Fêter mes 50 ans en Indonésie

Fêter mes 50 ans en Indonésie

Par Caroline Fortin

Crédit photo: iStock

Souligner mon demi-siècle par une première visite en Asie? Un cadeau à moi de moi!

Pour mes 40 ans, j’ai réalisé, avec mon amoureux de l’époque, un de mes rêves de longue date: voir l’Islande. Dix ans plus tard, nous n’étions plus un couple, mais les meilleurs amis du monde (oui, ça se peut). Comment marquer le jalon de nos 50 ans? Alex l’aventurier, lui, avait décidé de s’offrir un an en Asie du sud-est. J’ai opté pour un plan moins radical : le rejoindre en Indonésie trois semaines. Sur l’île de Lombok plus précisément, voisine de celle de Bali, mais beaucoup moins envahie par le tourisme.

Petits chocs culturels

Près de 24 heures dans les airs et 15 heures d’escale plus tard (!), j’atterrissais à Denpasar, fourbue. Ne me restait qu’un petit vol intérieur le lendemain. Pour éviter la cohue, j’avais pris le pari de visiter Lombok en avril, mois de transition entre la saison des pluies et la saison sèche. Premier choc: l’hu-mi-di-té. Je n’ai jamais autant sué de ma vie! Au moins, mes chaleurs de préménopausée passaient inaperçues.

Mon deuxième: le coût de la vie. Un repas (délicieux) vaut en moyenne 5$ dans les warungs, ces petits restos familiaux qu’on rencontre partout – ne pas se fier à leur apparence et, en cas de doute, manger végé! Notre plus long trajet en taxi, deux heures incluant le ferry pour deux, 45$. Ce qui coûte affreusement cher, ici, c’est l’alcool. Contrairement à Bali, majoritairement hindouiste, Lombok est peuplée à environ 85% par les Sasak, de confession musulmane. Les taxes sur les vins et spiritueux sont donc très élevées. Cela veut aussi dire que les journées sont modulées par les cinq appels à la prière quotidiens. Et comme on la surnomme «l’île aux mille mosquées», il n’y a pas un endroit où on ne les entend pas, à part peut-être au sommet du mont Rinjani, deuxième volcan le plus élevé d’Indonésie.

On s’y habitue et sinon, on adopte les bouchons pour la nuit!

Il est là, le bonheur

Quand on ne veut pas louer un scooter (ce que déconseillent d’ailleurs certaines compagnies d’assurances), la meilleure manière de se déplacer se nomme Grab ou Gojek, des applications qui fonctionnent comme Uber sauf qu’on peut aussi commander un chauffeur sur deux roues. Pour notre première semaine à Kuta, ville de surfeurs où on peut autant jouir de croissants et lattés à l’avoine que de poisson grillé frais du jour, on a fait la tournée des plages.

À Mawun Beach, un croissant bordé de montagnes verdoyantes, il y avait exactement dix personnes qui lézardaient comme nous au soleil… en excluant les enfants vendeurs de babioles. À Tanjung Aan, on a admiré, exaltés, la vue sur l’eau cristalline depuis le gros rocher. J’y ai mangé mon premier nasi goreng (riz frit) au warung Bum Bum Beach de notre nouvel ami Lam. En plus d’enseigner le surf, il était le chauffeur attitré de notre homestay, qui désigne les établissements tenus par des habitants. Déjeuner de papaye fraîche sur notre terrasse, face à des héliconias éclatants et une végétation luxuriante? Pure félicité.

Party!

L’un des imprévus les plus magiques de ce voyage a été la fin du ramadan, attendue depuis plusieurs jours par nos hôtes, qui ont fait éclater des feux d’artifice rudimentaires dès son annonce par le gouvernement de Jakarta. Ce soir-là, dans les rues, on a eu droit à des chars allégoriques tonitruant «Allahu akbar» (dont un sur un rythme disco!), des processions d’enfants avec des bâtons lumineux, le tout entrecoupé de mobylettes et de voitures qui circulaient à travers la parade! Un spectacle aussi chaotique qu’inoubliable.

