On connaît tous un aîné complètement gaga de ses petits-enfants. La relation privilégiée entre des êtres de générations différentes s’avère aussi enrichissante pour les petits que pour les grands. Aussi, elle est porteuse de nombreux bienfaits. Explications.
Des chercheurs de l’Université Johannes-Gutenberg de Mayence, en Allemagne, se sont penchés sur les bienfaits de la grand-parentalité dans le cadre d’une étude dont les résultats ont été publiés en 2022 dans la revue Social Science & Medicine. En étudiant les habitudes de vie et l’état de santé de 14 000 personnes, dont le tiers étaient des grands-parents, ils ont constaté que ce rôle favori- sait les interactions sociales et contribuait à donner un nouveau sens à la vie.
Les quatre types de grands-parents
La sociologue Andrée-Anne Boucher, qui a étudié la transi- tion vers la grand-parentalité dans le cadre de son mémoire de maîtrise, a répertorié quatre types de grands-parents. «Il y a d’abord les fameux grands-parents gâteaux, qui souhaitent avant tout cultiver la relation avec le petit-enfant avec des surprises, des gâteries, de bons moments passés en famille. Viennent ensuite les grands-parents transmetteurs, qui souhaitent offrir quelque chose de complètement différent à leur petit-enfant. Par exemple, si l’enfant vit en ville et que le grand-parent réside à la campagne, il peut souhaiter lui montrer à jardiner», explique celle qui enseigne la sociologie au Cégep de Victoriaville.
Il y a aussi les grands-parents collaborateurs: ceux-ci apportent un soutien dans la vie quotidienne de leurs petits-enfants, notamment en jouant les gardiennes et gardiens. «Puis, certains grands-parents participent activement à la vie de leurs petits-enfants à travers l’aide aux devoirs et le choix d’une école, par exemple. Ils sont engagés, très investis: ce sont les grands-parents éducateurs.»
Chaque façon d’être grand-parent apporte son lot de bienfaits, mais la relation au petit-enfant et le soutien offert aux parents varient de l’une à l’autre.
Un accès privilégié
Si le rôle de grand-parent a évolué au fil des ans, c’est notamment en raison de la diminution du nombre d’enfants dans les ménages québécois et de l’augmentation de l’espérance de vie. «Aujourd’hui, les grands-parents sont au cœur de l’existence de leurs petits-enfants», note Suzanne Vallières, psychologue et coautrice du livre Psy-guide des grands-parents. De présence distante à figure rassurante, la façon d’être grand-parent n’est plus ce qu’elle était, au grand bon- heur des deux parties.
«La retraite a longtemps été appréhendée comme une mort sociale, explique Andrée-Anne Boucher. Plusieurs voyaient ça comme un grand vide. Aujourd’hui, devenir grand-parent est perçu comme un regain de vitalité. Être impliqué dans la vie de ses petits-enfants apporte beaucoup sur le plan physique, mais aussi sur le plan psychologique. La grand-parentalité est vue comme une chance de vivre à nouveau une relation fami- liale privilégiée, de pouvoir cajoler des enfants.»
Un nouveau souffle
Pique-niquer au parc, jouer à la tague, créer des bricolages, faire la lecture: voilà autant d’activités qui contribuent à garder la forme physique et intellectuelle. En étudiant les bienfaits de la grand-parentalité, les chercheurs de l’Université Johannes-Gutenberg de Mayence ont établi que les grands-mères qui parlaient fréquemment à leurs petits- enfants avaient une mémoire plus aiguisée que la moyenne.
«Être grand-parent, ça fait en sorte qu’on est plus alerte, mentionne Suzanne Vallières. Les enfants sont souvent dans le jeu, ce qui nous incite à bouger. Ils nous apportent un vent de fraîcheur et nous tiennent au courant de ce qui se passe. Ils stimulent aussi notre créativité, que ce soit dans la recherche d’un bricolage ou dans la création de recettes.»
Ce renouveau a un effet plus que positif sur la qualité de vie des grands-parents, comme l’indique Andrée-Anne Boucher. «On parle beaucoup du sens que ça redonne à la vie. C’est intéressant de pouvoir expéri- menter un nouveau rôle à un âge plus avancé. Ça nous amène à vivre des expériences différentes et à développer un lien significatif, mais différent de ce qu’on a vécu avec nos propres enfants.»
Enfin, du temps!
Entre le métro, le boulot et le dodo, la vie des parents est souvent fort occupée. Les grands-parents, qui sont sou- vent à la retraite, ne font généralement pas face aux mêmes contraintes de temps, ce qui leur permet à la fois de soutenir leurs enfants et de cultiver un lien privilégié avec leurs petits-enfants.
«Dans le cadre de mes recherches, j’ai discuté avec des baby-boomers ayant fait partie de la première génération de femmes à intégrer massivement le marché du travail. Elles ont vécu un tiraillement entre leur vie de famille et leur carrière. Plusieurs voient la grand-parentalité comme une forme de seconde chance», révèle Andrée-Anne Boucher. En apprenant à mieux connaître leurs petits-enfants, les aînés dévoilent du même coup une part d’eux-mêmes qui n’est pas appelée à disparaître.
«La transmission des souvenirs et des tradi- tions, c’est aussi le rôle des grands-parents», rappelle Suzanne Vallières. En cuisinant la même recette avec leurs petits-enfants à chaque Noël, en évoquant leurs souvenirs d’enfance, en perpétuant les traditions familiales, les grands-parents s’assurent d’une certaine immortalité.
«Une fois adultes, les petits-enfants se souviendront de ces moments passés avec leurs grands-parents. Les souvenirs, c’est souvent ce qui nous aide à traverser les épreuves.»