«Dans la mentalité des gens, le psoriasis est une maladie banale, si bien que même certains médecins ne prennent pas au sérieux leurs patients qui en sont atteints», déplore le dermatologue Yves Poulin qui, à Québec, soigne de 2 000 à 3 000 personnes atteintes, celles-ci comptant pour 80% de sa clientèle.
Certains pensent que ce n’est qu’une maladie de peau ou encore un problème psychologique. «Ce qui est faux, assure le Dr Poulin. C’est une maladie beaucoup plus sérieuse, invalidante et dérangeante.» Il a reçu des lettres de conjoints et de conjointes qui trouvent très difficile de vivre avec quelqu’un qui veut se cacher tout le temps, qui refuse de sortir l’été et dont une partie de la peau s’effrite au point de laisser une espèce de farine dans les draps… Un important sondage, mené au printemps auprès de 1 300 Canadiens atteints d’une forme modérée à grave de psoriasis, révèle justement à quel point les patients souhaitent plus de soutien et d’information.
Manifestations
Le psoriasis frappe typiquement, mais pas exclusivement, à deux moments de la vie: autour de 28 ans et dans la cinquantaine. Cette maladie chronique cyclique survient, puis disparaît pour un moment plus ou moins long, et réapparaît sans crier gare. Les poussées durent des semaines, des mois, voire des années.
Elle est grave pour les uns, c’est-à-dire qu’elle touche presque toute la surface de la peau, et modérée pour d’autres, soit quelques plaques ici et là, souvent de façon symétrique des deux côtés du corps. Rougeurs et assèchement de la peau apparaissent le plus souvent au cuir chevelu, aux coudes, dans le bas du dos et aux organes génitaux. Parfois, le psoriasis atteint aussi les ongles qui, dans les cas les plus sévères, épaississent, jaunissent et tombent.
Le psoriasis est inconfortable, il démange et est parfois douloureux. «On pense que quand ça ne fait que piquer, ce n’est pas si grave. Or, c’est faux. Quand ça pique tout le temps, ça devient comme le supplice de la goutte d’eau, illustre le Dr Poulin. Ce n’est pas pour rien que 1 personne atteinte sur 10 pense au suicide…»
Le psoriasis détériore la qualité de vie en suscitant une faible estime de soi, de la dépression et de l’anxiété. Selon la toute nouvelle Alliance québécoise du psoriasis, le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les personnes atteintes que dans la population en général.
Causes et premiers traitements
Les causes
Qu’est-ce qui cause cette maladie de peau? Mystère, sauf quelques pistes. On sait qu’il s’agit d’une maladie génétique et inflammatoire qui touche un million de Canadiens. Mais d’où vient cette inflammation? Probablement du système immunitaire, par le biais des lymphocytes T qui ont un comportement aberrant que l’on ne s’explique toujours pas.
De façon normale, une cellule de peau met de 28 à 30 jours à se former, puis à migrer vers la surface de la peau. Chez les personnes atteintes, ces cellules y arrivent en 3 à 4 jours. Elles sont de surcroît en surnombre, s’accumulent et forment des plaques rouges en relief, comme des écailles. Puis, parce qu’elles sont immatures, elles meurent, se dessèchent et tombent. La peau s’assèche, fendille, rougit, enfle et démange.
Une poussée de psoriasis peut arriver après que la peau ait été frottée ou grattée, en raison du climat chaud et humide, en présence d’air sec l’hiver, à la suite de stress ou de tension, après avoir pris certains médicaments ou à la suite d’une infection au streptocoque de la gorge ou des voies respiratoires. Ce sont ce que l’on appelle des facteurs précipitants.
Le psoriasis est vulgaire, soit la forme la plus courante, en gouttes (taches surélevées en forme de gouttes, généralement sur le torse, les bras et les jambes), pustuleux (cloques remplies de pus, souvent aux mains et aux pieds) ou, enfin, érythodermique (rougissement et desquamation généralisés de la peau, avec douleurs et même hospitalisation). Ce sont-là les formes plus courantes, mais il y en a d’autres. Il existe aussi l’arthrite psoriasique, avec enflure et douleur aux poignets, genoux, chevilles, doigts, orteils et colonne vertébrale.
