Pour modifier notre vision des choses, tout est question de lunettes. Et d’entraînement à voir le positif.
On a tendance, selon notre tempérament et notre bagage de vie, à nous comporter de la même manière devant divers événements du quotidien. Râler au réveil. S’impatienter devant un quidam. Voir d’emblée le verre à moitié vide. S’inquiéter outre mesure à propos d’un rendez-vous. Déverser notre colère à la moindre contrariété. Faire une montagne de choses pourtant anodines. Toutes des réactions teintées par notre état d’esprit, qu’on peut apprendre à modifier… pour le mieux.
De quelle couleur sont nos lunettes?
Pour l’exprimer simplement, l’état d’esprit, c’est l’angle avec lequel on envisage l’existence. Ou, comme l’illustre joliment Manon Breton, coach de vie, auteure, conférencière et enseignante qualifiée de Mindfulness, ce sont «les lunettes qu’on porte et qui transforment notre regard sur les choses. À certains moments, elles sont plus sombres et nous font réagir en conséquence à une situation donnée.»
Pour Sébastien Grenier, professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, il s’agit d’une «façon de voir les choses, de percevoir notre environnement. Et puisque pensées, émotions et comportements sont interreliés, notre perception influence nos émotions, puis nos comportements.»
D’où ces réactions bien ancrées, conditionnées par les années… et notre tempérament. Ne dit-on pas d’un ou d’une de nos proches qu’il est né de mauvaise humeur ou qu’elle est colérique? Certes, on a tous une personnalité propre, qui se développe en vieillissant. «Mais ce n’est pas parce qu’on est comme ça depuis 50 ans que c’est inchangeable, ajoute Sébastien Grenier. Il est difficile de départager la part attribuable à notre génétique de celle qui l’est à notre environnement.» Ça signifie qu’on peut agir sur au moins une variable: nous-même.
Mise au point
Si l’humain a survécu jusqu’ici, c’est grâce à ses pensées négatives, souligne d’entrée de jeu Manon Breton. «La partie la plus vieille de notre cerveau, celle qui nous incite à nous battre ou à fuir devant le danger, est restée la même depuis les débuts de l’humanité. Le problème, c’est qu’on a aujourd’hui des dizaines d’alertes de stress bénignes chaque jour – courriel pas clair, ami qui nous juge, rendez-vous médical – et que notre système nerveux ne passe jamais du mode sympathique au parasympathique pour rééquilibrer le niveau de stress. Alors, on accumule nervosité et anxiété.»
C’est donc à notre cerveau primitif que nous devons ce que la psychologie appelle le «biais négatif», qui affecterait 80 % de nos quelque 70 000 pensées quotidiennes. Un instinct de conservation basé sur l’anticipation, résume la coach de vie. «Or, on possède en 2020 assez de connaissances sur le monde pour ne plus avoir besoin de tout anticiper.» La clé pour contrer cet instinct? «Entraîner notre cerveau à changer d’état d’esprit, ce qui va nous amener, et c’est crucial, à être présent à soi-même.»
1re clé: s’observer
Pour modifier notre état d’esprit, il faut d’abord prendre conscience de nos pensées ou émotions négatives. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire. «Beaucoup de gens ne prennent pas le temps ni le recul pour s’auto-observer, affirme Sébastien Grenier. Ai-je tendance à voir tout en noir? Mon premier réflexe est-il l’évitement, l’anxiété, la colère? C’est un exercice qu’on peut faire seul ou avec l’aide d’un psychologue.» Pour Manon Breton, «la beauté, c’est qu’en s’observant, on rompt notre chaîne infinie de pensées, d’inquiétudes, de jugement envers nous-même, d’insatisfaction et de stress… Notre hamster ne roule plus, car notre attention est centrée sur le moment présent.»
Ce fameux moment présent, si galvaudé, reste le seul espace où on n’est ni dans l’anticipation de l’avenir ni dans le ressassement du passé. C’est là qu’il faut se réfugier pour modifier notre état d’esprit, et ce, dans n’importe quelle situation, poursuit celle qui a signé Le courage d’être ici. Comment? D’abord «en prenant un point d’ancrage». Nos sensations physiques. Le sol sous nos pieds. Le vent sur notre visage. On désamorce ainsi l’émotion qui s’apprête à nous submerger. «Ce n’est pas tant l’objet qui compte que de déplacer notre attention sur autre chose que nos pensées automatiques pour revenir à soi. Les résultats qu’on peut obtenir à la longue en prenant le temps, chaque jour, d’être l’observateur de soi, sans aucun jugement et avec beaucoup de bienveillance, s’avèrent impressionnants.»
2e clé: changer notre discours intérieur
Oui, se parler. «En thérapie cognitivocomportementale, on appelle ça la restructuration cognitive, explique Sébastien Grenier. Par exemple, si on a tendance à se déprécier, à se décourager, à se croire incapable de surmonter un défi, on se tient le même discours qu’on aurait pour un de nos meilleurs amis. En changeant de position, on change aussi de perception. Les personnes anxieuses, elles, doivent apprendre à dédramatiser, à relativiser. Mais pour entraîner notre cerveau, il faut répéter ces exercices souvent. On ne récoltera pas de résultats du premier coup.»
