Les personnes diabétiques se font soigner pour leur diabète: le médecin leur prescrit de l’insuline, vérifie leurs yeux, leurs reins et leurs membres inférieurs, puis leur fournit quelques conseils de santé. Trop souvent, l’examen se limite à ça. Mais, en réalité, c’est très souvent du cœur dont souffrent les diabétiques: 6 à 8 diabétiques sur 10 meurent de cardiopathie. Malheureusement, 7 sur 10 ne savent même pas qu’ils risquent d’avoir une maladie du cœur… C’est une tendance lourde qu’il faut renverser pour prévenir invalidité et mortalité, et maintenir la qualité de vie des diabétiques. «Les hommes diabétiques sont de deux à trois fois plus susceptibles que la population en général d’avoir une maladie cardiaque et les femmes diabétiques, cinq fois plus», explique le Dr Marcel Dumont, spécialiste en médecine nucléaire au Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ – Saint-François d’Assises). Ce qui est encore plus troublant, c’est que non seulement ces personnes ne le savent pas, mais elles ne le sentent pas.»
Le pourquoi
Le cas classique: un diabétique se coupe au pied et ne le sent pas. C’est pourquoi le risque d’infection, voire même d’amputation, est si élevé. Eh bien!, c’est la même chose avec la maladie cardiaque: le diabétique ne ressent pas les symptômes annonciateurs d’un infarctus: douleur au thorax, étourdissement, palpitations cardiaques, picotements dans les bras, serrements dans le bras gauche, élancements dans le cou et la mâchoire. Pourquoi? Tout simplement parce que le diabète endommage les nerfs qui transmettent les messages de douleur précédant la crise cardiaque. C’est pourquoi, chez le diabétique, on parle de maladie cardiaque «silencieuse», c’est-à-dire sans douleur et sans symptômes, et cela dans presque la moitié des cas.
Le diabète constitue pourtant une cause accélérée d’athérosclérose. La maladie contribue en effet à boucher plusieurs petits vaisseaux sanguins et endommage aussi les artères qui se trouvent près du cœur (formation de plaques, dépôts de gras dans les artères). Le diabète fait augmenter la pression dans les artères et réduit le débit de la circulation sanguine.
C’est souvent quand la maladie cardiaque se déclare, donc quand la personne entre d’urgence à l’hôpital, que l’on s’aperçoit qu’elle souffrait du cœur. C’est souvent au même moment que l’on découvre aussi qu’elle était diabétique. Car si 400 000 Québécois souffrent de diabète, 250 000 autres ne savent pas encore qu’ils sont atteints. «Le diabète ne présente aucun symptôme ni aucune complication durant des années», confirme le directeur des communications de Diabète Québec, Michel Aras.
Zone fragile
Il est pourtant si vrai que les maladies cardiaques frappent les diabétiques qu’à l’Institut de cardiologie de Montréal, 1 patient sur 3 est diabétique, tandis que dans la population en général, c’est 1 personne sur 13. Dans le grand public, 35 % des gens risquent de souffrir de maladie cardiaque. Dans la population des diabétiques, c’est le double. Les lignes directrices pour soigner le diabète recommandent d’ailleurs de maintenir la tension artérielle et le taux de cholestérol du diabétique encore plus bas que ce qui est indiqué pour la population en général. Aussi bien chez Diabète Québec qu’aux yeux du Dr Dumont, les preuves ne sont donc plus à faire que le cœur des diabétiques constitue leur zone fragile et que l’on doit s’en préoccuper.
Que peut-on faire alors? À l’évidence, prêter une attention toute particulière à son cœur dès que l’on se sait atteint de diabète. Ce qui est un peu compliqué puisque, règle générale, les médecins généralistes ignorent ce risque ou n’en tiennent pas compte. «Rien n’empêche une personne atteinte de diabète de demander à son médecin de famille de bien vouloir s’assurer de l’état de son cœur, suggère le Dr Marcel Dumont, car les généralistes ne sont pas portés à faire vérifier les artères du cœur en présence du diabète.» C’est donc une mentalité qu’il faut changer.
