN-hydra (70 $).
Nettoyant Active Clay, de Dermalogica (55 $).
Masque-Crème Hydratant Vinosource-Hydra, de Caudalie (48 $).
Hydratant en gel probiotique Squalane +, de Biossance (69 $).
Crème-en-masque réparatrice nuit Dream Cream, de Jouviance (65 $).
Baume Lipikar AP+M, de La Roche-Posay (25 $).
✓ J’utilise des soins au pH acide. «Le pH acide de la peau est un milieu hostile au développement des pathogènes», indique le Dr Doumit. De plus, maintenir son pH acide permettrait au mécanisme de la peau de se produire de manière optimale. Selon Mireille Vega, l’idéal serait entre 4 et 4,5, mais nul besoin d’être aussi précis. La stratégie la plus simple est de rechercher des produits doux ou au pH équilibré.
✓ Je fais attention aux agents de conservation. Les produits cosmétiques doivent être conservés. «Or, les conservateurs sont souvent des produits chimiques qui tuent les bactéries de la peau», met en garde le Dr Doumit. Il n’est pas toujours évident de les éviter, mais on gagne à privilégier les petits contenants.
✓ J’utilise les gels bactéricides avec parcimonie. «Ces gels empêchent la flore de se reconstruire», prévient aussi le dermatologue. Il faut dire que la pandémie a fait la vie dure à nos mains! Quand c’est possible, on les lave plutôt à l’eau et au savon.
✓ Je prends soin de ma peau au quotidien. En l’hydratant et en lui prodiguant une hygiène régulière, on favorise l’équilibre de notre microbiote cutané. Adopter des produits respectueux du microbiome cutané peut nous aider à maintenir cette harmonie, d’après William Matthew Yee Sui Chun: «Ils visent non seulement à respecter les micro-organismes déjà présents dans une zone donnée, mais aussi à maintenir leur diversité et leurs proportions.»
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