Rêvez-vous de liberté à 55 ans? Peut-être pas? Que ce soit pour des raisons financières ou par attachement au travail, de plus en plus de quinquagénaires reculent l’âge de leur retraite.
Et les récentes mesures de la Régie des rentes du Québec visant à réduire les rentes consenties à 60 ans pourraient, selon un sondage effectué en mars 2011 par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, faire grimper à 67 ans l’âge moyen auquel les Québécois prévoient se retirer.
Selon Statistique Canada, on note même depuis une dizaine d’années une augmentation du nombre de personnes qui restent ou reviennent au travail au-delà de 65 ans. Les difficultés financières ne sont pas la seule raison. Souvent les gens aiment leur travail ou veulent continuer à se sentir utiles.
Rester longtemps au poste n’a donc déjà plus rien d’exceptionnel si l’on s’en remet aux statistiques. Mais sur le terrain, la réalité est parfois complexe. Les aspirations, les projets d’avenir, le niveau d’énergie changent avec l’âge, suscitant chez certains des remises en question, de la lassitude ou des inquiétudes.
Demeurer actif plutôt qu’attendre la retraite
Demeurer actif plutôt qu’attendre la retraite
Nombre de quinquagénaires se sentent trop jeunes pour partir, mais craignent d’être trop vieux pour rester. Certains ont l’impression d’être dépassés ou craignent de le paraître. Comment vivre ces 10 ou 15 dernières années professionnelles? Faut-il renoncer aux nouveaux défis, aux promotions, aux changements? Faut-il se contenter de «se rendre jusqu’au bout» sans plus rien attendre d’autre que le salaire et la retraite à venir? «Certainement pas, répond Julie Carignan, psychologue organisationnelle et associée principale à la Société Pierre Boucher. Cinq ou 10 années, c’est long, et on a le droit d’être heureux au travail tant qu’on y est. Car le travail ne se résume pas au salaire et aux avantages sociaux, il répond aussi à un besoin d’accomplissement fondamental chez l’être humain, et ce, à tout âge.»
Même son de cloche chez les autres experts consultés. Le plaisir et la satisfaction d’être utile, de se réaliser, de s’accomplir, de partager, d’échanger et de participer constituent l’essence même du travail. «Il faut donc prendre toutes les mesures nécessaires pour rester heureux au boulot. D’ailleurs, en restant actif et motivé, on se prépare beaucoup mieux à la retraite qu’en se contentant de l’attendre», ajoute Julie Carignan.
Changer de lunettes
Plus facile à dire qu’à faire? Pas vraiment, répondent les spécialistes. «Il y a des stratégies pour conserver sa motivation ou se positionner dans une entreprise, malgré le facteur âge, répond Mathieu Guénette, conseiller en orientation et consultant en psychologie organisationnelle. En fait, tout est affaire de perception. Les gens ont tendance à sous-estimer la valeur de leurs acquis et de leur expérience, et à surestimer les aspects négatifs de leur âge. Bien entendu, le rapport au travail et les ambitions changent avec l’âge, et il faut parfois s’adapter ou adapter la situation à ces nouveaux besoins. Mais on peut rester tout aussi performant, car l’expérience compense souvent pour la rapidité qui diminue un peu.»
Il faut dire que le profil des gens de 55 ans en 2011 n’a rien à voir avec celui des personnes du même âge dans les années 1950 ou même 1970. «Les gens âgés de 55 ans aujourd’hui sont beaucoup plus en santé et en forme que ne l’étaient leurs parents et grands-parents, ajoute Julie Carignan, et leur espérance de vie est bien plus longue. Ils doivent donc oublier les modèles de quinquagénaires de leur enfance et prendre conscience qu’ils ont plus de ressort et d’énergie qu’eux.» Bref, cessez de vous croire trop vieux pour être dans la parade!
Le retour en force des 55 ans et plus
Le retour en force des 55 ans et plus
Mais les patrons n’entretiennent-ils pas eux aussi des préjugés contre les employés plus âgés? «Oui, certains d’entre eux, indique Mathieu Guénette, mais les mentalités changent rapidement. Il y a même des patrons ou des types d’entreprises qui ont un préjugé favorable envers les travailleurs plus expérimentés dont ils apprécient la maturité et le savoir-faire.» Et Mme Carignan d’ajouter: «Les gens doivent changer leur perception face à leur âge, mais aussi celle qu’ils ont du marché du travail qui a beaucoup changé et évolué depuis 10 ans.»
Selon les experts, bon nombre de travailleurs croient à tort que l’entreprise cherchera à se débarrasser d’eux dès qu’ils franchiront le cap des 50 ou 55 ans. De toutes les idées préconçues qui entourent le travail des plus de 50 ans, celle-ci vient sans conteste en tête de liste.
Pourtant, la réalité qui a donné naissance à cette croyance est dorénavant chose du passé, du moins dans de nombreux secteurs économiques. Le marché du travail évolue et les plus de 55 ans ont à nouveau la cote auprès de nombreux employeurs. Et à en croire les experts, la tendance est irréversible. Finie donc l’époque des mises à la retraite massives. Après deux décennies de mise au rancart, l’an 2000 a sonné le retour en force des travailleurs de 55 ans et plus. Et pour cause! Avec le vieillissement de la population, les experts annoncent des pénuries d’emploi dans de nombreux secteurs. Résultat: plusieurs entreprises se livrent une guerre des talents et déploient des efforts (encore trop modestes toutefois chez plusieurs) pour garder leurs employés de plus de 50 ans.
Selon les chiffres publiés par les chercheurs de l’Institut national de recherche scientifique du Québec, entre 1976 et 1995, à l’époque où l’on montrait la sortie aux quinquas, le taux d’emploi chez les hommes québécois de 55 à 64 ans a chuté considérablement, passant de 70,9% à 47,6%. Or, depuis 2000, la tendance s’inverse et le taux d’emploi des hommes de 55 ans atteint maintenant les 57% selon le rapport de novembre 2010 de Guylaine Baril, économiste à Emploi Québec. Et la tendance à la hausse, qui touche aussi les femmes, devrait se poursuivre.
Expertise recherchée
Les départs massifs à la retraite ont aussi entraîné des problèmes de transmission des expertises, tant dans le secteur privé que le secteur public. On n’a qu’à se rappeler les conséquences désastreuses de la mise à la retraite dans les années 1990 de milliers d’infirmières. Les employeurs ont donc besoin de l’expérience et de la capacité de transmettre des travailleurs plus âgés, afin de former les nouveaux employés ou de maintenir le niveau d’expertise au sein de leur organisation. En termes clairs, vos années d’expérience valent leur pesant d’or.
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