Certains tombent dans le piège du «Achetez maintenant, payez plus tard», d’autres font le choix d’une voiture plus luxueuse que leurs moyens ne le permettent. La vigueur du marché immobilier au cours de la dernière décennie peut aussi contraindre à acheter son nouveau logement à un prix plus élevé qu’anticipé, ou obliger à voir une grosse partie de ses actifs immobilisés dans la brique et le mortier. Une question tourmente alors l’esprit: «Comment donner libre cours à mes projets, sachant qu’un emprunt s’impose?» Pas de panique! Denis Doucet, directeur de la formation chez Multi-Prêts Hypothèques, et François Beauregard, planificateur financier et vice-président régional chez Gestion de patrimoine Assante, combinent leurs compétences pour apporter la meilleure réponse.
Toujours plus de retraités endettés
Un sondage du Groupe Investors soulignait déjà en 2010 que 56 % des Canadiens ne considéraient pas le remboursement de l’hypothèque comme un critère décisif pour partir à la retraite. Et, selon une enquête de la banque HomeEquity, l’endettement hypothécaire des personnes âgées de plus de 70 ans avait augmenté de 12 % en 2015 comparativement à 2013. Le solde hypothécaire moyen des Canadiens âgés de plus de 55 ans se situait d’ailleurs à 176 000 $ en 2015. «Or, le meilleur des scénarios est d’avoir une situation financière en ordre au début de la cinquantaine et de ne plus avoir d’hypothèque au moment de la retraite», affirmait alors Laurie Campbell, chef de la direction chez Credit Canada Debt Solutions.
Dans son rapport trimestriel Tendances du crédit hypothécaire et à la consommation, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dévoile également une conclusion troublante: au cours du quatrième trimestre 2016, le nombre total de prêts en souffrance a reculé… sauf dans le segment des 65 ans et plus. Cette tranche de la population afficherait le taux de prêts en souffrance le plus élevé de tous les groupes d’âge.
Contrairement à la croyance populaire, il n’y a effectivement pas d’âge limite pour emprunter. «Vous pourriez avoir 75 ans et signer une hypothèque avec un amortissement de 25 ans si votre situation personnelle et financière le permet», explique Denis Doucet. D’autres critères entrent en ligne de compte: votre cote de crédit est-elle en santé? Possédez-vous d’autres dettes à la consommation? Vos ratios d’endettement demeurent-ils dans les limites autorisées? «Le prêteur cherche avant tout un emprunteur ayant la capacité de payer, mois après mois: c’est ainsi qu’il s’assure d’une certaine rentabilité au fil du temps.» L’octroi et les modalités du prêt dépendent donc d’un ensemble de paramètres propres à chaque institution, dont le plus important demeure la réelle capacité de remboursement du débiteur.
Il n’est donc pas nécessairement plus difficile d’obtenir une hypothèque, du crédit ou un prêt à un âge avancé. Tout dépend de vos revenus et de leur origine: régime de retraite de l’employeur, Régie des rentes du Québec, rente viagère… «Les revenus importent bien davantage que l’âge», confirme Denis Doucet. La retraite entraîne généralement une diminution de ceux-ci, réduisant ainsi votre capacité d’emprunt. «L’idéal est d’effectuer vos demandes de crédit alors que vous bénéficiez encore d’un salaire régulier et que vous êtes en mesure de démontrer une certaine stabilité sur le marché du travail.» Mieux vaut dès lors ne pas attendre d’être à la retraite pour prévoir le crédit dont on pourrait avoir besoin.
Et une fois le montant du prêt hypothécaire déboursé, le prêteur ne peut pas refuser de renouveler celui-ci pour un autre terme. «À moins d’un défaut de paiement ou de retards dans le remboursement de la mensualité», nuance l’expert.
Réalisez votre projet
Quelles sont les solutions disponibles pour réussir à concrétiser votre projet malgré les obstacles associés à l’endettement?
