Voici trois exemples où des gestes nobles peuvent se retourner contre leur généreux donateur.
1 – Disparition des revenus d’intérêts
Veuve avec deux adolescents à sa charge, Louise, 46 ans, vit modestement. Elle travaille sur appel dans une clinique de santé privée. Elle arrondit ses fins de mois avec les revenus d’intérêts générés par un montant d’assurance vie de 100 000$ reçu à la suite de la mort de son mari. Cet argent est investi, à 3,5% d’intérêt, lui rapportent donc 3 500$ par année.
Son père, Francis, a décidé de se gâter et d’acheter un voilier de 100 000$. La dépense d’une vie! Pour financer l’achat, il a tout d’abord consulté son banquier qui lui a proposé un prêt à terme portant intérêt à 6,5% par année. Intéressant. Puis, cette idée lui est venue: plutôt que la banque, si c’était Louise qui me finançait? Je la rembourserais à un taux de 6,5% par année. Pour moi, ça ne fait pas de différence, financièrement parlant, et j’aurai le plaisir d’aider ma fille. Louise, en revanche, recevrait 3 000$ de plus par année, car son capital de 100 000$ générerait 6,5% au lieu de 3,5% d’intérêt. Affaire conclue. Louise encaisse ses placements, prête l’argent à Francis. Puis il la rembourse chaque mois, capital et intérêt compris. Un baume pour le budget de Louise!
C’est au cours d’une vérification de routine que Louise s’est fait pincer par l’Agence du revenu du Canada. Par le passé, elle joignait à sa déclaration de revenus les feuillets T5 qu’émettait l’institution où elle avait ses placements. Mais comme Francis ne lui envoie pas de T5, elle n’a pas pensé à inclure les intérêts dans ses revenus. Un vérificateur curieux a remarqué l’absence des documents. Il a jeté un coup d’oeil à la ligne 121 (revenus d’intérêts) des dernières déclarations de Louise, où elle avait l’habitude d’inscrire ses revenus d’intérêts. Rien. Bizarre, ça…
«J’ai fait l’objet d’une vérification fiscale. On m’a demandé depuis combien de temps cette entente était en vigueur, pourquoi je n’avais pas déclaré les intérêts, si j’avais une copie du contrat, et quoi encore!» Dépassée, Louise a appelé son père à l’aide. Celui-ci a eu fort à faire pour régulariser la situation. Il a dû consulter un comptable qui lui a facturé 275$. Cette histoire s’est soldée pour Louise par une nouvelle cotisation d’impôt accompagnée d’intérêts sur le montant d’impôt impayé. L’entente n’était pas illégale. Mais de ne pas déclarer les intérêts, ce l’était. Louise et Francis auraient pu continuer leur arrangement en respectant les règles fiscales. Échaudée, Louise a toutefois préféré laisser tomber et retourner avec son institution financière.
Les règles d’attribution
2 – Les règles d’attribution
Autre situation problématique d’un point de vue fiscal. Céline est la grand-mère de Luc, qui a 17 ans. Celui-ci travaille fort l’été, car il projette de s’acheter une auto. Pour l’encourager, Céline lui prête 8 000$. «Je ne te demande pas d’intérêts. Tu me remettras l’argent quand cela te conviendra.» Comme Luc a l’intention de se procurer son véhicule dans 1 an, il dépose ces 8 000$ dans un compte bancaire à intérêt élevé qui produit 4% par année, soit 320$ d’intérêts.
Lorsqu’elle a rencontré son comptable, Céline a appris que les 320$ qu’a touchés Luc devaient être inclus dans ses revenus à ELLE. Pourquoi pas dans ceux de Luc? Pour trois raisons:
- Elle a prêté de l’argent à un taux réduit.
- Une personne mineure qui lui est liée (son petit-fils) a reçu cet argent.
- Cette somme a généré un revenu d’intérêt.
Lorsque toutes les raisons sont réunies, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que le revenu doit être attribué au prêteur. C’est ce que l’on appelle, justement, les «règles d’attribution».
Ces règles spéciales ont été instaurées afin d’éviter le fractionnement à outrance des revenus. Chaque citoyen étant tenu de payer sa juste part d’impôt, les autorités fiscales ont à l’œil les stratégies qui permettent de réduire indûment la charge fiscale d’un contribuable. Et si Céline décidait plutôt de donner 8 000$ à Luc? Pas de différence: les règles d’attribution s’appliqueraient quand même.
Que pouvait faire Céline pour éviter ces complications? Le plus simple aurait été d’attendre que Luc ait atteint l’âge de 18 ans avant de l’aider financièrement. En effet, les règles d’attribution ne s’appliquent plus lorsque les personnes liées qui reçoivent l’argent sont majeures. Elle aurait pu aussi lui accorder un prêt portant intérêt au taux prescrit par le gouvernement (5% au moment d’écrire cet article). Mais Luc n’en aurait tiré aucun avantage.
Cautions et REEE
3- Attention aux cautions
Afin de se débarrasser de différentes dettes qui l’exaspéraient, Pierre voulait contracter un prêt personnel. Au lieu de devoir de l’argent à gauche et à droite, il n’aurait qu’un seul créancier à rembourser, son institution financière. Comme le budget de Pierre est très serré, son banquier hésite. Un prêt, oui, mais à la condition qu’une personne solvable le cautionne. En cas de défaut de paiement de sa part, c’est cette personne qui recevra la note.
Quand il en a parlé à Jacques, son père, ce dernier n’a pas débordé de joie. En effet, s’il se porte garant du prêt, le montant en cause sera considéré comme une dette dans son dossier de crédit. Son pouvoir d’emprunt sera réduit. Il aura des téléphones à faire, des papiers à remplir, des formulaires à lire, à comprendre et à signer. Si une importante dépense imprévue survenait, il pourrait être dans l’impossibilité d’emprunter l’argent…
De plus, Jacques doit penser à sa succession. Prenons pour hypothèse qu’il décède prématurément, avant que la dette de son fils ne soit effacée, et que Pierre fasse défaut de paiement. Que se passera-t-il? Eh bien!, l’institution financière réclamera son dû auprès de la succession de Jacques. Voilà de quoi engendrer une belle querelle de famille!
Privilégiez les REEE
Si vos enfants sont de jeunes parents, une façon toute simple de les aider financièrement consiste à souscrire un régime enregistré d’épargne études (REEE) pour chacun de vos petits-enfants. Les REEE sont les meilleurs outils d’épargne en vue des études postsecondaires de vos petits-enfants. En effet, les revenus générés par vos cotisations s’accumulent à l’abri de l’impôt. De plus, le gouvernement fédéral verse une subvention qui s’additionne à vos cotisations. Quant au gouvernement du Québec, il a instauré un crédit d’impôt remboursable pour l’épargne études (ce crédit est payé au REEE).
Un REEE n’est pas un cadeau qui en met plein la vue. Mais il sera apprécié à sa juste valeur lorsque vos petits-enfants s’inscriront dans une école technique reconnue, au cégep ou à l’université.
Nous remercions Renée Gladu, CA, et Danielle Loranger, avocate, D.fisc., de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, à Sherbrooke, pour leur précieuse collaboration.
Mise à jour: juillet 2008
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