Un test fiable… mais encore peu répandu
C’est à l’aide d’un test à l’effort que l’on décèle habituellement la maladie cardiaque. La personne marche vite sur un tapis roulant jusqu’à ce que son cœur batte à 90 % de sa fréquence maximale. Rendu là, quand le cœur bat à tout rompre, on détecte ses faiblesses. Sauf que de nombreux diabétiques âgés, en surpoids ou très peu en forme, ne peuvent faire ce test : trop difficile, trop risqué.
Il existe pourtant une alternative, à laquelle on n’a actuellement recours qu’à reculons, ou presque! Il s’agit de l’imagerie de perfusion myocardique. Le patient reçoit une substance de traçage en injection et ensuite, par imagerie nucléaire, le radiologiste observe l’intérieur de son cœur.
«On détecte tout de suite si le cœur est malade sans que le patient ait à faire le moindre effort, explique le Dr Dumont. Le tout s’apparente à une radiographie. Nous ne pouvons voir l’état des vaisseaux sanguins avec ce test, mais nous voyons très bien le résultat du travail de ces vaisseaux sur le cœur. Dès qu’un vaisseau périphérique du cœur est bouché, totalement ou partiellement, nous le savons. Il s’agit d’un test très précis, très fiable qui nous dit si la personne risque ou non de faire un infarctus. L’American College of Cardiology et l’American Heart Association recommandent l’imagerie de perfusion myocardique à tout patient fortement prédisposé à la maladie cardiaque, notamment les diabétiques.»
Un test fiable
Recommande-t-on ce test aux diabétiques québécois? «Faire ce test de façon généralisée serait certes une bonne idée, mais très coûteuse pour le système de santé qui manque de radiologistes, d’appareils et de personnel», lance prudemment Michel Aras. En fait, tous les diabétiques n’en ont pas besoin. Mais ceux d’entre eux qui cumulent quelques facteurs de risque – obésité, hypertension, hérédité, hypercholestérolémie – auraient tout intérêt à en avoir le cœur net…
Le test a vraiment le pouvoir de prévenir les risques de décès et d’invalidité ainsi que les infarctus. Ces derniers tuent invariablement une partie du muscle cardiaque. Le test de perfusion myocardique permet aux médecins d’identifier les risques, de surveiller les patients prédisposés et de les soumettre plus rapidement au traitement approprié.
«Avec les résultats du test en main, il faut agir, explique le Dr Dumont. Première étape, le médecin doit neutraliser les facteurs de risque du diabétique, c’est-à-dire, le cas échéant, demander au patient d’arrêter de fumer, lui demander aussi de faire de l’exercice, de manger moins gras… Puis il lui prescrira des médicaments pour stabiliser son état (cholestérol, hypertension, etc.) et s’assurera qu’il les prenne.» Les patients souffrant d’ischémie (diminution ou arrêt de la circulation sanguine artérielle dans une région du corps) modérée à sévère doivent être envoyés en cardiologie.
«Je connais beaucoup de patients diabétiques pour qui le dépistage par imagerie de perfusion myocardique combiné au bon traitement a véritablement changé la vie, pour ne pas dire l’a sauvée», conclut le Dr Marcel Dumont. Selon Daniel Caron, endocrinologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal et conseiller médical à l’Association Diabète Québec, le diabète peut être dompté. «Plus que pour toute autre maladie, écrit-il, il faut un véritable travail d’équipe, incluant médecin, infirmière, diététiste, podiatre et autres professionnels de la santé. Mais le diabétique est le membre le plus important de cette équipe.»
Une lecture utile
Clinique Mayo, Le diabète, publié chez Broquet. Non seulement cet ouvrage pratique vous donne toute l’information simple pour comprendre la maladie, mais il fournit un à un et dans le détail tous les outils pour la combattre. Un indispensable pour se prendre en main.
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