-> Consultez un planificateur financier
Le mot d’ordre est de dégager des liquidités à votre budget. «Le planificateur financier est en mesure d’adresser tous les champs d’expertise (aspects légaux, assurances et gestion des risques, finances, fiscalité, placements, retraite et succession) de la planification financière personnelle», rappelle François Beauregard. Avant de prendre toute décision d’importance ou d’aller de l’avant avec un prêt substantiel, il est recommandé de le consulter. Une révision de votre plan financier s’imposera probablement. «Si vous diminuez par exemple votre facture fiscale en fractionnant vos revenus de retraite avec votre conjoint, l’impôt économisé pourra être redirigé vers un autre poste budgétaire.»
-> Refinancez votre résidence principale
«Il est fort probable qu’une certaine équité est immobilisée dans la valeur marchande de votre résidence principale», explique François Beauregard, qui siège aussi au conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF). Sous certaines conditions, vous pourriez être en mesure d’avoir accès à cette équité. «L’hypothèque n’est pas une mauvaise dette en soi. Vous pourriez, par exemple, refinancer votre maison sur une période de 25 ans.» Le contexte actuel de bas taux d’intérêt favorise d’ailleurs cette solution. Vous auriez ainsi accès à une partie de l’équité disponible pour concrétiser le projet en cours… mais vous devrez assumer de nouveau des paiements hypothécaires. D’où l’importance du budget. «Pour éviter de laisser des dettes à la succession, il est également toujours possible de recourir à une stratégie basée sur l’assurance vie.»
-> Optez pour une marge de crédit hypothécaire
La marge de crédit hypothécaire s’avère un produit de financement fort utile pour entreprendre des rénovations, consolider des dettes ou acheter une voiture. Il s’agit d’une marge de crédit pour laquelle le bien immobilier demeure en garantie. Elle permet aux propriétaires ayant remboursé plus de 20 % de leur hypothèque actuelle d’accéder à un crédit pouvant atteindre un maximum de 80 % de la valeur marchande de la propriété en question, soit 65 % en marge de crédit hypothécaire et la différence en taux fixe ou variable. Cette marge procure une grande liberté: l’emprunteur peut ne rembourser que les intérêts de la portion marge sans se soucier ni d’amortissement, ni d’échéance, ni d’acte notarié. «Oui, c’est une solution à envisager… mais avec prudence, avertit François Beauregard. Le titulaire sera-t-il capable de la gérer adéquatement? Ce produit ne se met pas entre toutes les mains.» Le danger? S’en servir comme d’un guichet automatique…
-> Osez l’hypothèque inversée
«L’hypothèque inversée, moins connue, est plus spécialisée. Consultez votre planificateur financier avant de vous lancer!» recommande François Beauregard. Par contre, cette option procure des avantages indéniables: elle offre la possibilité de conserver votre maison, d’y habiter sans avoir de mensualités hypothécaires à assumer et d’accéder à l’équité accumulée sur celle-ci. «Vous devez être âgé de 55 ans ou plus et, encore ici, il n’y a pas d’âge maximum pour y adhérer. Vous pourriez, par exemple, emprunter jusqu’à 55 % de la valeur de la propriété, et obtenir ainsi un montant global ou une rente mensuelle», ajoute Denis Doucet. Au décès du dernier propriétaire (au second décès dans un couple, donc), le liquidateur vend la maison, rembourse l’hypothèque qui aura pris de l’ampleur au fil du temps et conserve le solde de la vente au profit de la succession. Si la valeur de la propriété se révèle moindre que le montant de la créance en question, c’est le prêteur qui assume la perte.
-> Empruntez sur la valeur de rachat de votre contrat d’assurance vie
François Beauregard a constaté l’utilisation de cette stratégie à plusieurs reprises dans sa pratique. Vous possédez une assurance vie dont le capital-décès s’élève à 500 000 $? La valeur de rachat disponible s’élève, par exemple, à 100 000 $? Plusieurs institutions accepteront de faire une avance sur celle-ci, moyennant un taux d’intérêt fort raisonnable. Vous pourriez ainsi mettre la main sur ce 100 000 $, et l’emprunt serait remboursé à votre décès. En supposant que le solde du prêt atteigne 150 000 $ à ce moment-là, votre succession obtiendrait un chèque au montant de la différence, soit 350 000 $.
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