Vous avez des petits-enfants que vous adorez et vous êtes déchirés à la perspective de ne plus les serrer dans vos bras? Les renseignements qui suivent vous aideront peut-être à changer le cours des choses. Monique et Pierre en savent quelque chose…
«Nous étions très proches de notre fille Diane, raconte-t-elle. Nous faisions plein d’activités avec elle et son conjoint.» Lorsque le jeune couple a eu un fils, Éric, les grands-parents ont accordé beaucoup d’attention au petit, d’autant plus qu’ils n’avaient pas eu de garçon. Monique voyait bien que son gendre semblait en prendre ombrage, mais n’a pas jugé bon de s’en inquiéter. La suite des événements, pour le moins déconcertante, lui a donné tort. «Un jour, en plaisantant, j’ai dit à Éric qu’il avait été trouvé dans une poubelle, se remémore Monique. Mon beau-fils l’a très mal pris. Il s’est mis en colère devant le petit.» Est-ce à cause de la blague maladroite ou de la réaction qu’elle a suscitée? Toujours est-il qu’Éric en fera des cauchemars et que ses parents réagiront en coupant catégoriquement les ponts avec les grands-parents.
Sa mésaventure, Monique l’a racontée à Mathilde Goldberg, cofondatrice avec son époux Albert de la section montréalaise de l’association GRAND (Grands-parents requérant accès naturel et dignité). Eux-mêmes en connaissent long sur le sujet. En 1994, ils ont obtenu de la cour le droit de voir leur petite-fille Valérie une fois par semaine. Cette victoire a été de courte durée et ils n’ont pas vu grandir leur petite-fille.
Une tragédie est à l’origine de leurs déboires. En 1992, Mathilde était entre la vie et la mort quand sa fille Édith a eu son enfant. Quelques semaines plus tard, Édith, devant être hospitalisée, a confié la petite Valérie à sa belle-mère. Malheureusement, la jeune maman est décédée, et la belle-mère a essayé d’empêcher les Goldberg d’entrer dans la vie de l’enfant. «Mon mari et moi, nous en avons beaucoup souffert», dit Mathilde.
Un an plus tard, les Goldberg ont assisté à un congrès de l’association GRAND à Ottawa. Peu après, ils ont fondé la section montréalaise de l’organisme, créé en 1983 en Ontario pour venir en aide aux grands-parents privés de contact avec leurs petits-enfants. «Nous devions le faire en mémoire de notre fille», nous confie Mathilde. Comptant aujourd’hui quelque 250 membres partout au Québec, l’organisme reçoit des centaines d’appels par année.
Faire respecter la loi
Au cours de ce congrès, les Goldberg ont appris que, depuis 1981, au Québec, la loi accorde explicitement aux grands-parents le droit d’entretenir des relations stables avec leurs petits-enfants. L’article 611 du Code civil du Québec stipule en effet que «Les pères et les mères ne peuvent, sans motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles des enfants avec leurs grands-parents. À défaut d’accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal.»
La perspective de passer devant le juge n’étant guère réjouissante, l’association GRAND privilégie la médiation en réunissant les deux parties ou en leur écrivant. Parfois, le conflit se règle à cette étape-là. Sinon, on leur propose les services d’un avocat qui tentera d’obtenir un règlement hors cour. En cas d’échec, il faut s’adresser au tribunal, ce que certains grands-parents hésitent à faire, de peur d’empirer les choses. «Mais à ce moment-là, la relation s’est déjà passablement détériorée», signale Mathilde Goldberg.
Prendre la relève
Maladie mentale, prostitution, problème de toxicomanie: les parents ne peuvent parfois tout simplement pas s’occuper de leurs enfants et les grands-parents, voire les oncles ou les tantes, essaient de prendre la relève, ou encore de demeurer en contact avec l’enfant.
C’est ce qui s’est produit dans le cas d’Anne et de Raymond. «Mon fils Pierre et sa conjointe se sont séparés. Il a été convenu que la mère aurait la garde légale de Marie-Soleil, âgée à l’époque de 2 1/2 ans, Pierre l’accueillant chez lui une fin de semaine sur deux. Nous en profitions pour aller les visiter.» Les liens entre Marie-Soleil et ses grands-parents étaient donc toujours maintenus, en dépit du divorce. Jusqu’au jour où l’ex-conjointe de Pierre a porté des accusations d’inceste contre celui-ci.
C’est le début d’une longue saga judiciaire dont Marie-Soleil fera largement les frais. Le tribunal a suspendu les droits d’accès du père et, par ricochet, Anne et Raymond n’ont plus vu la petite. Par la suite, la mère a fait une dépression, ce qui a poussé la Direction de la protection de la jeunesse à confier Marie-Soleil à une famille d’accueil. «Notre fille était prête à prendre la petite, le temps que sa mère se fasse soigner, mais le tribunal a refusé d’en tenir compte», souligne Anne.
Les grands-parents ont alors dépensé temps et argent pour avoir des droits d’accès à l’enfant, ce qu’ils ont obtenu deux ans plus tard. «Nous jugions important de garder des liens avec Marie-Soleil, dit Anne. Nous étions tout ce qui lui restait. Elle avait besoin de nous.» Finalement, leur fils a été innocenté. Anne s’en réjouit. «Il veut obtenir la garde de la petite. Nous le souhaitons aussi de tout notre cœur. La vie n’a pas été rose pour Marie-Soleil. À 7 ans, il serait temps qu’elle ait une vraie famille…»
Besoin d’aide?
Comme ce fut le cas pour Marie-Soleil, le placement d’enfants dans des familles d’accueil a souvent pour effet de couper les liens avec leurs grands-parents. L’histoire de la petite Amélia en est également la preuve. Née de parents alcooliques et toxicomanes, Amélia a été confiée à ses grands-parents maternels alors qu’elle n’avait que 4 ans, le temps que la DPJ évalue son cas; ceux-ci ont veillé sur elle pendant 1 an. Ils étaient alors convaincus d’en obtenir la garde, mais la DPJ a plutôt décidé de placer Amélia dans une famille d’accueil. Tous les mois, ses grands-parents parcouraient 1 000 km pour la voir pendant 2 heures au cours d’une visite supervisée. Tout étant contrôlé, ils ne peuvent se rapprocher suffisamment pour savoir comment va l’enfant et on ne leur permet pas de la questionner. La rupture est non seulement physique, mais aussi psychologique.
Ce drame a incité l’Association des grands-parents du Québec à créer la Fondation Amélia. Le but? Recueillir des dons afin d’aider les familles élargies dans leurs démarches judiciaires. L’Association des grands-parents du Québec lutte pour le droit des petits-enfants à maintenir des liens significatifs avec leurs grands-parents leur offrant ainsi la stabilité et l’amour dont ils ont besoin.
Besoin d’aide?
L’Association des grands-parents du Québec a pour mandat de faire modifier les lois et les pratiques défavorisant les grands-parents. On peut devenir membre en payant une cotisation annuelle de 20$ par personne. Tél.: Montréal, (514) 745-6110, Québec, (418) 529-2355, sans frais, ailleurs au Québec, 1-888-624-7227.
Pour en connaître davantage sur les droits des grands-parents ou tout autre sujet en droit familial, on peut s’adresser au service téléphonique d’information juridique Inform’Elle au (450) 443-8221.
Mise à jour: juillet 2008
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