Note: Ce texte a été originellement publié à l’hiver 2022. Depuis, le taux du prêt entre conjoint (taux prescrit) a grimpé pour suivre les mouvements de la banque du Canada, et s’affiche, en avril 2023, à 4%.
On peut prêter ou donner de l’argent à notre conjoint ou notre enfant qui déclare peu ou pas de revenus, mais à certaines conditions. Quelles stratégies adopter pour que tout le monde en sorte gagnant? Dans certains ménages, les revenus des conjoints sont très différents. Prenons le cas de Mylène, 60 ans. Cette physiothérapeute gagne 100 000 $ par année et a des placements non enregistrés s’élevant à 200 000 $. Elle compte prendre sa retraite dans cinq ans. Jocelyn, son conjoint de 65 ans, est retraité et perçoit une rente de 20 000 $ par an. Ce dernier ne détient aucun placement hors du REER ou du CELI.
Taux fixé par l’ARC
Afin de réduire le fardeau fiscal du ménage, le couple envisage un prêt entre conjoints au taux prescrit. Ce taux fixé trimestriellement par l’Agence du revenu du Canada est passé de 2 % à 1 % l’an dernier. Il permet notamment de contourner les règles d’attribution liées aux revenus de placements en évitant qu’ils ne soient «réattribués» au donateur. «Idéalement, les revenus de ce ménage seraient équilibrés afin de réduire les impôts payés, dit Benoit Chaurette, fiscaliste et planificateur financier à Banque Nationale Gestion privée 1859. En d’autres mots, chacun gagnerait 60 000 $ plutôt que 100 000 $ et 20 0000 $.» Comme ce n’est pas le cas et que l’impôt est progressif au Canada, on souhaite transférer du revenu à la personne qui se situe dans une tranche de revenu imposable inférieure pour diminuer l’impôt global.
À chacun sa situation
Évidemment, chaque situation familiale est unique et une multitude de scénarios sont possibles. Si le prêt est plus important parce qu’on a beaucoup de placements non enregistrés, ou encore, si l’écart de revenu au sein du couple est plus grand, cette stratégie sera d’autant plus attrayante financièrement. Pensons à un conjoint qui n’a aucun revenu. Il faut donc s’asseoir avec son comptable ou un expert et faire des calculs.
«Avec un revenu de 100 000 $, le taux marginal d’imposition est d’environ 46 %, alors que celui du conjoint qui déclare 20 000 $ s’élèvera à 27 %, illustre Daniel Laverdière, directeur principal du Centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859. Cet écart permet de générer une économie d’impôt de près de 20 % si le couple parvient à fractionner ses revenus.» Autre point important: le rendement de 4 % est une hypothèse qui pourrait ne pas se réaliser à court terme. Tout dépend de comment sont investies les sommes prêtées. Ce rendement sera réaliste à long terme, mais pourrait varier d’une année à l’autre. Il est ici question d’un profil de risque équilibré (fonds équilibré).
PSV
On s’assure également que le conjoint recevant le prêt ne perde pas ses prestations de Sécurité de la vieillesse (PSV) ou d’autres aides fiscales. Finalement, le prêt pourrait nécessiter de réaliser du gain en capital pour le conjoint prêteur. Par exemple, si le montant prêté nécessite de vendre des actions ou des titres ayant du gain en capital accumulé important. On veut donc mesurer l’impact fiscal pour les deux parties et l’effet combiné pour le couple.
Le prêt, la meilleure solution?
Mais avant d’opter pour le prêt au taux prescrit, on s’assure que c’est la meilleure solution pour nous. «Il y a plusieurs façons de fractionner du revenu dans un couple, souligne Daniel Laverdière. Une fois à la retraite, il sera parfois plus simple de profiter du fractionnement des revenus de pension en produisant les déclarations de revenus.»
Le don
La personne qui gagne beaucoup plus que son compagnon pourrait aussi choisir de lui faire un don. Le conjoint pourrait avec cette somme payer des dépenses de tous les jours. «Cela se complique cependant lorsqu’on souhaite investir ce montant, met en garde Benoit Chaurette. Des règles d’attribution vont alors s’appliquer et les revenus réalisés sur les placements devront être ajoutés aux déclarations de revenus de la personne qui a fourni l’argent.»
