À Montjean-Sur-Loire, petit village de 2650 âmes, en aval d’Angers, dans la Loire, Jean-Patrick Denieul est l’un des derniers pêcheurs d’anguilles sur ce fleuve. Comme la pêche ne fait pas vivre son homme, Jean-Patrick emmène les visiteurs sur son bateau pour leur raconter l’histoire de son village, autrefois deuxième port de Loire, pour leur montrer les anciens fours à chaux et les vieilles gabares… «Voici le dernier fleuve sauvage d’Europe, dit le capitaine. Et il est toujours vivant.»
Vivant, mais protégé car, depuis peu, la partie centrale du fleuve – 280 km entre Sully-sur-Loire et Chalonnes-sur-Loire – est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. C’est sur un bateau comme celui que pilote Jean-Patrick Denieul que se laisse découvrir le grand fleuve qui coule paresseusement le long des villages aux maisons de tuffeau blanc, croisant au passage châteaux, forteresses, vignobles…
Angers: le patrimoine
Les trois principales villes de l’Anjou, Angers, Cholet et Saumur, dessinent une sorte de triangle sur le territoire.
Arrêtons-nous d’abord à Angers, capitale de l’Anjou, plantée devant la Maine avec son château médiéval bariolé de schiste gris et de tuffeau clair. Entouré d’une muraille de 1 km de long et décoré de 17 tours rondes, ce château construit au XIIIe siècle abrite la tenture de l’Apocalypse, à nulle autre pareille, avec ses 76 tableaux totalisant 130 m de long par 5 m de haut. Ce chef-d’œuvre du patrimoine mondial, inspiré d’un texte du manuscrit de saint Jean, aurait été tissé au XIVe siècle, pendant 7 années consécutives, mais a connu un parcours mouvementé à partir du XVIIIe siècle; la tapisserie fut taillée en morceaux pour servir de torchons à toutes sortes de corvées jusqu’à ce qu’elle soit sauvée par un moine qui mit 14 ans à la reconstituer et à la restaurer.
Ville des rois Plantagenêts qui se sont consacrés au développement des arts et des lettres, Angers est une belle ville patrimoniale qu’il est agréable de découvrir à pied. Le quartier de la Doutre sur les rives de la Maine, avec ses rues pavées et ses trésors architecturaux, l’Hôtel des Pénitentes, la cathédrale Saint-Maurice avec ses vitraux datant du XIIe siècle jusqu’au XVe siècle, comptent parmi ses plus beaux lieux.
La Place du Ralliement, qui contraste avec les quartiers médiévaux, est l’endroit animé de la ville avec ses boutiques, cafés, restos, théâtres… sans oublier les nombreux parcs qui enveloppent la ville de fraîcheur. C’est à Angers que la famille Cointreau fabrique, depuis quatre générations, ce réputé nectar à saveur d’orange qui fut un temps boisson des rois. Dans la salle des alambics qui a conservé son lustre cuivré depuis les débuts de l’entreprise il y a un siècle et demi, on fabrique annuellement jusqu’à 15 millions de litres de cet alcool.
Cholet et Saumur
Cholet: le mouchoir rouge
Plus au sud, la ville de Cholet n’a pas ce caractère patrimonial, mais elle est dominée par l’étonnante cathédrale Sacré-Cœur en forme de croix et couronnée d’une coupole; l’intérieur est décoré de fresques impressionnantes. Cholet est la capitale du textile et la capitale des événements de la guerre de Vendée, survenue après la Révolution Française (la ville a été brûlée quatre fois, si bien que les bâtiments anciens sont rares).
Mais qu’est-ce donc qui a fait la renommée de Cholet? Un mouchoir rouge. «Le mouchoir est à Cholet ce que la porcelaine est à Limoges», soutient Pascal Guillon, le seul tisserand à fabriquer le mouchoir rouge, au Musée du textile de la ville. On apprend que, pendant les événements de la guerre de Vendée, un chef vendéen portait sur lui trois mouchoirs blancs pour se faire reconnaître de ses hommes. Mais ces mouchoirs furent bientôt une cible pour les balles et le blanc se tacha de rouge…
Saumur: perle de l’Anjou
Dominée par la silhouette élégante de son château, qui se dresse devant la Loire, la ville de Saumur, avec ses maisons en pierre de tuffeau blanc et ses toits d’ardoise, est sûrement la plus charmante de l’Anjou. D’ailleurs, ces toits d’ardoise ont inspiré à un artiste confiseur de la région les Quernons d’ardoise, une nougatine enrobée d’un chocolat bleu. Prenez le temps de visiter le vieux quartier de la ville qui s’étale au bas du château, avec ses pavés de pierres et ses maisons à pans de bois.
Ville protestante au temps des guerres de religions, Saumur, que l’on nomme «perle de l’Anjou», est aussi la capitale du cheval. Elle est réputée pour son École nationale d’équitation, dont les origines militaires remontent à la fin du XVIe siècle, et son prestigieux Cadre Noir, qui constitue le corps enseignant de cette école. On y forme plus de 2000 cadres supérieurs de l’équitation à travers le monde. Le public peut visiter cette école, qui héberge 400 chevaux et compte près de 50 km de pistes.
