Suivre la route des phares

Suivre la route des phares

Par Sylvie Ruel

Crédit photo: Phare de Pointe-au-Père

C’est en 1809, à l’île Verte, dans le Bas-Saint-Laurent, qu’a été construit le premier phare sur le Saint-Laurent. Pendant deux siècles, plusieurs de ces sentinelles ont été érigées tout le long du littoral et sur les îles du Saint-Laurent dans le but de guider navigateurs et marins.

L’automatisation des phares, durant les années 1960, a fait disparaître non seulement le métier de gardien de phare, mais aussi bon nombre de ces bâtiments qui ont été laissés à l’abandon, détruits, brûlés… Aujourd’hui, il n’en reste que 43, postés le long du littoral du Bas-Saint-Laurent et de la péninsule gaspésienne, de la Côte-Nord, ainsi que sur les îles de la Madeleine et l’île d’Anticosti. Plusieurs ne servent qu’à évoquer une page d’histoire, d’autres ont retrouvé, grâce à la passion d’anges gardiens de ce patrimoine, une deuxième vie en étant transformés en auberges, musées ou centres d’interprétation.

Du Bas-Saint-Laurent jusqu’à Gaspé

Au quai de Rivière-du-Loup, on rejoint par bateau l’archipel des îles du Pot à l’Eau-de-Vie, formé de trois îlots. L’un d’eux, le Pot du Phare, est surmonté d’un magnifique phare blanc et rouge. Construit en 1861, ce phare a guidé les marins pendant plus de 100 ans. Abandonné, dévalisé puis sauvé de la destruction en 1989 par la Société Duvetnor, un organisme voué à la sauvegarde et à la protection des milieux marins, le phare a été superbement restauré et transformé en auberge. Aujourd’hui, il est classé bâtiment fédéral historique. Pimpant comme autrefois, le bâtiment possède trois coquettes chambres au charme d’antan. L’îlot est balisé de sentiers pour l’observation des oiseaux. Des guides bien documentés partagent avec les visiteurs l’histoire maritime de ce petit archipel, ses tempêtes, ses naufrages, ses récits de contrebandiers…

Duvetnor organise aussi des excursions commentées à bord de ses bateaux pour aller observer les phares de la région de Charlevoix: ceux de Cap de la tête au chien, Cap au Saumon, et ceux de l’île Rouge et Haut Fond Prince, dans les environs de Tadoussac. L’embarquement se fait aussi au quai de Rivière-du-Loup.

Phare de l’île Verte

Seule île de l’estuaire habitée en permanence depuis la fin du XVIIIe siècle (aujourd’hui 26 habitants y vivent toute l’année), l’île Verte possède le plus vieux phare du Saint-Laurent. Construit en 1809 et fermé en 1972, il a vu défiler quatre générations de la famille Lindsay au poste de gardien de phare. Aujourd’hui, il accueille les visiteurs qui viennent se familiariser avec ce métier disparu, voir l’évolution des signaux sonores et lumineux et découvrir des histoires de naufrages.

Le visiteur peut monter au sommet de la tour de 55 pi (17 m) pour observer l’ensemble de l’île, les paysages de la côte nord et peut-être aussi des baleines. À côté du phare, les maisons du gardien et du gardien adjoint servent de gîte touristique. Huit chambres sont à la disposition des visiteurs. Longue de 13 km, l’île Verte est un havre de tranquillité pour ceux qui rêvent d’échapper au rythme des villes. On y accède par bateau à marée haute.

Pointe-au-Père, Matane et La Martre

Phare de Pointe-au-Père

S’avançant en pointe dans la mer, le site de Pointe-au-Père a été l’un des plus importants centres d’aide à la navigation au Canada. Le grand phare de forme octogonale qui s’y trouve aujourd’hui est le quatrième à avoir été construit sur le site, en 1909. Haut de 107 pi (33 m), il est, avec ses 128 marches, l’un des plus hauts phares au Canada. Les bâtiments adjacents, tels la maison du gardien et le hangar de la corne de brume, sont ouverts aux visiteurs.

Un musée retrace l’histoire des 150 ans de pilotage sur le Saint-Laurent, celle des phares précédents ainsi que l’évolution des systèmes d’éclairage. On y trouve aussi l’étonnant musée de la mer, qui fait revivre l’histoire de la plus grande tragédie maritime au Canada, survenue non loin de là, le 29 mai 1914, lorsque l’Empress of Ireland est entré en collision avec le charbonnier Storstad, faisant 1 012 victimes. On peut y entendre des témoignages des survivants, voir différents objets récupérés de l’épave, de vieilles photos, et visionner un film en trois dimensions sur le naufrage comme tel. Pas très loin du phare, on trouve un monument érigé aux nombreuses victimes.