Cotisation au REER
Cotiser au REER de son conjoint est aussi une option intéressante si Mylène a des cotisations non utilisées. Cela lui permettra de réduire son revenu imposable, mais ces sommes vont croître dans le REER de Jocelyn. Si le couple est en union libre, c’est un don et Jocelyn conserve son REER entièrement en cas de séparation ou de décès, à moins qu’il ne soit spécifié autrement dans un contrat de vie commune ou dans le testament. Pour des gens mariés, le REER fait partie du partage du patrimoine familial.
Cotisation au CELI
Par ailleurs, Mylène pourrait faire un don à son conjoint afin qu’il cotise à son CELI. Si Jocelyn ne l’a jamais fait, il pourra y déposer jusqu’à 75 500 $ en 2021 (maximum cumulatif). Selon le régime matrimonial et en cas de divorce, il pourrait y avoir un partage des cotisations versées après le mariage. C’est le cas si on a choisi la société d’acquêts. Dans un régime de séparation des biens, chacun garde son CELI. Les montants déboursés par Mylène pour le CELI de Jocelyn deviennent donc un don. Même chose s’ils sont conjoints de fait.
Documenter le prêt
En allant de l’avant avec un prêt au taux prescrit, on s’assure de faire le tout selon les règles de l’art. «On doit penser à ce qui pourrait survenir en cas de séparation ou même de décès du conjoint», avance Benoit Chaurette. On peut rédiger l’entente nous-mêmes, mais, pour ne rien oublier, mieux vaut que le document soit notarié. On y précise, par exemple, le délai de remboursement. Est-ce un prêt à demande ou lors du décès seulement?
«Une fois le prêt établi au taux prescrit de 1 %, ce taux est bon à vie, même s’il devait augmenter par la suite», rappellent les experts de Banque Nationale Gestion privée 1859. On pourra donc conserver ce taux de 1 % pour la durée du prêt. On a par ailleurs jusqu’au 30 janvier de l’année suivante pour payer les intérêts à notre conjoint. Finalement, on souhaite garder chaque année une preuve de paiement et de réception de ces intérêts pour l’impôt. «Pour déduire ce montant d’intérêt à des fins fiscales, je dois pouvoir retracer la dépense, dit Daniel Laverdière. Et je m’assure également que les placements sont bien effectués dans un compte non enregistré à part.»
Et nos enfants?
Dans le cas d’un enfant adulte, le prêt au taux prescrit n’est pas toujours nécessaire à moins que le principal motif du parent ne soit de faire un prêt afin de réduire son impôt ou d’éviter d’en payer. «Si on donne à son enfant majeur pour l’aider à rembourser ses prêts étudiants, pour cotiser à son CELI ou faire des investissements, mais sans intention de récupérer les sommes, on n’a pas à faire de prêt», recommande Benoit Chaurette. Dans le cas d’un enfant mineur, le don entraînera l’application des règles d’attribution. On pourrait alors souhaiter faire un prêt au taux prescrit à son enfant de moins de 18 ans. «Il faudra mettre en place une fiducie au bénéfice de l’enfant mineur. Les coûts de mise en place et d’administration seront plus importants. Le prêt doit alors s’élever à quelques centaines de milliers de dollars.»
Bien intéressant.
Merci
Intéressant! Il y a matière à réflexion. Tous ces aspects de la vie du particulier revêtent une très grande importance. «Aider judicieusement!»
Bien contente pour ces exemples qui gagnent 100 000$, mais déçue de voir que seule cette catégorie fait la une? La grande majorité effectivement n’est pas de ce groupe donc c’est frustrant de lire que tu n’as pas assez. Donc ces articles (tous QC/GC) répondent rarement à nos réalité. Oui, il y a pauvreté (25000$ et moins), mais majoritairement les 35 000$ seul(e), que nous reste-t-il? Parlez de NOUS!
C’est intéressant mais faut un gros revenu pour aider le conjoint ou la conjointe moins bien nantis. A ce moment- là vaut mieux vendre son duplex pour aller payer plus cher dans un immeuble à logements, aucune idée.