Les éco-émotions: les reconnaître et les comprendre pour mieux vivre les changements climatiques

Les éco-émotions: les reconnaître et les comprendre pour mieux vivre les changements climatiques

Par Marie-Josée Drolet, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Crédit photo: iStock

Les éco-émotions sont des émotions reliées à la terre.

C’est le philosophe australien Glenn Albrecht qui a été l’un des premiers chercheurs à s’y intéresser. L’incapacité de les reconnaître et de les comprendre est susceptible de mettre à risque la santé et le bien-être d’une personne, en plus de nuire à son engagement dans la lutte contre les changements climatiques. C’est pourquoi cet article discute de six éco-émotions.

Dans son livre Les émotions de la terre, Albrecht propose une typologie des différentes éco-émotions : les négatives et les positives. La plupart des écrits actuels traitent des éco-émotions négatives. Parmi celles-ci, la plus discutée est l’éco-anxiété. Elle est parfois qualifiée de concept parapluie, en ceci qu’elle englobe plusieurs éco-émotions négatives.

Il est bien entendu utile et pertinent de mettre des mots sur les éco-émotions négatives. Cela permet notamment de les repérer et de les comprendre, ce qui constitue une étape essentielle vers une meilleure gestion de celles-ci. Mais il importe aussi de mettre des mots sur les éco-émotions positives. Celles-ci sont en effet à même de soutenir le mieux-être des personnes et leur engagement constructif dans la lutte contre les changements climatiques.

En tant qu’ergothérapeute, philosophe-éthicienne et professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières, mes travaux de recherche portent sur l’éthique appliquée en santé. Considérant que la crise climatique est l’une des plus grandes menaces contemporaines à la santé, plusieurs de mes projets portent sur les rôles que peuvent avoir les ergothérapeutes pour soutenir des pratiques professionnelles durables et accompagner diverses personnes dans leur désir d’écoresponsabilité.

Le présent article a donc pour objectif de fournir une certaine cartographie des éco-émotions afin que toutes personnes puissent en reconnaître les principales sans être confinées aux seules éco-émotions négatives.

Des éco-émotions négatives

Parmi les éco-émotions négatives se retrouvent l’éco-anxiété, la solastalgie et l’éco-paralysie. Bien que cette liste ne soit pas exhaustive (Albrecht en décrit près d’une vingtaine dans son livre), celles-ci décrivent des émotions de plus en plus vécues dans le contexte actuel.

L’éco-anxiété peut être définie comme «une réponse émotionnelle à la menace posée par la crise du climat et de la biodiversité», laquelle est liée à de la détresse et est de nature anticipatoire.

Pour sa part, la solastalgie, néologisme créé par Albrecht, correspond à la désolation et à la tristesse causées par la perte ou la dégradation d’un lieu naturel réconfortant que l’on affectionne. Ainsi, tandis que l’éco-anxiété est tournée vers le futur et la peur des catastrophes à venir, la solastalgie est nostalgique, car tournée vers le passé et dépressive.

Enfin, l’éco-paralysie se présente lorsque l’anxiété devient si intense qu’elle se transforme en une incapacité d’agir face aux défis environnementaux, notamment parce que ceux-ci sont perçus comme insurmontables, insolubles.

Ces éco-émotions sont considérées négatives au sens où elles sont liées à une gamme d’émotions négatives telles que la peur, la désolation et l’impuissance. Cela dit, mis à part l’éco-paralysie, bien que négatives, ces éco-émotions peuvent soutenir l’engament des personnes dans la lutte contre les changements climatiques. Elles peuvent en effet être de puissants moteurs à l’action et, éventuellement, se permuter en éco-émotions positives.

Des éco-émotions positives

Parmi les éco-émotions positives répertoriées par les experts se trouvent la topophilie, la soliphilie et l’eutierrie. Encore une fois, cette liste n’est pas exhaustive (Albrecht en décrit près d’une dizaine). Elle donne toutefois des exemples d’éco-émotions positives pouvant soutenir le mieux-être des individus et les relations positives avec leur environnement.

Issue des mots grecs «topos», qui désigne lieu, et « philia », qui désigne l’amour, la topophilie correspond à l’attachement et l’affection ressentis par une personne envers certains endroits. Selon Albrecht, ce serait le poète Wystan Hugh Auden, en 1947, qui aurait la première fois utilisé ce concept, lequel a ensuite été repris, en 1974, par le géographe sino-étasunien Yi-Fu. Somme toute, la topophilie est la joie esthétique et l’émerveillement ressentis par une personne concernant un lieu.

Issue des mots latins «solidus», qui signifie solide ou total, et grec «philia», qui désigne l’amour, la soliphilie (autre néologisme d’Albrecht) correspond, pour sa part, à la solidarité ressentie par une personne envers un lieu, laquelle se traduit par l’engagement politique avec ses semblables pour sa préservation.

Enfin, l’eutierrie, concept aussi créé par Albrecht, vient du mot grec «eu», qui désigne bon, et du mot espagnol «tierra», qui veut dire terre. L’eutierrie désigne le sentiment d’unité que peut ressentir une personne avec l’environnement naturel, lequel apporte une impression de paix et de béatitude au sein de laquelle les limites entre sa personne et le monde vivant s’érodent.

La nécessité des éco-émotions positives

Considérant l’ampleur de la crise climatique actuelle et ses conséquences de plus en plus visibles, il est normal qu’un nombre croissant d’individus soient amenés à vivre des éco-émotions.

Bien que les éco-émotions négatives puissent soutenir ces personnes dans leurs transitions écologiques, les éco-émotions positives ont également leur importance. Elles ont notamment le potentiel de soutenir la santé mentale et le mieux-être des individus. Elles peuvent également aider ces personnes à imaginer des mondes possibles plus justes, plus solidaires et plus durables. De manière non négligeable, les éco-émotions peuvent aussi favoriser l’engagement des individus dans la transformation de nos manières d’habiter le monde.

Les éco-émotions positives ont ce super pouvoir, et elles sont à notre portée : il nous suffit de nous (ré)ensauvager pour les vivre pleinement!The Conversation

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. 

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