Phare de Matane

Du sommet de ce phare de 65 pi (20 m) de haut, le visiteur aperçoit, au nord, la mer qui s’ouvre sur l’immensité, et au sud-ouest, le parc éolien de Saint-Ulric de Matane avec ses 57 éoliennes aux ailes blanches, ainsi que les monts Chic-Chocs. La dernière maison du gardien, habitée de 1935 à 1951 par la famille McKinnon, a été restaurée et elle sert de bureau d’information touristique.

La Martre et la péninsule

La côte nord de la péninsule gaspésienne est spectaculaire. Les collines de Matane et de Cap Chat font bientôt place à la montagne qui se fait colossale à mesure que la voiture avale des kilomètres. Rencontre dramatique de la montagne et de la mer; parfois, le colosse semble tomber littéralement à l’eau… Tout le long de la côte s’égrène une enfilade de villages aux noms poétiques, dont certains se découvrent avec émerveillement au tournant de la route : Marsoui, Mont-Louis, Anse Pleureuse, Gros Morne, Manche d’Épée, Pointe à la Frégate, Chloridorme…

Et tout le long du littoral, se dressent de beaux phares, dont plusieurs sont accessibles au public. Le phare La Martre, de couleur rouge vif, est posté en plein cœur du petit village de La Martre, où vivent 270 habitants. Âgé d’un siècle (1906) et pimpant comme un neuf, le phare a une structure de bois unique, et il est toujours en opération, avec le système d’horlogerie d’origine. Il est aussi l’unique phare à posséder un escalier droit avec une rampe, alors que les autres ont des escaliers en colimaçon. Tout en montant les 67 marches, le visiteur peut s’arrêter à chaque pallier pour voir une exposition portant sur l’histoire des phares. Dans le hangar de la corne de brume, une autre exposition retrace l’évolution des systèmes d’éclairage, cornes de brume et belles lanternes. La maison du gardien (la quatrième) sert de poste d’accueil.

Cap Madeleine, Pointe-à-la-Renommée et Cap-des-Rosiers

Cap Madeleine

À Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, petit village de bord de mer situé 65 km plus loin, le phare se dresse fièrement à l’embouchure de la Madeleine, une belle rivière à saumons. Du sommet du phare, on contemple l’horizon infini ainsi que les montagnes, la mer et le barachois, à l’embouchure de la rivière. Le hangar de corne de brume fait office de musée: une exposition y raconte l’histoire du moulin à papier qui occupait le site autrefois. On profite d’une visite au phare pour marcher le long du barachois au sable fin, le temps d’admirer les fous de Bassan, les baleines et de contempler le merveilleux coucher de soleil.

Pointe-à-la-Renommée

Situé sur un promontoire offrant une vue d’une beauté exceptionnelle, le phare de Pointe-à-la-Renommée, à l’Anse-à-Valleau, a aussi une histoire exceptionnelle. Après le départ du dernier gardien, en 1975, le phare a été la proie des vandales et exproprié à Québec. Après 22 ans d’exil passés au pied du château Frontenac, dans le port de Québec, il est revenu à son port d’attache, en 1997, grâce à un petit groupe de citoyens de l’Anse-à-Valleau décidés à rapatrier ce bien patrimonial sur son site d’origine.

Pointe-à-la-Renommée fut d’abord un centre stratégique de communication. C’est à cet endroit que Marconi installa en 1904 la première station radio-maritime en Amérique du Nord. Une exposition fort intéressante nous permet de faire connaissance avec ce physicien italien, inventeur de la télégraphie sans fil. Une autre exposition dans le bâtiment d’à côté fait découvrir au visiteur la vie des gardiens de phares.

Cap-des-Rosiers

Le cap des Rosiers, à l’entrée du parc Forillon, est le point de démarcation entre le fleuve et le golfe Saint-Laurent. De nombreux naufrages se sont produits à cet endroit. C’est pourquoi on y trouve aujourd’hui le plus haut phare du Canada. Construit en 1858 sur une hauteur de 110 pi (34 m), le phare est toujours en opération. Un guide-interprète accompagne le visiteur au sommet et lui raconte l’histoire et le fonctionnement de ce phare, classé monument historique en 1977. La route des phares est décidément exceptionnelle!

Ami des phares

En vous procurant le Passephare  (30$) des Amis des phares, vous aurez accès gratuitement aux sept phares suivants: Île Verte, Pointe-au-Père, Matane, Cap-Chat, La Martre, Cap Madeleine et Cap-des-Rosiers. Vous pourrez également lire le Bulletin des Amis des phares, lequel vous renseignera sur des sujets concernant les phares du Saint-Laurent et les actions entreprises par la Corporation des gestionnaires de phares du Québec, organisme sans but lucratif formé de bénévoles, pour promouvoir la sauvegarde et la mise en valeur de ce précieux patrimoine architectural maritime. Tél.: (418) 724-6214. www.routedesphares.qc.ca

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