Chef, époux, gendre, père (et grand-père un jour, espère-t-il), animateur et humaniste, Ricardo croque dans la vie sans démordre des principes chers à son cœur: s’ouvrir aux autres et nourrir ses passions.
Vous avez lancé cet automne le tome 2 de Mon premier livre de recettes Ricardo. Pourquoi est-ce un des plus beaux cadeaux à faire à un enfant ou à un petit-enfant que de lui montrer à cuisiner?
Parce qu’il aura besoin de se nourrir toute sa vie, mais surtout parce que c’est un acte social. La quantité de grands-parents qui me disent qu’ils ont offert le premier tome à leurs petits-enfants, ou qui le gardent chez eux pour leur visite, c’est fou! Quand on passe du temps avec ses parents ou ses grands-parents, on apprend qui est sa famille, ce qu’on est, ce qu’on mange. Personne ne fait son pâté chinois de la même façon! Ça commence assis sur le comptoir, puis un jour, l’enfant est seul et gagne non seulement en autonomie alimentaire, mais en estime de soi. Il y a quelque chose de grandiose à voir la fierté dans ses yeux, dans cette relation qui peut se créer grâce à la nourriture. Après donner la vie, c’est pour moi l’acte humain le plus grand et le plus beau.
Vous dites aussi que cuisiner ensemble suscite les confidences…
C’est un moment intime, un prétexte pour faire sortir la vérité. Si je demande net, frette, sec à un jeune de me raconter sa journée, ça se peut qu’il ne me dise pas grand-chose. Mais quand on cuisine ou qu’on mange ensemble, il peut y avoir des moments de silence qui ne sont plus bizarres, parce qu’on coupe des légumes, on met la table, on fait cuire. Ces petits moments d’ouverture invitent à la discussion. C’est pour ça que, pour moi, le cuisiner ou le manger ensemble est si important.
Très jeune, vous vous êtes intéressé à la cuisine, votre mère cachait ses livres de recettes parce que…
Je gaspillais la nourriture! Il y a des enfants qui viennent au monde avec un talent pour le sport, la musique, le théâtre. Moi, c’était la cuisine. Je n’étais pas bon en sport. Ma sœur était plus musicale. Alors, j’ai été poussé un peu plus vers ça puisque c’était naturel. Mais je dis toujours que ce n’est pas grave si l’enfant n’aime pas cuisiner. Ce qui compte, c’est s’il voit sa famille manger ensemble, s’il la voit être heureuse. L’important est l’exemple qu’on donne dans le manger ensemble. Le mimétisme, c’est fort.
Cela permet de créer des habitudes qui perdurent une fois les enfants partis du nid, comme vos trois filles…
Même les étudiants, les personnes veuves, les célibataires vont habituellement avoir un cercle d’amis. Et ceux qui cuisinent en ont souvent un plus grand. Les gens aiment ça revenir chez eux parce que c’est bon. Oui, mes filles sont parties de la maison. Je travaille encore, mais je vais diminuer la cadence dans les quatre ou cinq ans à venir. Qu’est-ce qu’il va me rester pour me rendre heureux, me valoriser? Mes repas entre amis et ceux avec ma famille. On a tous envie que nos enfants nous disent un jour: «Maman, je ne file pas, me ferais-tu telle recette?» La nourriture, ça réconforte.
Votre grand-mère aussi a joué un rôle dans votre éducation culinaire?
Ma mère faisait tout, tout, tout à la main, mais elle ne m’enseignait pas à cuisiner. Juste quelques consignes de temps en temps. J’ai appris en la regardant faire. Ma grand-mère, elle, me montrait. Je passais des fois deux ou trois semaines chez elle, l’été. J’étais toujours dehors, et responsable d’arroser le jardin. Je restais là à rêvasser, à m’ennuyer. J’adore l’ennui. Je trouve que ça manque aux jeunes. Quand tu t’ennuies, tu deviens créatif. Bref, j’étais gourmand, et elle me demandait ce que j’avais envie de manger, puis on le faisait. C’est stimulant de manger ce qu’on a cuisiné de nos mains. On préparait souvent du dessert: des grands-pères, du miton, qui consistait en du pain maison déchiré dans un bol, des framboises du jardin, un peu de sucre et de la crème 35%. C’était notre petit-déjeuner. J’étais-tu bien, vous pensez? Elle me disait: «Écrase tes framboises, ça ne goûtera plus pareil.» Et elle avait raison, le parfum changeait. Tous les automnes, elle faisait son ketchup vert, puis en mettait dans mon sandwich au jambon. Ce sont de merveilleux souvenirs.
