L’endettement croissant des aînés risque de se traduire par une hausse du nombre de successions insolvables. Selon l’agence Equifax Canada, depuis cinq ans, les dettes de consommation des Canadiens âgés de 65 ans et plus ont augmenté de 68 %! Et l’endettement est tel que les personnes de 56 ans et plus représentent plus du quart (27 %) des faillites et des propositions de consommateurs au Québec.
Quand une personne disparaît avant d’avoir épongé ses dettes, celles-ci sont intégrées à sa succession. Si les dettes sont plus importantes que les actifs, le liquidateur testamentaire peut alors se retrouver à payer les créanciers de sa poche. En effet, «s’il remet les biens aux héritiers et qu’il manque d’argent pour payer les dettes, le liquidateur devra personnellement payer les créanciers», prévient Éric Lebel, conseiller en redressement financier et associé chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Dresser un bilan complet
Au décès, le liquidateur de la succession devra commencer par faire un état des lieux financier. Il vérifiera qu’il a entre les mains le dernier testament du défunt. Mieux vaut s’adresser à la Chambre des notaires du Québec pour s’en assurer (cnq.org). Cela fait, il établira un inventaire des actifs et la liste des dettes, en se rendant notamment à la banque du défunt, où les comptes devraient déjà être gelés. On n’oublie pas non plus de contacter tous les créanciers possibles, tels que les administrations fiscales au fédéral et au provincial. «Fouillez dans les tiroirs pour savoir si le défunt avait des crédits», suggère Éric Lebel.
La personne en charge de la succession contactera aussi le Registre des droits personnels et réels mobiliers (rdprm.gouv.qc.ca) pour savoir si des véhicules sont affectés par une dette ou ont été donnés en garantie. Ce registre, tenu par le ministère de la Justice, concerne autant les véhicules routiers que les bateaux, les motoneiges et les véhicules récréatifs.
Le liquidateur dispose de six mois pour effectuer ces recherches. Dans ce laps de temps, il serait bien étonnant qu’il n’ait pas récupéré toutes les factures adressées au défunt, souligne le conseiller. Autant donc prendre ce temps plutôt que de se précipiter pour transmettre les biens aux héritiers.
Pas de distribution hâtive!
Le logeur du défunt téléphone pour vider l’appartement? Si on récupère les meubles pour les donner à la succession, on accepte la succession… et on prend ainsi le risque de devoir payer toutes les dettes qui seront présentées. «Le jour où vous prenez quelque chose dans la succession, vous devenez responsable d’en payer les dettes», avertit Éric Lebel. Si le bilan financier montre que les actifs suffisent à payer les dettes du défunt, utilisez la vente de certains biens pour les rembourser. Vous distribuerez ensuite le solde aux héritiers, selon les volontés du disparu.
Mais si le bilan montre au contraire que les dettes du défunt sont supérieures à ses actifs, la succession est insolvable. Le liquidateur se retrouve alors face à un choix. Soit les héritiers et lui acceptent la succession, une option intéressante s’ils estiment que certains biens sont sous-évalués et qu’ils pourraient obtenir un gain suffisant pour épurer les dettes. Soit le liquidateur refuse la succession et la transmet au curateur public. Dans ce cas, les héritiers ne revoient donc pas les biens du défunt.
La faillite, une solution?
Le liquidateur a aussi l’option d’appeler un syndic et de lui donner le mandat de mettre le disparu en faillite. Cette demande nécessite la permission d’un tribunal. Une fois celle-ci accordée, le syndic mettra en vente les biens du défunt afin de payer au mieux les créanciers. Il prendra également en charge, à même la succession, les frais funéraires, les frais de recherche testamentaire et les frais de notaire. Il ne restera donc probablement plus rien à distribuer aux héritiers par la suite… mais cela évitera au liquidateur de payer personnellement les factures du disparu.
Ce choix permet aussi aux enfants et au conjoint de s’adresser au syndic pour racheter certains biens, notamment ceux à valeur sentimentale. Un meuble pourra, par exemple, être acquis à sa valeur marchande par la famille, sans que cette dernière doive endosser le paiement des dettes. Les créanciers obtiennent alors leur part de la juste valeur de liquidation du bien. «Ils ne s’objectent pas à ce genre de demandes», rassure l’expert de RCGT.
Un syndic en renfort
Si le défunt était propriétaire de sa maison avec son partenaire de vie et que le logement était fortement hypothéqué, le survivant conserverait la maison à peu de frais: dans le cas d’une maison de 300 000 $ avec une hypothèque restante de 280 000 $ par exemple, le syndic pourrait vendre la moitié appartenant au défunt à l’autre conjoint pour la somme de 10 000 $, soit la moitié de l’écart entre la valeur de la maison et l’hypothèque restante. Pour le syndic, bloqué avec une demi-maison à liquider, cette solution peut en effet s’avérer préférable à celle forçant le conjoint endeuillé à vendre la maison. D’autant que cette seconde démarche nécessiterait une requête devant la cour, indique Éric Lebel.
De façon générale, le recours à un syndic permet de régler les choses plus vite quand la famille se retrouve confrontée à un surplus de dettes en plus de traverser un deuil: elle transmet la liquidation à un tiers, s’évitant des soucis supplémentaires. Enfin, que l’on se rassure, les biens à caractère sentimental sans grande valeur (photos, vêtements, diplômes, souvenirs familiaux) peuvent être remis aux héritiers, même si la succession est insolvable.
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