REER: «rapper» ou non après 40 ans?

REER: «rapper» ou non après 40 ans?

Par Sylvie Dugas

Crédit photo: iStockphoto.com

Maria et Jonathan, 45 ans tous les deux, vivent en appartement depuis des années. Ils ont toujours hésité à devenir propriétaires, préférant ne pas s’engager dans des responsabilités financières à long terme. Il est vrai que Maria n’aime pas s’occuper d’un jardin et que Jonathan n’est pas très habile au marteau! Mais la principale raison de leur choix, c’était, jusqu’à présent, le manque d’argent pour faire une mise de fonds.

Toutefois, au fil des ans, leurs proches sont tous devenus propriétaires et sont heureux de leur décision. Maria et Jonathan commencent maintenant à voir d’un bon oeil l’achat d’une maison pour assurer leur retraite dans 15 ans. Celle qui leur plaît coûte 250 000$. Ont-ils les moyens de l’acheter? Afin d’y voir clair, ils ont consulté Marshall Johnson, conseiller en sécurité financière au Groupe Investors, à Montréal.

D’abord, Maria et Jonathan n’ont pas de dettes, ce qui est positif. Ensuite, ils possèdent 50 000$ de fonds communs dans un portefeuille non enregistré et 160 000$ dans leurs REER. Comme ils n’y ont pas toujours contribué au maximum permis, ils ont accumulé des cotisations REER inutilisées totalisant 30 000$. Grâce à ces actifs, ils se qualifient pour une hypothèque de 250 000$, puisqu’ils ont droit à trois fois leurs revenus annuels combinés, qui se chiffrent à 85 000$, donc à 255 000$.

Maria et Jonathan s’interrogent. Devraient-ils liquider leur portefeuille non enregistré afin d’effectuer une mise de fonds de 50 000$? Puiser dans leurs REER par le truchement du régime d’accession à la propriété (RAP)?

Le RAP et ses conséquences

Le RAP et ses conséquences

Au fait, pourquoi une mise de fonds de 50 000$, précisément? «Parce que cette somme, qui représente 20% du montant à financer, leur éviterait de voir leur prêt assuré par la SCHL», explique Marshall Johnson. En effet, une telle assurance ajouterait 1,75% au taux d’intérêt et se traduirait en centaines de dollars supplémentaires par année. Par ailleurs, si le couple liquide ses fonds communs non enregistrés, il pourrait avoir de l’impôt à payer sur le gain en capital. En recourant au RAP, Maria et Jonathan utiliseraient leurs REER à la place, esquivant ainsi la facture fiscale.

Mais voilà, le RAP permet au couple de ne retirer que 40 000$ (20 000$ par conjoint). C’est le maximum autorisé par la loi. S’ils veulent éviter l’assurance de la SCHL, ils doivent trouver 10 000$ ailleurs. Outre cette complication, Marshall Johnson note d’autres inconvénients à «rapper» 40 000$ des REER de ses clients.

Les remboursements omis sont imposés. Une fois qu’ils auront «rappé» leurs REER, Maria et Jonathan devront les rembourser sur une période maximale de 15 ans. S’ils omettent un versement, le montant impayé s’ajoutera à leurs revenus de l’année courante et sera imposé à leur taux marginal (40%).

Les remboursements peuvent réduire le montant des déductions admissibles au titre du REER. Si, pendant une année, leur situation financière leur permet de cotiser 5 000$ à leur REER et qu’ils doivent effectuer un remboursement RAP de 1 000$, la déduction admissible sera limitée à 4 000$.

Le prêt RAP réduira leur revenu de retraite. Le REER profite de la «puissance de la capitalisation», dit Marshall Johnson. Or, en retirant le quart de leurs REER, Maria et Jonathan affaiblissent le potentiel de croissance de leur épargne retraite.