Se parler, ça peut aussi signifier s’enjoindre à ne rien faire. «Quand survient une pensée négative, on devrait la voir comme un bateau qui se profile à l’horizon. On le regarde… on le laisse voguer… et puis partir. Bref, on pratique la distanciation mentale!» illustre le psychologue. (rires) Dans le même sillage, on essaie de remplacer nos pensées négatives par des pensées positives, poursuit-il. «Ça fonctionne, mais pas toujours. Mieux vaut imaginer ces pensées comme une personne qui réalise qu’on ne lui accorde pas assez d’importance et qui finit par s’en aller. Elle reviendra de moins en moins fréquemment, puis elle disparaîtra.»
3e clé: respirer par le nez
Littéralement. On prend trois longues respirations par le nez, en portant attention au mouvement du souffle qui descend dans nos poumons, notre abdomen, puis remonte jusqu’aux narines. «Ces quelques 20 secondes où on délaisse notre hamster pour se concentrer sur nous-même permettent au système nerveux parasympathique de s’activer et de nous faire revenir au calme, assure Manon Breton. Grâce à la neuroplasticité du cerveau, on peut s’entraîner à sortir de nos sentiers battus neuronaux et à apprendre de nouvelles compétences, dont celle de respirer consciemment.»
Si, par exemple, dans une file d’attente, un impoli nous coupe et qu’on sent la moutarde nous monter au nez… stop! On s’arrête et on s’observe. On réalise qu’on est crispé. On se trouve un point d’ancrage. On se parle. «Voyons, à quoi te servira-t-il d’élever la voix, voire de lever les poings? Relaxe! La terre est peuplée de malappris, mais as-tu remarqué le sourire de cette gente dame à ta droite, le rayon de soleil qui inonde le comptoir? Respire, passe à autre chose!»
Ça s’applique aussi au sens figuré. Quand la frustration naît d’une situation qui nous échappe ou nous hérisse, on peut se répéter cette grande vérité: même si on s’énerve, les choses resteront bien souvent comme elles sont. Notre croisière réservée des mois à l’avance est annulée pour cause de pandémie? On rabâche les mots «malchance», «injuste» et «vacances ratées»? D’où nous vient ce scénario mental? «De nos attentes. De la comparaison. Mais les attentes sont illusoires, insiste Manon Breton. Tant qu’on se laissera gérer par nos attentes, on sera déçu. Tandis que si on se place dans le moment présent, qu’on observe notre environnement, notre respiration, nos sensations, la déception n’existe plus.»
Un plan qui échoue peut ainsi se transformer en occasion de découvrir notre quartier, de visiter des amis délaissés, de lire ces livres qui reposent sur notre table de chevet… En mettant ces trois principes clés en pratique chaque jour, le pire qui puisse arriver sera de devenir plus conscient de nous-même. Voilà justement la première condition pour agir sur notre état d’esprit.
3 trucs pour changer d’état d’esprit!
1 Si on se lève marabout. On déplace notre attention sur un point d’ancrage dans ce qui nous entoure. On respire, on laisse défiler notre flot de pensées. «On se demande ce qui nous ferait plaisir et on se concentre là-dessus», suggère Sébastien Grenier.
2 Si on stresse avant d’aller chez le médecin. Qu’on craigne de recevoir de mauvaises nouvelles ou d’être atteint d’un virus, l’inconnu reste le plus inquiétant, rappelle le psychologue, qui conseille de relativiser. «Il faut soupeser la menace par opposition au défi. La peur semble nous protéger, mais elle peut aussi nous nuire si on fuit notre rendez-vous, puisqu’elle retarde la connaissance de notre état de santé.»
3 Si on voit toujours le mauvais côté des choses. «En général, les gens très négatifs ignorent qu’ils le sont!» remarque Manon Breton. «La base, c’est de ne pas nourrir nos pensées négatives d’anticipations, de peurs apprises dans le passé et de conditionnements qui nous entraîneront dans une zone de stress ou d’anxiété.» On mise plutôt sur ce qu’on peut contrôler. «Ça semble simple, mais ce qui est difficile, c’est de mettre ce principe en pratique régulièrement, relève Sébastien Grenier. Car souffrir est beaucoup moins apeurant que changer.»
Nous sommes très contentes de voir que le Bel Âge aborde le sujet de la résilience mentale et émotionnelle. Dans notre livre, Repenser la retraite – un guide pour faire des choix, nous abordons ce sujet avec des exemples concrets dans la vie des retraités dans un de nos chapitres:
https://coachingretraite.ca/2022/01/echantillon-de-repenser-la-retraite/
Comme contributeurs aux articles du Bel Âge dans le passé, il nous fera plaisir de continuer de faire une contribution pour que la société commence réellement à repenser la retraite et à voir le vieillissement différemment.
Mary Morency et Jeannette Lalonde
Petit article très intéressant à lire lentement…
Ca fait prendre conscience…
💕