Traitements
Pas facile à soigner, le psoriasis… Le grand sondage canadien révélait que 30% des personnes atteintes ne sont pas satisfaites de leur traitement. Quant aux traitements topiques, ils ne contentent que 1 personne sur 20. «C’est vrai qu’avec les traitements topiques, il faut travailler de 3 à 4 semaines pour faire partir les plaques, à raison, souvent, de 45 à 60 minutes par jour, explique le Dr Poulin. Ensuite, après deux jours d’arrêt du traitement, tout redevient comme avant. C’est déprimant…»
Il existe une panoplie de ces crèmes, qui peuvent servir aux personnes légèrement atteintes. Ce sont les corticostéroïdes topiques, goudrons médicaux, dérivés de la vitamine D et A et hydratants. Sauf ces derniers, les autres ont des effets secondaires: peau amincie et fendillée avec les corticostéroïdes topiques, irritations avec les goudrons, vitamines D et A.
Traitements pour cas sévères
Pour les cas plus sévères, on utilise le rayonnement ultraviolet qui réduit l’inflammation et ralentit la surproduction des cellules cutanées. Ces traitements à rayons contrôlés ne peuvent se faire que dans le bureau du médecin ou à une clinique de psoriasis, où l’on utilise des formes contrôlées de rayons UVA et UVB. Il arrive que l’on combine aux rayons un médicament, le psoralène, qui sensibilise la peau aux UVA et en augmente l’effet thérapeutique. L’effet pervers des rayons, c’est qu’ils peuvent brûler ou susciter le développement d’un cancer de la peau, accélérer le vieillissement de la peau et occasionner l’apparition de rides.
Quand toutes ces thérapies ne fonctionnent pas assez bien, il reste les traitements systémiques (injections ou comprimés) pour les cas plus sévères. Ce sont le méthotrexate, la cyclosporine et les rétinoïdes. En raison d’effets indésirables sérieux, ces traitements nécessitent la surveillance constante d’un médecin. Prise à long terme, la méthotrexate peut endommager le foie. Parce qu’elle entraîne de l’insuffisance rénale et de l’hypertension, la cyclosporine ne peut être utilisée plus de un an. Quant à l’acitrétine (rétinoïdes), elle augmente le cholestérol sanguin.
Reste une dernière catégorie: les agents biologiques, qui bloquent les messages chimiques déclenchant la surproduction des cellules cutanées. Il y en a cinq d’approuvés au Canada: aléfacept, éfalizumab, étanercept, infliximab et adalimumab. «Chaque agent biologique a ses propres effets indésirables, mais ils sont moindres que ceux des thérapies traditionnelles pour le psoriasis grave, soutient la pharmacienne Tinh-Man Luong. Ces médicaments, utilisés aussi pour d’autres maladies inflammatoires et auxquels on a recours plus vite qu’avant pour le psoriasis, exigent un suivi plus serré, notamment des vérifications sanguines régulières. Je peux dire que mes patients qui en prennent ont obtenu des résultats incroyables. Ceux que la maladie invalidait ont pu reprendre leurs activités régulières.»
En tout cas, c’est le médicament qui a changé la vie de Paul-François Bourgault, 32 ans, atteint de psoriasis sévère depuis sa naissance sur 90% du corps. «J’ai tout essayé et rien n’a fonctionné, jusqu’à ce que je découvre les médicaments biologiques il y a quatre ans, raconte-t-il. À raison de deux injections sous-cutanées par semaine, toute trace de psoriasis est éliminée.» Il affirme ne ressentir aucun effet secondaire. Le traitement sera-t-il encore efficace et sécuritaire à long terme? «Nous avons environ 15 ans de recul à leur égard», précise Yves Poulin.
La RAMQ ne rembourse pas encore ces médicaments, sauf un depuis juillet 2008: l’Enbrel (etanercept), pour les cas de psoriasis grave et chronique. Seule façon d’obtenir l’un de ceux non couverts à prix raisonnable: demander à son médecin une déclaration de patient d’exception.
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