La surchauffe du marché de l’habitation s’essouffle. Évitons la précipitation. Nos conseils pour développer de bons réflexes.
Il y a bel et bien un ralentissement des transactions immobilières ces derniers mois. La hausse des taux hypothécaires et les craintes de récession pèsent dans la balance. «Malgré le manque de propriétés disponibles, les ménages ont de plus en plus de peine à se qualifier pour un prêt hypothécaire», observe Charles Brant, directeur du service de l’analyse de marché de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Au Canada, le régulateur bancaire impose un «test de résistance» aux emprunteurs hypothécaires. Ainsi, notre institution financière doit utiliser le plus élevé des taux suivants: 5,25 % ou le taux négocié + 2 %. Dans le terme de cinq ans fixe, ce taux de qualification oscille autour de 7 %, un taux considérable qui mine l’abordabilité du marché résidentiel. Pour une hypothèque à taux variable de 300 000 $, une hausse d’un demi-point de pourcentage (0,50 %) du taux hypothécaire représente une augmentation annuelle des versements de plus de 900 $ (selon le calculateur de l’Autorité des marchés financiers). Cela signifie plusieurs milliers de dollars en bout d’année si les taux montent à quelques reprises.
D’ailleurs, plusieurs économistes prédisent une correction du marché de l’habitation résidentielle au Canada d’ici la fin de 2023. C’est le cas de Desjardins, qui anticipe une baisse de 15 % du prix moyen des propriétés au pays (Études économiques, 8 juin 2022). Mais on ne s’attend pas à un effondrement du marché puisque le prix moyen des résidences devrait demeurer de 25 % supérieur à celui de décembre 2019, souligne le mouvement coopératif.
Le marché immobilier au Québec pourrait également mieux s’en tirer. «Chez nous, on parle d’abord de ralentissement de la hausse des prix avant une baisse de ceux-ci», précise Charles Brant. Le taux d’endettement plus faible et le taux d’épargne plus élevé des Québécois jouent en leur faveur. La région montréalaise et celles de villégiature comme l’Estrie et les Laurentides, plus exposées à la surenchère durant la pandémie, pourraient toutefois écoper davantage. «Dans le cas de la ville de Québec, où la hausse des prix a été plus modérée, une stabilisation des prix est plus plausible qu’une baisse», ajoute notre expert.
Pour les retraités considérant l’option d’aller en location ou en résidence pour aînés, la possibilité de vendre demeure attrayante. «On cristallise alors nos gains. Et même si on veut racheter, la correction des prix sera davantage technique, et à long terme on ne sera pas perdant», croit Charles Brant. Une baisse des mises en chantier prévue en 2023 jumelée à une reprise de l’immigration dans les grandes villes devrait contribuer à soutenir les prix.
Retour aux anciennes méthodes
La spéculation immobilière et l’augmentation des prix du logement ont poussé certains acheteurs à prendre des raccourcis. Des offres sans inspection ni garantie légale sont devenues plus courantes. Et que dire des promesses d’achat multiples où chacun tente de se démarquer notamment en bonifiant le montant offert ou en négligeant des éléments importants afin d’accélérer le processus d’achat et d’accommoder le vendeur? Comme le vent sembler tourner, mieux vaut prendre son temps et retrouver nos réflexes d’antan si on souhaite acheter ou vendre une propriété.
D’abord, on ne saute jamais l’étape de l’inspection du bâtiment. «Un vendeur ne peut pas refuser une promesse d’achat qui demande une inspection préachat», rappelle Me Caroline Champagne, vice-présidente encadrement de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui a pour mission d’encadrer les courtiers et de protéger le public. Les acheteurs qui laissent tomber cette étape doivent recevoir une mise en garde de leur courtier soulignant la gravité du risque encouru. «Cette inspection protège également le vendeur de poursuites futures, notamment en raison de vices cachés ou même apparents qui n’auraient pas été révélés à l’acheteur», ajoute-t-elle.
Pour Pascal Parent, inspecteur en bâtiment et propriétaire du Groupe Batimex, il s’agit «d’un parachute pour l’acheteur puisqu’il est beaucoup plus facile de poursuivre un inspecteur qu’un vendeur». On vérifie que notre inspecteur en bâtiment détient une assurance responsabilité professionnelle contre les fautes, erreurs et omissions. En cas de litige, un juge pourrait lui attribuer une plus grande responsabilité, vu son expertise.
Quant à la garantie légale, il est rare qu’on recommande de l’exclure d’un contrat de courtage ou d’une promesse d’achat. Ce pourrait être le cas d’une «personne âgée ne voulant pas avoir le souci d’un éventuel recours en vice caché de la part de l’acheteur, recours qui pourrait être exercé contre sa succession», peut-on lire sur le site de l’OACIQ. Encore une fois, l’absence de garantie légale ne met pas le vendeur à l’abri d’une poursuite pour des vices qu’il connaissait et qu’il aurait dû révéler. Dans un tel cas, l’inspection préachat devrait être encore plus poussée et on veut aviser cet expert que l’achat est fait sans garantie légale.
