Manger de tout mais pas à n’importe quel moment, ce n’est pas dénué de bon sens a priori. Et c’est la base de la chrononutrition, qui repose sur les rythmes biologiques du corps: les quantités consommées et le moment où on les mange comptent plus que la nature même des aliments.
Pour élaborer cette méthode, le Dr Alain Delabos est parti du principe que les aliments ne sont pas assimilés de la même façon en tout temps. La production et l’action des sécrétions enzymatiques et hormonales varient selon le moment de la journée et les besoins énergétiques et caloriques de l’organisme. Ainsi, selon le moment, les aliments seront transformés pour satisfaire les besoins de l’organisme ou stockés dans certaines parties du corps, créant des rondeurs indésirables. Consommées le matin, les graisses, par exemple, ne sont pas stockées par l’organisme, mais elles le sont si on les absorbe le soir.
En coordonnant nos apports alimentaires sur l’activité cellulaire, on pourrait donc mincir sans se priver. Cela implique toutefois de consommer certains aliments à un repas précis et à en éliminer d’autres, les portions variant selon l’activité, la taille et l’intensité de l’appétit.
Dans son livre Mincir sur mesure grâce à la chrono-nutrition (Albin Michel), le Dr Delabos explique que cette méthode a aussi pour objectif de rééquilibrer la silhouette. D’après lui, la forme du corps refléterait nos erreurs alimentaires. En analysant le morphotype de chacun, il est possible de comprendre pourquoi les kilos superflus sont localisés sur telle ou telle partie du corps, puis de corriger les anomalies en prévenant les stockages dans les zones problématiques.
Quel menu?
Avec la chrononutrition, tous les aliments sont permis, à l’exception des laitages (hors fromage, crème et beurre), des soupes et potages, des sauces sucrées (ketchup, soja, aigre-douce, barbecue…) et des aliments allégés. Le plus: on a droit à deux repas joker par semaine où même ces aliments sont autorisés.
Au déjeuner
Quelle que soit l’heure du lever, on déjeune dans l’heure qui suit. Le Dr Delabos rappelle que, chaque matin, l’organisme sécrète du cortisol et de l’insuline permettant la mise en route de l’utilisation des sucres lents afin d’assurer progressivement les transferts et, surtout, de permettre dès le réveil l’apport d’énergie nécessaire au travail des organes tout au long de la journée. Notre corps génère aussi des lipases, pour métaboliser les graisses utilisées pour la fabrication des parois cellulaires, et des protéases, pour métaboliser les protéines servant à la fabrication des contenus cellulaires.
Comme il a besoin de carburant pour démarrer et tenir toute la matinée, le déjeuner sera copieux et gorgé de protéines et de lipides (gras). Feu vert aux pain, beurre ou huile d’olive et fromage, auxquels on ajoute, au besoin, des œufs et des charcuteries (avec modération). Pas de jus de fruits, mais du thé ou du café sans lait, ni sucre, ni miel, ni édulcorant; des infusions; des tisanes; de l’eau plate ou pétillante. En revanche, on évite les sucres rapides (fruits, confiture, miel, etc.) et les graisses saturées (croissants, viennoiseries, etc.) pour ne pas déclencher un surplus d’insuline, qui risquerait de bloquer le processus de métabolisation des graisses et des protéines.
Au dîner
La règle d’or: dîner quatre à six heures après le déjeuner (d’où l’intérêt de se lever tôt), selon notre faim, afin d’éviter les stockages. Le midi, l’assimilation des protéines est facilitée par la grande production de protéases et d’amylases destinées à la mise en place des protéines cellulaires et au stockage des réserves protéiniques. C’est donc le moment parfait pour mettre dans l’assiette des aliments riches en protéines animales (viandes, volaille, poissons) et en féculents (pâtes, pommes de terre, légumes secs, lentilles, etc.), ainsi que des légumes verts. Pas d’entrée, de pain, de salade, de fromage ou de dessert.
Au goûter
Cet en-cas permet de souper légèrement et d’éviter les fringales en soirée. Selon le Dr Delabos, il faut toutefois attendre d’avoir réellement faim pour le prendre, quitte à le substituer au souper. En général, cela se produit quatre à six heures après le dîner, quand survient le pic d’insuline. C’est l’instant idéal pour ingérer des sucres rapides afin d’éviter le déstockage des protéines et de compenser la fatigue liée au fonctionnement des organes. On succombe sans culpabilité aux fruits frais ou secs et dérivés sucrés (jus de fruit frais, confiture, compote, sorbet aux fruits), associés à des gras végétaux (chocolat noir, olives noires ou vertes, avocat, noix), reconnus pour leur effet coupe-faim.
Au souper
Le seul repas facultatif: on mange si on a faim, quand on a faim. Et dans tous les cas, on mange léger: poissons, fruits de mer ou viande blanche et légumes verts. Le soir, les sécrétions digestives étant au plus bas, l’assimilation des aliments est considérablement ralentie. Le risque de stockage est donc élevé.
On se lance ou pas?
Hélas, les régimes miracle n’existent pas. La chrononutrition ne fait pas exception.
Le plus Avec la chrononutrition, la sensation de satiété est élevée. «Si ce régime comporte ne serait-ce qu’un seul avantage, ce serait celui d’être riche en protéines, reconnues pour apaiser la faim», souligne la nutritionniste Julie DesGroseilliers.
Les moins Comme plusieurs régimes à la mode, la chrononutrition ne repose pas sur des bases scientifiques. «Ce régime est difficile à suivre, et le choix des aliments est restrictif, explique Julie DesGroseilliers. Les fruits et légumes, ainsi que les produits laitiers, sont très négligés, ce qui peut mener à un déséquilibre alimentaire.»
De plus, en raison du faible apport en fibres, le régime peut être constipant. Et, étant plutôt strict (il est interdit de modifier l’ordre et la composition des repas sous peine de reprendre des kilos), il pourrait s’avérer difficile à maintenir à long terme.
L’impact sur la santé n’est pas non plus à sous-estimer. «La chrononutrition met beaucoup l’accent sur les protéines animales et les gras saturés. Or, de nombreuses études scientifiques démontrent qu’une grande consommation de ces nutriments augmente le risque de développer des problèmes cardiovasculaires et certains cancers, dont le cancer colorectal. Ce régime n’est donc pas recommandé aux personnes souffrant d’hypercholestérolémie, de diabète ou de pathologies cardiaques ou rénales. En aucun temps, je ne le recommanderais.»
Cela dit, oui, on peut perdre du poids… mais peut-être pas autant que désiré. «On peut obtenir une légère perte de poids au début du régime, indique la nutritionniste Marjolaine Cadieux. Mais comme le régime est déséquilibré, difficile à suivre et bourré d’aliments peu nutritifs et gras, il s’ensuit presque inévitablement une reprise de poids.» Avant d’entreprendre ce régime, et tout autre régime d’ailleurs, mieux vaut donc en parler avec son médecin ou son nutritionniste.
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