Garder vivantes des recettes, c’est garder vivantes des personnes pour toujours aussi. Vos filles sont chanceuses d’avoir accès à une mégabanque de recettes en ligne!
Elles s’en foutent de mes recettes. Quand je leur demandais: Qu’est-ce que vous avez envie de manger? Elles me répondaient: une recette de leur grand-mère. Elle leur a d’ailleurs laissé un carnet. Et qu’elles me répondent ça, pour moi, c’est un accomplissement familial. Brigitte dirait la même chose. Ce qui est vénéré chez nos filles, ce n’est pas leurs parents, c’est leurs grands-parents. Un jour, j’aurai des petits-enfants, et ce sera mon tour! Oui, mes filles m’aiment. Mais j’ai avec elles un rôle d’éducation, de protection, alors que leur grand-mère, c’est de l’amour pur. Il y a une quinzaine de recettes d’elle qui leur font du bien, comme les vol-au-vent avec une tranche de pain beurrée cuite dans un moule à muffins pour remplacer les coquilles en pâte feuilletée.
Elles ont bien connu votre mère, décédée, et celle de Brigitte est encore bien présente dans leur vie. Qu’est-ce que ça a changé dans leur apprentissage de la vie de côtoyer leurs grands-parents?
Tout. On n’a pas eu une vie standard. Très vite, quand on a commencé notre carrière, mes beaux-parents nous ont offert de vendre leur entreprise, leur chalet et de déménager à côté pour nous aider avec les enfants. Qui se fait offrir ça? C’est un cadeau sans nom. Je suis chanceux, j’étais fait pour vivre avec ces parents-là aussi. Ma belle-mère, c’est comme ma mère. Si Brigitte partait avant moi, elle demeurerait avec moi. Donc, ces grands-parents dînaient avec leurs petites-filles tous les jours, écoutaient Cornemuse, marchaient à l’école avec elles. Avant que ma mère meure de son cancer, elle est restée chez nous. Elle avait peur d’être un poids, mais non, elle finalisait la leçon de vie de ses petites-filles. Oui, elles trouvaient ça long des fois, attendre qu’on ait fini de la nourrir, de changer sa couche ou whatever. Mais elles m’ont entendu leur dire: Grand-maman vous a bien attendues, vous, quand elle vous nourrissait.
Même si vous êtes l’une des personnalités les plus aimées au Québec, quand on a annoncé que vous alliez coanimer Deux hommes en or et Rosalie, il y a eu des critiques. Comment les avez-vous accueillies?
C’est normal, car le changement fait toujours peur. C’est comme quand Isabelle Deschamps-Plante a pris ma place. Mais il ne faut pas s’y arrêter. On m’a proposé quelque chose de déstabilisant qui me sort de ma zone habituelle, mais qui vient combler un manque que j’avais, c’est-à-dire de pouvoir rencontrer quelqu’un et de jaser avec. Parce qu’à mon émission de cuisine, je n’avais pas assez de temps pour ça. Je ne suis pas Patrick Lagacé, ni Jean-Philippe Wauthier, ni Paul Arcand, je suis Ricardo. Mon rôle ne sera pas celui d’un journaliste qui trouve la bibitte. Je veux comprendre les gens, m’intéresser à eux, à ce qu’ils viennent présenter.
Jeune, vous aviez un tableau de visualisation qui représentait ce que vous vouliez quand vous seriez grand…
Je l’ai encore. C’est des trucs que j’avais collés sur un Coroplast.
Qu’est-ce que vous y colleriez pour les 30 prochaines années?
Un ou une jeune, qui représenterait l’accompagnement, le transfert. Moi, je n’ai pas le goût d’être le gars de 87 ans qui est encore dans sa business et pense que c’est lui le meilleur parce qu’il l’a créée. Brigitte et moi, on aimerait être des références vers qui se tourner. Il y aurait aussi assurément des petits-enfants dont je pourrais m’occuper. Et un jardin. Je suis en train d’en créer un grand à Saint-Mathias-sur-Richelieu, que je veux ouvrir au public un jour. Le jardinage, c’est mon passe-temps et mon autre passion.
Des recettes de Ricardo
Pour créer de la magie en cuisine avec vos petits-enfants, rendez-vous dans notre section Recettes, où vous pourrez notamment découvrir des recettes tirées de Mon premier livre de recettes, tome 2 (Éditions La Presse), le dernier titre de Ricardo.