Peut-on retarder la perte d’audition?

Peut-on retarder la perte d’audition?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Une question qui brûle les lèvres et qu’on a pris soin de poser aux experts. Leurs réponses devraient nous permettre de dormir sur nos deux oreilles!

Bien que la perte auditive touche des personnes de tous âges, les risques de souffrir de surdité augmentent considérablement en vieillissant. «Avec le temps, les cellules ciliées de la cochlée, située dans l’oreille interne, déclinent, provoquant une baisse d’audition progressive dans les deux oreilles, indique le Dr Owen Woods, médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie à l’Hôpital Maisonneuve- Rosemont, à Montréal. Cette usure naturelle, appelée presbyacousie, est irréversible. Les cellules endommagées ne se régénèrent pas. Toutefois, la presbyacousie évolue différemment selon les individus et elle peut être gérée. »

La dégénérescence auditive débute généralement dès l’âge de 40 ans. Mais les premiers signes se manifestent autour de 50 ans. Et plus on vieillit, plus le risque de souffrir de surdité augmente. Par exemple, à 65 ans, une personne sur trois présente une perte auditive et, à 75 ans, c’est une personne sur deux!

Des indices à ne pas négliger

Comme la baisse d’audition s’installe petit à petit, la plupart des gens mettent un certain temps à se rendre compte du problème. Lors d’une étude portant sur la perte auditive chez les Canadiens âgés de 40 à 79 ans, 8% des hommes et 5% des femmes ont déclaré avoir une déficience auditive. Or, lorsque les chercheurs ont mesuré l’ouïe des participants, ils ont constaté que 63% des hommes et 46% des femmes présentaient une perte auditive mesurable!

«Les gens qui développent une surdité ont tendance à mettre leurs difficultés sur le compte des autres, leur reprochant de marmonner ou de mal articuler, confie Chantal Laroche, audiologiste et professeure émérite au programme d’audiologie et d’orthophonie de l’Université d’Ottawa. Aussi, ils compensent les désagréments par de petits changements, comme monter le volume de la télévision.»

Le plus souvent, ce sont les membres de l’entourage qui remarquent les signes de la baisse auditive, mentionne le Dr Woods. Pourtant, plusieurs indices peuvent nous mettre sur la piste. Quand une personne a du mal à suivre une conversation en groupe ou dans un environnement bruyant, qu’elle doit changer de place pour comprendre son interlocuteur, qu’elle se trompe sur les mots qui se ressemblent, qu’elle demande souvent aux autres de parler plus fort ou de répéter, qu’elle entend difficilement les sons aigus comme la sonnerie du téléphone, que ses proches se plaignent du son de la télé ou parce qu’elle parle trop fort, ce sont là des signes éloquents d’une perte d’audition. Même chose si la personne répond fréquemment de façon inappropriée à une question ou si elle souffre d’acouphènes.

Tous ces indices doivent nous alerter et nous inciter à consulter, car la dégradation de l’ouïe n’est pas sans conséquence. «La baisse d’audition peut être à l’origine de difficultés de communication, de malentendus et de mauvaises interprétations susceptibles de nuire aux relations personnelles, sociales et professionnelles, note Chantal Laroche. Or, plus le problème est sévère, plus les gens tendent à s’isoler socialement, ce qui peut conduire à la dépression.» Sans compter que de nombreuses études montrent qu’une perte auditive non traitée peut accélérer le déclin cognitif en raison du manque de stimulation.

Baisser le volume!

Le vieillissement, parfois associé à une composante génétique, est la première cause de presbyacousie. Un facteur sur lequel on n’a, hélas, aucun pouvoir. En revanche, il existe d’autres éléments susceptibles d’accélérer le processus et sur lesquels on peut heureusement agir, comme la médicamentation, certaines maladies et, plus encore, le bruit.

