«Mon fonds de pension me permet amplement de subvenir à mes besoins. Mais au bout de 18 mois de retraite, j’ai trouvé très difficile de regarder tourner de loin la grande roue de la vie», résume-t-il. Son salaire lui permet de s’offrir de petites douceurs, mais la principale raison de son choix, c’est le goût des autres. «Je rencontre des gens et j’ai une vie sociale bien remplie. À moins de tomber malade, je n’envisage pas de reprendre ma retraite», affirme-t-il.
Tendance au retour
La «liberté 55» est souvent de courte durée, car bien des aînés décident de faire comme Jean-Pierre Perron. Quelque 100 000 personnes de 65 ans et plus occupent un emploi au Québec, généralement à temps partiel. Et le quart des retraités qui n’occupent pas d’emploi désirent retourner sur le marché du travail.
«Après une période d’euphorie durant les deux premières années de leur retraite, de nombreux aînés déchantent. Leur retour en emploi est très fréquent à ce moment charnière, et pas nécessairement dans le même domaine d’emploi», précise Karine Genest, directrice des programmes au Réseau FADOQ. Les principaux motifs de retour au travail invoqués par les aînés? Rester actif mentalement (71%) et demeurer en contact avec des gens (63%). La question financière vient en troisième lieu (61%).
Cette vague de têtes grises au boulot est en bonne partie due à la pénurie de main-d’œuvre observée dans plusieurs secteurs d’activité, comme le commerce de détail.
«Les gens vont aussi vers des travaux reliés à leur passion, que ce soit la couture, le bricolage ou l’horticulture», indique Karine Genest. Dans le domaine financier, les retraités se convertissent généralement en représentants de produits financiers. Ceux qui travaillent dans le secteur de l’éducation font de la suppléance, corrigent et surveillent des examens ou élaborent des plates-formes pédagogiques en tant que consultants.
Les aînés en demande
Depuis 2001, la présence des travailleurs de 50 ans et plus a augmenté de façon marquée. Les changements démographiques sont pour quelque chose dans cette petite révolution. La population vieillit, et le marché du travail aussi: dans 25 ans, la proportion de gens ayant plus de 65 ans grimpera à 27%. Plafonnant depuis des lustres, le taux d’activité des personnes de 54 à 65 ans, qui était de 41% en 1996, est passé à 52% en 2006. Et les travailleurs de 55 ans et plus, qui occupaient 9% des postes auparavant, représentent maintenant 14% de la main-d’œuvre au Québec.
Non seulement les aînés décident-ils de prolonger leur période de travail au-delà de l’âge de la retraite, mais un cinquième d’entre eux retourne sur le marché du travail à titre de salarié à temps partiel, de contractuel ou de travailleur autonome après la retraite. «Cette tendance est appelée à s’accentuer au cours des prochaines années», soutient Tania Saba, professeure en relations industrielles à l’Université de Montréal.
Des retraités de qualité
Les commerces accueillent les aînés à bras ouverts non seulement pour combler un manque de personnel, mais aussi à cause des qualités exceptionnelles qui leur sont attribuées. Même si Wal-Mart n’a pas de politique spécifique à l’égard des 50 ans et plus, l’entreprise se montre très intéressée à cette catégorie de personnel.
Les baby-boomers constituent de fait la moitié de la masse salariale du géant de la vente au détail au Canada. Même les travailleurs de 63 à 75 ans, qui représentent environ 10% du personnel, sont convoités par la firme. «Les valeurs des gens de la génération née entre 1933 et 1945, que l’on appelle les traditionalistes, collent bien avec les nôtres: loyauté, discipline, rigueur et sens du devoir», explique Yannick Deschênes, porte-parole de Wal-Mart au Québec. La compagnie est d’ailleurs considérée comme le neuvième meilleur employeur canadien auprès des gens âgés de 50 ans et plus, selon le Workplace Institute.
Des employés en or
Chez Rona, l’apport des aînés est également fort apprécié. «C’est vers eux que se dirigent spontanément la plupart de nos clients, misant sur leur expérience», indique Alain Germain, gérant chez Rona L’entrepôt à Place d’Anjou, à Montréal. «Ils ont des qualités importantes, comme la fiabilité, la maturité, de très bonnes compétences en service à la clientèle, la flexibilité et la diversité», souligne Tina Peyregatt, porte-parole de Home Depot à Toronto. Actuellement, les employés de 50 ans et plus représentent 25% du personnel de cette chaîne.
Les aînés font aussi partie de la stratégie de recrutement des restaurants Tim Hortons. «Chaleureux et amicaux, ils traitent la clientèle comme des membres de leur famille. Ça concorde parfaitement avec notre image de marque», assure Rachel Douglas, directrice des relations publiques chez Tim Hortons. La compagnie leur offre, entre autres choses, des salaires concurrentiels, des horaires flexibles, des services de santé et des bourses d’études pour leurs petits-enfants.
Retraite progressive
Afin de prévenir la pénurie de main-d’oeuvre et de garantir un meilleur transfert des connaissances des travailleurs expérimentés, les gouvernements ont commencé à bouger. La retraite progressive est le sujet de l’heure. Québec compte adopter une loi à ce sujet dès maintenant pour permettre aux travailleurs de rester plus longtemps sur le marché du travail, sans perdre les avantages de leur régime de retraite. Le gouvernement fédéral a déjà pavé la voie à cette mesure en proposant, dans son budget de mars 2007, l’élimination des principaux obstacles fiscaux à la retraite progressive à compter du 1er janvier 2008.
Depuis 1990, les travailleurs québécois et canadiens n’ont plus l’obligation de prendre leur retraite à 65 ans. En Ontario, cette loi n’a été modifiée qu’en novembre 2006. Par ailleurs, le Régime de rentes du Québec a assoupli ses exigences : quelque 40 000 salariés de la fonction publique âgés de 55 à 70 ans peuvent, depuis le 1er janvier 1998, réduire leur temps de travail sans être pénalisé au chapitre de leur caisse de retraite.
Les entreprises ont également réagi. Certaines d’entre elles ont fait des ajustements pour permettre aux gens de travailler à mi-temps. Quelques employeurs, comme la Banque Nationale du Canada, négocient au cas par cas avec leur personnel la possibilité de réduire le nombre d’heures travaillées par semaine. Malheureusement, estime le Réseau FADOQ, ces pratiques sont encore trop peu répandues ici.
Mise à jour: septembre 2008
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