Immobilier: méfiez-vous des ventes à 1$

Immobilier: méfiez-vous des ventes à 1$

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Charles est un père attentionné. Propriétaire d’un chalet dans la région de Lanaudière, il veut vendre celui-ci à sa fille Nicole pour que cette dernière puisse profiter de la beauté du site avec sa petite famille. Comme Nicole n’est pas très fortunée, il songe à lui faire un prix qui défie toute concurrence. «Je veux lui demander la somme symbolique de 1$», nous écrit ce lecteur de longue date. 

Située au bord de la rivière Blanche, cette résidence secondaire a doublé de valeur au fil du temps. Charles l’a payée 120 000$ au début des années 1990. Sa juste valeur marchande (JVM) est estimée aujourd’hui à 232 000$. Si Charles vendait le chalet à ce prix, sa note d’impôt pourrait atteindre 22 400$, compte tenu de son taux d’imposition actuel de 40%. Grosse facture! se dit l’homme. Charles fait le raisonnement suivant: «La vente à 1$ permettrait à ma fille d’acquérir facilement une superbe propriété qui resterait dans la famille. De mon côté, le gain en capital serait nul, de sorte que je ne paierais pas d’impôt. C’est une bonne idée, non?» 

Eh bien non, justement, répond Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins. «En matière de transfert de biens à des personnes liées, les règles fiscales sont strictes», dit l’experte. 

Avant d’aller plus loin, précisons qu’aux fins de l’impôt: 

  • les «transferts de biens» incluent les dons et les ventes; 
  • les personnes liées regroupent beaucoup de monde: vos père et mère (et leurs autres conjoints éventuels), vos fils et filles et vos frère et soeurs (et leurs conjoints). Si vous avez un conjoint, les personnes qui lui sont liées sont considérées comme liées à vous également; 
  • les transactions entre personnes liées peuvent être révisées par les autorités fiscales si le prix convenu (ici, 1$) est jugé dérisoire et sans rapport avec la JVM du bien transféré. 

Double imposition 

Donc, si Charles va de l’avant avec sa vente à 1$, que se passera-t-il? Que du mauvais. En effet: 

  • Le fisc traitera la vente comme si elle avait été conclue à la JVM de 232 000$. Or, comme Charles n’a reçu que 1$, son gain en capital sera de 231 999$, au lieu de 112 000$. En tenant compte du taux d’inclusion de 50% et de son taux d’imposition de 40%, Charles aura un impôt de 46 400$ à payer. C’est plus du double de la «grosse facture» prévue pour une vente normale à la JVM! 
  • De son côté, Nicole sera pénalisée si elle décide de vendre le chalet à son tour. Pourquoi? Parce qu’elle aura acquis le chalet pour 1$. Si elle le vend trois ans plus tard 250 000$, par exemple, son gain en capital sera de 249 999$, imposable à 50%. Dans sa déclaration de revenus, elle devra inscrire un gain imposable de 125 000$ et payer l’impôt en conséquence. Au taux de 40%, c’est 50 000$! Elle regrettera sûrement d’avoir procédé à une telle transaction. 

Donner le chalet?

Pourquoi pas? «Tant qu’à faire, je suis aussi bien de donner le chalet à ma fille», dit Charles. Pourquoi pas? En effet, les dons faits à des personnes liées sont réputés être effectués à la JVM, fait remarquer la spécialiste. Voici ce que cela signifie: 

  • Charles inscrirait dans sa déclaration de revenus un gain en capital imposable de 56 000$ ([232 000$ – 120 000$] x 50%). Au taux d’imposition de 40%, cela représenterait un impôt à payer de 22 400$. Qu’il vende ou qu’il donne son chalet, cela revient au même du point de vue fiscal. 
  • Quant à Nicole, le fisc tiendra pour acquis qu’elle a obtenu le chalet à la JVM, soit à 232 000$. Si elle le vend trois ans plus tard 250 000$, son gain en capital sera de 18 000$, imposable à 50%. Dans sa déclaration de revenus, elle inscrira un gain imposable de 9 000$ (18 000$ x 50%) et devra payer un impôt de 3 600$ (au taux de 40%). Voilà qui est plus sensé. 

Vente ou don, Charles doit accepter le fait qu’il devra payer de l’impôt sur le gain en capital. Évidemment, s’il désigne le chalet à titre de résidence principale pour les années au cours desquelles il en a été propriétaire, il pourra réclamer l’exemption pour résidence principale. Mais il calcule que ça ne vaut pas la peine, compte tenu de sa situation. 

Conclusion? «Lorsqu’il est question de résidences secondaires et de personnes liées, dit Mme Iermieri, il est toujours recommandé de réaliser les transactions à la JVM afin d’éliminer des conséquences fiscales aussi imprévues qu’indésirables.» 

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