C’est aux environs de Saumur que s’élève l’abbaye de Fontevraud, la plus grande d’Europe, fondée selon la règle bénédictine au début du XIIe siècle. Sa particularité? Elle était mixte et dirigée par une femme! Trente-six abbesses, dont la majorité de sang royal, se sont succédées à sa tête. Cette abbaye constituait une véritable cité, avec ses prieurés, chapelles, églises et sa cuisine romane octogonale, qui demeure le bâtiment le plus intrigant de l’ensemble. Au début des années 1800, Napoléon transforma Fontevraud en prison, laquelle conservera ce statut jusqu’en 1963.
La vie de château
Châteaux et manoirs pullulent dans la région d’Anjou, qui en compte pas moins de 1200, dont plusieurs habités par la même famille depuis des siècles. Certains châtelains ouvrent leur demeure au public. Ainsi, on pourra séjourner chez le duc de Brissac, qui habite le plus haut château de France, un palace de 7 étages et 204 pièces, entouré d’un magnifique parc de 70 hectares planté d’arbres centenaires et de vignobles. Ce château a été acquis en 1502 par René de Cossé, premier seigneur de Brissac, qui l’a légué aux générations suivantes; chacune l’a enrichi de meubles, de portraits de famille et d’objets rares. On peut dormir dans deux suites et deux chambres historiques, dont la chambre du roi Louis XIII, celle-là même, dit-on, où il serait venu se réconcilier avec sa mère, Marie de Médicis. On peut aussi y prendre le dîner dans les cuisines médiévales.
À Brézé, à quelques kilomètres au sud de Saumur, on visite le château du même nom, habité par la même famille depuis le Moyen Âge. On peut faire la visite du vaste réseau de souterrains creusés sous le château, y déjeuner et apprécier les grands vins de Saumur fabriqués sur place.
À proximité de Cholet, dans la commune de Maulévrier, le château des Colbert, dessiné à l’origine par le grand architecte du palais de Versailles, est devenu un haut lieu de la gastronomie. On peut y dormir dans des chambres au charme classique, s’offrir un délicat repas dans la majestueuse salle à manger et s’adonner à la méditation dans le parc oriental, construit selon les principes du yin et du yang et réunissant plus de 300 espèces végétales, des pagodes, des étangs surmontés de petits ponts et même un temple khmer. Les Japonais eux-mêmes l’ont reconnu comme étant le plus grand jardin de style japonais d’Europe.
Vignobles et troglodytes
Vignobles et troglodytes
Évidemment, qui pense France pense bons vins. Le vignoble d’Anjou est le plus grand vignoble du Val de Loire, troisième vignoble de France: 20000 hectares de vignes, 110 millions de bouteilles par an et 29 appellations d’origine contrôlées. La Route touristique du vignoble de l’Anjou, un circuit de 170 km, permet de découvrir les différents producteurs. Les vignobles de Savennières, plantés sur la rive droite de la Loire, comptent parmi les plus prestigieux de la région.
Arrêtez-vous au domaine du Closel, au romantique château des Vaults: ils sont gérés par des femmes qui, depuis quatre générations, partagent avec les visiteurs leur amour du vin. À Saumur, certains producteurs élaborent des vins aux fines bulles selon la méthode traditionnelle dans des caves creusées dans le tuffeau. À l’origine occupées par une abbaye de moines, les caves Bouvet-Ladubay, notamment, sont constituées de 8 km de galeries où l’on produit aujourd’hui le Saumur brut.
D’ailleurs, l’Anjou possède la plus grande concentration de troglodytes d’Europe; durant des siècles, coteaux et falaises calcaires des bords de Loire ont été creusés pour fournir aux architectes la pierre de tuffeau devant servir à la construction de maisons et de châteaux. C’est ainsi que s’est développé tout un réseau de caves et de souterrains que les habitants de la région ont décidé d’occuper. Aujourd’hui, ces habitations troglodytes abritent restaurants, chambres d’hôte, ateliers d’artistes, cultures de champignons, une autre des spécialités de l’Anjou.
On ne saurait visiter cette région traversée de plusieurs rivières sans s’offrir une balade en bateau. Autrefois réservées au commerce, les rivières de l’Anjou servent maintenant à la navigation de plaisance. La Sarthe, la Mayenne et l’Oudon offrent près de 300 km d’eau navigables. Il est possible de louer une pénichette pour une journée, un week-end ou une semaine et de visiter l’Anjou à 10 km/h! On emporte des vélos à bord et l’on s’arrête dans les villages pour faire connaissance avec les habitants, acheter des provisions, s’offrir un repas dans une guinguette au bord de l’eau. Facile: on n’a même pas besoin de permis pour naviguer!
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Où loger
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Des vins à rapporter
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