Le moment est-il venu d’emménager en résidence?

Le moment est-il venu d’emménager en résidence?

Par Marie-Josée Roy

Crédit photo: iStock

De nombreuses personnes – et leurs proches – sont confrontées à cette décision. Quels sont les éléments à considérer pour faire un choix éclairé? Voici quelques pistes de réflexion pour amorcer la discussion avec son entourage.

On a parfois tendance à procrastiner au moment de prendre une décision qui changera notre vie, et le choix de déménager ou non en résidence ne fait pas exception à la règle. Comme l’explique la travailleuse sociale Nathalie Delli Colli, chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement du CIUSSS de l’Estrie-CHUS et professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke, les aînés et leurs proches ont souvent tendance à balayer le sujet sous le tapis jusqu’à ce que survienne un événement qui les force à prendre une décision: «Les gens planifient leur retraite et leur fin de vie, mais entre les deux, il y a le choix du milieu de vie.»

Les facteurs à considérer

On connaît tous quelqu’un qui a vécu en santé et heureux dans sa maison jusqu’à la fin de sa vie, mais tout le monde n’a pas cette chance. Quand la santé d’une personne âgée commence à décliner et qu’elle peine à effectuer les tâches du quotidien, un déménagement en résidence peut s’avérer libérateur pour elle, mais aussi pour ses proches. Le soutien médical, la surveillance, l’aide aux travaux ménagers et le service de repas comptent parmi les avantages indéniables liés à ce type d’établissement.

«D’autres personnes sont attirées par les milieux de vie collectifs parce qu’elles souhaitent briser l’isolement et préserver leurs énergies pour participer à des activités», indique Mme Delli Colli. Non seulement les résidences offrent une variété d’activités, mais elles sont aussi pourvues d’aires communes où il est plus aisé de faire connaissance avec ses voisins. Qu’on envisage de s’installer en résidence ou qu’on accompagne un aîné dans son cheminement, on doit prendre en compte la santé et la sécurité de la personne concernée, mais aussi son désir d’élargir ou non son cercle social. «On doit aussi considérer la volonté ou pas, pour la personne, de recevoir des services à domicile. Une certaine crainte peut s’installer chez les personnes âgées quant à la venue de gens qu’elles ne connaissent pas, que ce soit pour le ménage ou pour des traitements médicaux», ajoute Isabelle Van Pevenage, sociologue et chercheuse au Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale de l’Université de Montréal.

Un sujet délicat, à aborder sans attendre

Évoquer un éventuel déménagement en résidence avec un proche peut s’avérer un véritable défi. Il va sans dire que la décision finale appartient à l’aîné, mais on peut tout de même émettre quelques arguments pour l’inciter à entreprendre une réflexion. Dans tous les cas, la délicatesse et l’empathie sont de mise. «Si on en discute avec nos parents, par exemple, il faut d’abord leur parler de nos inquiétudes quant à leur santé et à leur sécurité», indique Isabelle Van Pevenage, qui conseille également d’exprimer nos limites quant à l’aide qu’on peut apporter. «Ça peut être délicat, mais il faut absolument aborder les moyens dont dispose l’entourage pour permettre le maintien à domicile de la personne. Les services offerts ne sont pas toujours adéquats et en tant que proche aidant, on peut ne pas être disponible en tout temps et pour toutes les tâches», ajoute la sociologue et chercheuse. Il est aussi important de mentionner à son parent que, s’il désire choisir lui-même un milieu de vie qui lui convient, il gagne à s’y prendre à l’avance. «Ce n’est pas idéal de prendre cette décision-là dans l’urgence, par exemple à la suite d’une hospitalisation. Devoir se reloger très rapidement, sans avoir réfléchi ou discuté de nos préférences avec nos proches, entraîne des difficultés d’adaptation dans le nouveau milieu», affirme Nathalie Delli Colli. Même si le déménagement n’est pas pour tout de suite, aborder le sujet en amont apporte une paix d’esprit qui n’est pas à négliger.

L’autonomie: un «sport» d’équipe

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’autonomie d’un aîné n’est pas l’affaire d’une seule personne. «L’autonomie, ce n’est pas quelque chose d’individuel, ça se réalise en groupe, précise Isabelle Van Pevenage. Un auteur a écrit que la dépendance, c’est quand on n’avait plus assez d’entourage pour assurer notre autonomie. C’est un point de vue intéressant.»

En pesant les pour et les contre de chaque option, on doit considérer l’état de santé, les besoins et le budget, ainsi que les ajustements qui pourraient s’avérer nécessaires pour demeurer à la maison en toute sécurité. Il faut également prendre en considération la disponibilité de l’entourage. «De là l’idée d’y penser tôt. On sait qu’à partir de 80 ans, les besoins augmentent. Ça peut entraîner des dépenses supplémentaires pour certains soins et services», ajoute Nathalie Delli Colli. Le personnel médical (infirmière, médecin de famille, travailleuse sociale…) peut aussi être de bon conseil, même si les évaluations formelles sont généralement réservées à l’admission en CHSLD.

Une affaire de famille

Pour un aîné, pouvoir compter sur le soutien de nos proches fait toute la différence quand vient le moment d’entamer une réflexion au sujet d’un éventuel déménagement en résidence. Quitter un milieu de vie pour en intégrer un autre ne se fait pas sans heurts, surtout quand il faut passer au crible toute une vie d’objets accumulés. « Le chez- soi est porteur d’identité, rappelle Isabelle Van Pevenage. Les meubles, les photos, les livres… Tout ça contribue à qui on est. Ce sont des deuils à faire.» Que l’aîné en soit à la réflexion ou passe à l’action, le soutien familial est essentiel et la patience est de rigueur. «C’est un processus qui prend du temps et qui demande énormément de délicatesse et de tact de la part de l’entourage.»

Que faire quand les membres d’une fratrie ne s’entendent pas au sujet d’un éventuel déménagement de maman ou papa en résidence? «Ce n’est pas toujours facile de se parler entre membres de la famille, mais on doit tenter de comprendre les arguments de part et d’autre. Parfois, les gens ont des appréhensions au sujet de tel ou tel milieu ou une perception idéalisée des services à domicile. Mieux vaut aller chercher de l’information pour que les parties puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause», explique Nathalie Delli Colli. Le fin mot de l’histoire appartient toutefois à l’aîné, le seul en droit de choisir le prochain chapitre de sa vie.

Vidéos