Notons que le formulaire Déclaration du vendeur sur l’immeuble peut aussi nous en dire long sur l’histoire de la propriété convoitée. Y a-t-il eu des infiltrations d’eau dans le passé ou des problèmes de sol? Quels travaux ont été faits (factures à l’appui) et quels sont les installations sanitaires, le type d’approvisionnement en eau potable, etc.? «Le courtier doit aider le vendeur à remplir ce document obligatoire. C’est un peu le curriculum vitae de la propriété», précise la spécialiste de l’OACIQ. Pour les vendeurs qui n’ont pas de courtier immobilier (Du Proprio, Proprio Direct), cette déclaration n’est pas obligatoire, mais le Code civil du Québec rappelle que le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien est exempt de vices cachés. On peut trouver des modèles de déclaration en ligne. En d’autres mots, mieux vaut divulguer toutes les informations importantes à l’acheteur. De cette façon, le vendeur se protège contre une poursuite et cela peut également mettre l’acheteur en confiance.
Les pièges à éviter
Dans le cas d’offres d’achat multiples, le contenu (prix et conditions) des offres demeure confidentiel. Le courtier doit cependant révéler le nombre de promesses afin de laisser à l’acheteur le temps de faire une contre-proposition. «L’acheteur doit alors prendre une respiration et voir s’il veut embarquer dans une surenchère. On devient émotif, on veut se démarquer même si on n’en a pas toujours les moyens», remarque Me Champagne.
Plusieurs sont tentés de bonifier les conditions de leur offre en réduisant, par exemple, le plus possible les délais de la transaction. Mais il faut être réaliste et être en mesure de faire l’inspection. Avoir déjà une préapprobation hypothécaire pourrait faciliter les choses. Idem si on est flexible quant à la date d’occupation des lieux. On peut enfin consulter l’évaluation municipale, mais elle demeure une approximation dans un secteur donné et surtout, elle peut ne pas être à jour. Pourquoi, alors, ne pas demander à un évaluateur agréé d’émettre une opinion objective sur la valeur de la propriété désirée? «On aura une meilleure idée de sa valeur marchande, ce qui nous évitera de faire une offre trop généreuse», souligne Pascal Parent.
Ces dernières années, des allégations de collusion entre des inspecteurs et des courtiers immobiliers ont fait la manchette. Ces situations de conflits d’intérêt doivent être dénoncées. L’OACIQ rappelle que le courtier peut fournir une liste (plus d’un nom) d’inspecteurs en bâtiment qui respectent les exigences, notamment celle de détenir une assurance responsabilité professionnelle. «On est mieux de se fier à notre réseau de références et faire nos propres recherches. On demande également un rapport d’inspection écrit avec photos et des constats clairs», indique Pascal Parent.
Bon à savoir: des modifications ont été apportées à la Loi sur le courtage immobilier en juin dernier. À l’avenir, le courtier qui agit en notre nom et nous conseille doit signer un contrat avec nous. Les ententes verbales ne sont donc plus valides. Et puisque les intérêts des deux parties à la transaction sont opposés, un courtier immobilier résidentiel ne peut représenter à la fois le client-acheteur et le client-vendeur sur une même transaction immobilière. Sauf exception, la loi interdit désormais la double représentation.
Pour un logement plus abordable
Le dernier budget fédéral annonce des restrictions pour les particuliers ou les entreprises de pays étrangers ainsi que pour les non-résidents permanents souhaitant acquérir des propriétés résidentielles au Canada. À compter de 2023, il devrait être interdit de le faire pendant une période de deux ans. Les chalets et les propriétés récréatives ne sont pas visés pour l’instant.
De même, l’exemption fiscale pour résidence principale ne serait plus applicable pour les propriétaires qui détiennent leur habitation moins de 12 mois. On peut effectivement éviter de payer du gain en capital à la revente de notre propriété si on y demeure une bonne partie de l’année. Cette taxe «anti-flip immobilier» vise à décourager la spéculation et la hausse démesurée du prix des maisons, notamment. Ceux qui doivent vendre en raison d’une perte d’emploi, d’une séparation, de la maladie, d’un décès ou encore de la naissance d’un enfant ne seraient pas touchés par cette politique.
Infos: Info OACIQ, 1 800 440-7170, oaciq.com; Association des inspecteurs en bâtiments du Québec, 1 877 644-2427, aibq.qc.ca; Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, 1 888 762-2440, apciq.ca.
Pour connaître les conséquences d’une hausse ou d’une baisse des taux d’intérêt sur votre hypothèque: la section Calculateurs de l’Autorité des marchés financiers, lautorite.qc.ca.