Pourquoi faut-il aimer les casse-tête?

Pourquoi faut-il aimer les casse-tête?

Par Linda Priestley

Crédit photo: iStock

Tous les samedis après-midi, depuis six ans, Iza et son amie de longue date Gaby, en compagnie de leur conjoint respectif, s’assoient à une grande table pour assembler les pièces d’un immense casse-tête. Dans le cas des modèles à 10 000 morceaux, l’exercice peut tenir les quatre jeunes retraités occupés pendant deux mois. Décourageant? «Jamais!» répond Iza, l’instigatrice du club «Les casseux de puzzles».

Au contraire, le quatuor de ludosolveurs (terme créé à partir des mots «ludique» et «résolveur») adore faire équipe et se triturer les méninges allègrement pendant des heures, sans relâche ni pitié. «Allez, t’es capable de trouver où va ce minuscule bout de trèfle jauni par le soleil.» Ou la pièce manquante qui viendra compléter la fine pointe du museau d’un rat parmi des dizaines d’autres.

Depuis l’enfance, Iza a toujours aimé ce jeu, auquel l’a initiée son mathématicien de grand-père, avec qui elle a assemblé d’innombrables casse-tête. «C’est bon pour le raisonnement et l’observation!» lui disait-il.

Plus tard, l’ex-prof de philosophie s’y est prêtée avec ses enfants, à la fois pour renforcer l’esprit de famille et pour stimuler leurs neurones. «La mémoire des formes, des couleurs et des motifs, la compréhension des concepts spatiaux, mais aussi la stratégie: par où commencer, comment procéder, vaut-il mieux s’attaquer d’abord aux bords et se rendre jusqu’au milieu, ou s’acharner sur chaque coin avant de progresser vers le centre? Le classement des pièces: quelle méthode est la plus efficace? Et comment ne pas déroger de son plan de match, en se laissant distraire par une pièce irrésistible qui va là, on en a la certitude.

La beauté du puzzle, c’est qu’il m’apprend à me calmer le pompon, à lâcher prise quand un morceau ne “fitte” pas, à changer de stratégie en cours de route s’il le faut. Tout cela, c’est positif pour le cerveau. Et peu importe notre âge, une fois le casse-tête terminé, le sentiment de fierté et d’accomplissement qui nous habite est incomparable.»

Il n’y a pas qu’Iza et son grand-père qui font valoir les mérites du casse-tête. L’une des rares études sérieuses sur le sujet, menée en Allemagne en 2018 et publiée dans la revue Frontiers in Aging Neuroscience, a démontré que la pratique régulière de cette activité met à contribution une multitude de capacités cognitives et qu’elle pourrait agir comme un facteur protecteur contre le stress, qui, on le sait, est néfaste pour la santé de nos cellules grises.

Vide-tête, ce passe-temps permet aussi de décrocher ou de se défouler. À preuve, nos quatre as du samedi profitent de ce rendez-vous hebdomadaire pour décompresser, mais aussi parfois pour échanger et réfléchir ensemble à un monde meilleur.

«Au fil des années, on a parlé de tout: de la pandémie, de l’inflation, des phénomènes météorologiques… et de Trump!» dit Iza. Mais si, à lui seul, le locataire de la Maison-Blanche donne, cent ans plus tard, un tout nouveau sens à l’expression «les années folles», Iza et sa bande, eux, survivent à la folie du temps, en relevant le défi à l’unisson et dans la solidarité, un morceau de casse-tête à la fois.

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