«Outre l’âge, l’exposition régulière à des bruits intenses est le principal facteur de surdité», indique Chantal Laroche. L’utilisation d’écouteurs fait notamment l’objet de mises en garde, non sans raison. Ils sont omniprésents dans nos vies, entre autres pour écouter de la musique, un balado ou la radio. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs grandi en écoutant la musique sur un baladeur. À présent, on s’inquiète. Le fait d’avoir utilisé des écouteurs durant plusieurs années – et encore aujourd’hui – peut-il accélérer le processus de presbyacousie? Pas forcément, selon le Dr Woods: «Porter des écouteurs n’est pas un problème en soi. Tout dépend du volume, de la durée d’écoute et de la fréquence d’utilisation. Il n’y a pas lieu de s’alarmer si on les utilise quelques heures par jour à un niveau sonore convenable. À l’inverse, si on s’en sert pendant plusieurs heures de suite à volume élevé, on peut certainement endommager les cellules auditives et développer une surdité ou précipiter la presbyacousie. Il faut retenir que plus le volume sonore est élevé et plus la durée d’utilisation est longue, plus le risque augmente.»

Le port d’écouteurs n’est toutefois pas l’unique responsable des dommages associés au bruit. L’environnement bruyant dans lequel on vit (circulation, travaux, restaurants bondés, etc.) est aussi néfaste. En mai dernier, Audition Québec publiait les résultats d’un sondage Léger sur la santé auditive. Constat: 48% des Québécois se disent mal informés des risques associés aux activités récréatives bruyantes (concerts, bars, cinéma, utilisation d’écouteurs) et 65% affirment ressentir des malaises de type acouphènes, oreilles bouchées, douleur et hypersensibilité auditive après une activité bruyante sans protection auditive adéquate. Au début, la perte auditive liée aux activités récréatives est souvent temporaire.

Mais, attention: les dommages sont cumulatifs. À long terme, ces séquelles viendront s’ajouter à la diminution de l’audition due au vieillissement. Par conséquent, l’exposition répétée ou prolongée à des sons puissants peut entraîner des lésions irréversibles et une surdité permanente.

Des mesures efficaces

Comment savoir si un son est trop fort? Selon Chantal Laroche, la limite maximum pour l’écoute
10 minutes par heure d’écoute. sécuritaire avec des écouteurs est de 70 décibels (dB), ce qui correspond grosso modo au bruit que fait une laveuse standard. L’Organisation mondiale de la santé préconise, quant à elle, la règle du 60/60, c’est-à-dire 60% du volume maximum pour une limite de 60 minutes à la fois.

Il est également recommandé d’utiliser des écouteurs à réduction de bruit permettant de bien percevoir les sons sans devoir augmenter le volume à un niveau excessif dans un environnement bruyant. Les casques d’écoute sont aussi préférables aux écouteurs intra-auriculaires, car ils s’ajustent plus facilement, d’où une meilleure atténuation du bruit. Chantal Laroche rappelle cependant qu’on ne devrait pas porter d’écouteurs lors des déplacements à l’extérieur. «En éliminant les bruits environnants, on se met en danger.»

En outre, il est conseillé de prendre régulièrement des pauses afin de prévenir la fatigue auditive, idéalement 10 minutes par heure d’écoute.

Durant un concert, il est important de porter une protection auditive appropriée et de se tenir à bonne distance des haut-parleurs. Une protection est également encouragée lors de l’utilisation d’un appareil bruyant tel une scie, une tondeuse, voire un souffleur à feuilles.

Enfin, il faut éviter de s’endormir avec de la musique dans un casque ou des écouteurs. Mieux vaut porter des bouchons d’oreille pour dormir si l’environnement est bruyant.

Autre façon de protéger son ouïe et de retarder la perte auditive: prévenir ou contrôler les maladies comme le diabète, l’hypertension et l’hypothyroïdie, qui prédisposent à une déficience auditive.

La perte de l’ouïe n’est pas anodine. Fort heureusement des solutions existent pour la préserver le plus longtemps possible. Ça vaut la peine de les mettre en pratique!

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