La rupture amicale: une peine de cœur

La rupture amicale: une peine de cœur

Par Marie-Josée Roy

Crédit photo: iStock

Au même titre que les amours, les relations amicales sont sujettes à des changements au cours d’une vie. Si la fin d’une amitié peut chambouler quiconque, elle représente néanmoins une occasion en or d’apprendre à mieux se connaître.

Dès son plus jeune âge, l’être humain développe des liens avec autrui, que ce soit à la garderie, à l’école ou dans son milieu de vie. Certaines de ces relations se transforment en amitiés, qui peuvent s’avérer durables… ou pas.

«Nos amitiés en disent beaucoup sur nous, parce que c’est une affiliation qu’on développe avec des personnes ayant des intérêts et une façon de penser similaires aux nôtres», précise Nafissa Ismail, professeure titulaire de la Chaire de recherche sur le stress et la santé mentale à l’Université d’Ottawa. Ce n’est pas pour rien que nos amis les plus chers sont souvent ceux qui nous comprennent le mieux. «Avec un ami, on est libre d’avoir des conversations sans craindre de se faire juger. On se sent très à l’aise dans un tel contexte.»

Des amitiés à notre image

Qui peut se targuer de ne jamais changer? Nos amis chers dans la vingtaine ne sont pas nécessairement les mêmes qu’aujourd’hui, puisque nos priorités, nos intérêts et notre conception de la vie ont forcément évolué au fil du temps. «Il faut l’accepter, car ça nous permet de grandir en tant que personne, affirme Nafissa Ismail. En raison de ces changements, on peut réaliser qu’on a du mal à être soi-même et à avoir des conversations significatives avec des gens qu’on considérait autrefois comme des amis intimes.» Certains préfèrent aussi mettre fin à des amitiés qu’ils considèrent néfastes. «Avec l’âge et l’expérience de vie, on recherche la paix et la tranquillité. On sait ce qu’on ne souhaite plus tolérer et on se détache plus facilement des amitiés toxiques», mentionne la professeure de psychologie.

À quel moment sait-on qu’il est temps de mettre fin à une amitié? «Si une relation est devenue un poids pour nous, qu’on se sent mal quand on passe du temps avec la personne, qu’on reçoit des critiques destructrices de sa part… Quand l’autre jette le blâme sur nous et qu’il ne se remet jamais en question, c’est signe que la relation ne peut plus évoluer », affirme Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière.

Contre mauvaise fortune, bon cœur

Qu’on en soit l’instigateur ou pas, la rupture amicale peut s’apparenter à une peine d’amour. Une période de deuil se révèle parfois nécessaire pour faire la paix avec la fin de cette amitié qui aura été significative dans notre parcours de vie. «Si c’est une fin de relation qu’on n’a pas choisie, on peut se sentir abandonné, rejeté, trahi. Il peut aussi y avoir de la tristesse, de la colère et de l’impuissance. Ça vient vraiment remettre en question nos valeurs, le type de relations dans lesquelles on s’engage. Il faut prendre le temps d’accueillir ses émotions. Lors d’une peine d’amitié, il est normal d’avoir encore des pensées pour l’autre, de se remémorer de bons et de moins bons souvenirs», soutient Nathalie Parent.

Tout comme la rupture amoureuse, la fin d’une amitié nécessite souvent des explications entre les deux parties. «Il faut prendre le temps d’en parler, surtout s’il s’agit d’une amitié significative, conseille la psychologue. On peut voir s’il y a moyen de continuer en dépit des différends, mais si la relation est terminée, il vaut mieux le dire ouvertement. Par contre, dans le cas d’un éloignement naturel, il n’est pas nécessaire d’officialiser les choses.»

Une occasion d’apprendre

Il n’y a pas que du négatif dans les peines d’amitié, puisque celles-ci contribuent à forger notre personnalité et nos goûts. «Ça nous aide à mieux cerner ce qu’on recherche chez un ami, quels types de personnes nous conviennent le mieux, rappelle Nafissa Ismail. C’est important de savoir avec qui on se sent bien, avec qui on peut s’exprimer librement sans crainte d’être jugé.»

En amour comme en amitié, les gens ont souvent tendance à reproduire les mêmes modèles et à s’attacher aux mêmes types de personnes, pour le meilleur et pour le pire. «Les patterns relationnels s’installent dès la petite enfance, rappelle Nathalie Parent. Avant même de mettre fin à une amitié, on gagne à regarder ce qui se répète dans cette relation-là, ce qu’on a déjà vécu avec d’autres.»

Si notre peine d’amitié est consécutive à un décès, une période de deuil s’impose. Chérir cette amitié qui a tant compté pour nous aide à se remémorer celui ou celle qui nous manque. «Il faut savoir que même si la relation se termine, elle est toujours là, elle continue de vivre à l’intérieur de nous, indique Nathalie Parent. On en garde des souvenirs heureux qui nous accompagnent toujours.»

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