Supposons qu’ils décident de «rapper» 40 000$ de leurs REER. Il leur manquera 10 000 $ pour combler la mise de fonds de 50 000$. S’ils ne trouvent pas cet argent ailleurs, ils devront payer l’assurance de la SCHL, puisqu’ils fourniront moins de 20% du capital. Selon l’expert, cette assurance leur coûtera 3 675$ sur 25 ans, soit (250 000$ – 40 000$) x 1,75% = 3 675$. Somme toute, leur hypothèque leur reviendra à 1 590$ par mois, c’est-à-dire 1 367$ pour le prêt et l’assurance de la SCHL, montant auquel il faut ajouter 223$ par mois pour rembourser le RAP du REER.

«Ce n’est pas tout. Il faut aussi calculer la perte de revenus de retraite des REER», souligne Marshall Johnson. À un taux de rendement annuel de 7%, le RAP de 40 000$ réduira la croissance du REER de 110 361$. Toutefois, les remboursements de 223$ par mois sur 15 ans permettront de récupérer 69 500$. Tout considéré, le manque à gagner sera de 40 861$.

Le prêt hypothécaire à proportion élevée

Le prêt hypothécaire à proportion élevée

Ce scénario n’est pas idéal, car Maria et Jonathan grèvent leurs futurs revenus de retraite. Le spécialiste leur présente une autre avenue: le prêt hypothécaire à proportion élevée.

Ce produit, relativement récent, permet à un acheteur d’emprunter jusqu’à 95% du prix de la maison convoitée. Sur une propriété de 250 000$, notre couple n’aurait donc à verser qu’une mise de fonds de 12 500$. Cependant, les prêts hypothécaires à proportion élevée sont accordés selon des critères d’admissibilité précis et comportent des coûts supplémentaires imposés par l’assureur hypothécaire. Ces frais peuvent représenter jusqu’à 2,9% du montant du prêt.

On l’a vu, Maria et Jonathan disposent de 50 000$ en fonds non enregistrés et de 30 000$ en cotisations REER inutilisées. Marshall Johnson leur propose de prendre 30 000$ de ces 50 000$ et de combler d’un coup leurs cotisations inutilisées. Ce faisant, ils recevront un remboursement d’impôt d’environ 12 000$. «Cette opération générera 32 000 $ en liquidités, soit 12 000$ en remboursement d’impôt plus les 20 000$ restants dans leur portefeuille non enregistré», calcule le spécialiste. Quant aux 12 500$ nécessaires à la mise de fonds, le couple ira les chercher en «rappant» ses REER.

Au bout du compte, Maria et Jonathan auront un patrimoine de 49 500$, soit:

  • 12 000$ en remboursement d’impôt;
  • 20 000$ en fonds non enregistrés (50 000$ – 30 000$ = 20 000$);
  • 17 500$ en bonification de leurs REER (cotisation de 30 000$ – RAP de 12 500$ = 17 500$).

À combien leur reviendra leur hypothèque à proportion élevée?

Puisqu’ils effectuent une mise de fonds de 12 500$, Maria et Jonathan emprunteraient 237 500$. À cette somme s’ajouterait l’assurance de la SCHL, calculée à un taux de 2,75%, soit 6 531$. Ils sont rendus à 244 031$ (237 500$ + 6 531$ = 244 031$). À un taux d’intérêt de 6% sur 25 ans, cela représente des mensualités de 1 561$. Si l’on additionne le remboursement du REER (70$ par mois), le montant global de l’hypothèque et du RAP se chiffre à 1 631$ par mois.

«Même si elle revient à 41$ de plus par mois que le RAP de 40 000$, cette dernière solution est nettement plus rentable, car elle préserve leurs REER», résume Marshall Johnson. Maria et Jonathan ont déjà 160 000$ dans leurs régimes de retraite. Ils y cotisent conjointement à hauteur de 100$ par mois. À ce rythme, ils auront accumulé plus de 470 000$ à 60 ans et 670 000$ à l’âge de 65 ans, si l’on tient compte d’un taux de croissance annuel de 7%. De plus, leur portefeuille hors REER de 20 000$ continuera de s’apprécier. Il devrait valoir 48 000$ dans 15 ans.

Maria et Jonathan sont satisfaits. Grâce au prêt hypothécaire à proportion élevée, ils peuvent devenir propriétaires sans mettre leur retraite en danger.

Mise à jour: octobre 2008

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