Au matin, après la prière, Lam m’a gentiment offert un curry de bœuf épicé cuisiné par sa mère.

On s’est ensuite dirigés vers la capitale, Mataram, et c’est là que notre imprévoyance a blessé. Pendant Idul Fitri, c’est comme à Noël chez nous: tout est fermé. Les Indonésiens se parent de leurs habits traditionnels et prennent la route pour célébrer avec leur famille. Notre chauffeur nous a demandé si on acceptait de voyager avec sa femme et ses deux filles, et nous a remerciés en faisant jouer ses meilleurs hits locaux. J’ai donc dû mettre une croix sur le poulet taliwang de cette ville réputée pour sa cuisine de rue, et goûter au poulet frit du McDo (étonnamment succulent). Ma consolation culinaire: la découverte du bubur ayam au buffet déjeuner de notre hôtel, une bouillie de riz arrosée d’un fabuleux bouillon et garnie d’arachides, de poulet émincé et d’herbes.

Il ne nous restait qu’à arpenter les rues désertes, observer les gens qui honoraient leurs morts au cimetière et flâner au palais d’eau de Mayura, construit en 1866 en guise de jardin pour le roi.

Gagas à Senggigi et aux îles Gili

Pour Alex, qui voyageait avec un budget de 40$ par jour depuis six mois, nos trois nuits au Rajavilla, à Senggigi, déjeuners et piscine à débordement compris (375$), ont pris des airs de séjour royal. Le soir, on descendait sur la plage admirer le soleil se coucher sur le volcan Agung, sirotant une Bintang fraîche en se trouvant pas mal chanceux. Pas autant que les ados qui, le lendemain à Nipah Beach, où nous étions les seuls Blancs, ont cru prendre des vedettes d’Hollywood en photo! «Oh my god!» ont-ils lancé après nous avoir demandé la permission de poser à nos côtés.

Après une traversée d’une vingtaine de minutes en bateau depuis le port de Bangsal, on débarquait sur Gili Air, l’une des trois îles de ce chapelet où les véhicules à moteur sont bannis. Les rues sont en terre battue, les gens, souriants, et le snorkeling, hallucinant ! J’ai pu dire bonjour à ma première tortue à bec de faucon. Et plus tard, déguster de la cuisine locale à proximité de poules en cage… Sur Gili T, la plus animée, pendant qu’on faisait le tour à pied, un double arc-en-ciel a traversé un ciel menaçant qui contrastait magnifiquement avec l’eau turquoise.

Là où il fait «frais»

Chaque fois qu’on disait conclure notre voyage à Tetebatu, on se faisait répondre: very beautiful, but very cold! De la musique à mes oreilles (en sueur). Quelle ne fut pas notre surprise de constater que froid, ici, voulait dire 28o Celsius au lieu de 33! C’est qu’on est en région montagneuse, où les plages cèdent le paysage aux rizières et cultures d’oignon, choux, carottes, piments.

Au bien-nommé Les Rizières Lombok, charmant hôtel tenu par des Français, on avait pour voisins de terrasse un bananier, un avocatier et un arbre de la passion. Quelques portes à côté, le tenancier du warung nous a montré des gousses de vanille immatures et expliqué que les riziculteurs font sécher les grains en pleine rue, et que c’est la décortiqueuse qui vient à eux, pas l’inverse. C’était donc pour cela qu’en route vers le village de Sembalun, notre chauffeur fan de Bon Jovi n’a pas hésité à rouler sur les grains (mais pas sur les singes)!

La machine à décortiquer n’était pas encore passée… S’il y a une chaleur loin de m’accabler, toutefois, c’est celle qui enveloppe mon cœur quand je repense à tous ces moments, ces scènes pastorales, ces panoramas à couper le souffle, ces gens qui ont pris le temps de nous jaser, ces plats savoureux, même ces quelques heures de pluie qui ont ponctué notre séjour. Je m’en suis sortie sans piqûres de moustique, mais avec la piqûre de l’Asie!

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