De nombreuses personnes réagissent à la consommation de blé ou de gluten. Certaines sont allergiques au blé, d’autres souffrent de la maladie cœliaque auto-immune, mais la majorité d’entre elles se disent intolérantes ou sensibles au blé et au gluten.
Un tel diagnostic est difficile à poser, car on n’a pas encore trouvé de biomarqueurs fiables pour confirmer cette sensibilité, et les cliniciens s’appuient généralement sur les déclarations des patients.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) se caractérise par des symptômes gastro-intestinaux sans lésions visibles du tube digestif. De nombreux patients atteints du SII pensent que des aliments particuliers, comme le gluten ou le blé, déclenchent leurs symptômes, ce qui les incite à exclure certains aliments de leur régime sans consulter un diététicien ou un médecin.
Environ un tiers des gens qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable développent des habitudes alimentaires déréglées et des perceptions de la nourriture, comme l’orthorexie, ou une préoccupation obsessive pour une alimentation saine, qui peuvent en soi provoquer des symptômes. Cela peut engendrer un « effet nocebo », c’est-à-dire que la personne ressent des symptômes en raison de ses croyances et de ses attentes à l’égard d’une substance qu’il considère être à l’origine de ses problèmes, mais qui est en réalité inerte.
En tant que chercheuse en nutrition à l’Institut Farncombe de l’Université McMaster, je fais partie d’une équipe qui a mené un essai clinique pour déterminer si le blé, le gluten ou un nocebo sans gluten provoquaient des symptômes en cas de SII. Les résultats sont surprenants : même si certains ont vu leurs symptômes s’aggraver avec du gluten ou du blé, ils n’étaient pas très différents de ceux causés par le nocebo, avec des proportions similaires dans chaque groupe de patients ayant eu une réaction.
Ces résultats sont comparables à ceux d’autres études. L’identification des sensibilités réelles des personnes souffrant du SII est un domaine de recherche controversé, certaines études montrant que l’éviction du gluten est bénéfique, d’autres qu’elle n’a pas d’effet significatif.
Des chercheurs du Royaume-Uni et des Pays-Bas ont publié une étude novatrice dans la revue médicale The Lancet. Des patients se disant sensibles au gluten ont été répartis en quatre groupes. Deux groupes ont reçu du pain sans gluten, et on a dit à l’un d’eux qu’il contenait du gluten et à l’autre qu’il n’en contenait pas. Deux autres groupes ont reçu du pain avec du gluten, un groupe croyant qu’il n’en contenait pas et l’autre croyant qu’il en contenait.
Ceux qui mangeaient du gluten et à qui l’on a dit qu’ils en mangeaient présentaient des symptômes nettement plus importants que ceux des trois autres groupes.
Pourquoi le gluten?
En raison de données controversées indiquant que non seulement le gluten, mais aussi d’autres composants du blé tels que des glucides fermentescibles ou des protéines immunostimulantes, peuvent exacerber les symptômes du SII, il est possible que ce sujet sensible prenne des proportions démesurées ou soit pris hors contexte, contribuant ainsi à la désinformation en matière d’alimentation.
Différents facteurs — le fait que le diagnostic soit souvent posé par exclusion des autres options, l’important aspect psychologique, la division de la communauté scientifique et le manque de considération des cliniciens pour les expériences des patients — rendent difficile le traitement de ce trouble.
En conséquence, les personnes atteintes du SII se trouvent contraintes à consulter des ressources en ligne contradictoires et à tester de nouveaux régimes alimentaires pour traiter leurs symptômes.
Réactions aux données probantes
Quand des chercheurs soumettent des patients à des tests avec gluten, blé ou nocebo, il est rare qu’ils communiquent les résultats personnalisés aux gens pour voir comment ces informations vont influencer leur comportement.
À l’Université McMaster, nous avons voulu voir quel effet aurait la présentation d’informations nutritionnelles personnalisées sur nos patients. Après leur avoir fourni des résultats concernant leurs réactions au gluten et au blé, nous avons effectué un suivi après six mois ou plus pour voir comment cela influençait leurs croyances, leurs comportements et leurs symptômes.
Une fois de plus, nous avons été surpris. La majorité des patients ont conservé les mêmes croyances sur le gluten, maintenu un régime sans gluten et présenté des symptômes constants, même après avoir appris que la plupart d’entre eux ne réagissaient pas au gluten ou au blé. Cela soulève la question suivante : lorsque des personnes apprennent de nouvelles informations qui vont à l’encontre d’une croyance existante, qu’est-ce qui peut les aider à apporter des changements en conséquence ?
Le rôle de la psychologie dans le traitement du SII
Le SII est depuis longtemps considéré comme un trouble de l’interaction intestin-cerveau. De plus en plus, on étudie des traitements psychologiques pour minimiser les craintes des patients vis-à-vis des aliments, ou effets nocebo, et traiter les symptômes du SII de manière plus générale. À Harvard, une étude récente a montré que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) basée sur l’exposition était prometteuse et peut diminuer les symptômes du SII en cinq séances avec une infirmière praticienne.
Parallèlement, la TCC a été corrélée à des changements dans les réseaux cérébraux et le microbiome intestinal, ou bactéries intestinales. Ces changements ont été associés à une amélioration des symptômes gastro-intestinaux. À l’Université de Calgary, la pratique du yoga en ligne s’est avérée facile d’accès et a permis de réduire les symptômes de patients souffrant du SII.
Le SII demeure toutefois un trouble complexe qui peut être exacerbé par différentes causes, et le traitement psychologique ne sera probablement qu’un parmi plusieurs éléments d’un plan de traitement efficace.
L’alimentation joue un rôle important dans la santé, mais son influence — en particulier chez les personnes souffrant de maladies gastro-intestinales — est compliquée par les aspects émotionnels de l’alimentation et le réel besoin de manger de façon nutritive et équilibrée sans risquer de souffrir de malnutrition. Si vous pensez que certains aliments, comme le gluten, déclenchent vos symptômes, il est recommandé de consulter un médecin ou un diététicien.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.