C’est parfois insécurisant, mais faire équipe avec des plus jeunes que soi s’avère pourtant gagnant pour tous. Mode d’emploi.
Avec l’arrivée toute récente de la génération Z sur le marché du travail, dont les plus vieux ont environ 21 ans, il est normal aujourd’hui de côtoyer des gens de tous âges au boulot ou dans ses activités de bénévolat. D’autant plus que la rareté de la main-d’œuvre favorise la rétention des travailleurs d’expérience, voire leur retour, souvent dans des emplois à temps partiel. Comment, alors, optimiser les relations avec ses collègues et rendre sa vie au boulot plus enrichissante?
L’ennemi de tous: la rigidité
Peu importe notre position dans l’échelle des âges et de la hiérarchie, la pire erreur, selon la consultante en ressources humaines Nathalie Nadeau, serait de faire preuve de rigidité. «Dans quoi que ce soit – nos méthodes de travail, de communication, notre façon de voir les choses, nos relations interpersonnelles –, elle ne nous mènera nulle part», sinon dans un cul-de-sac. On suit plutôt ces pistes pour s’adapter à nos collègues plus jeunes et cultiver la bonne attitude.
Garder l’esprit ouvert. D’un côté comme de l’autre, il est facile d’entretenir les stéréotypes. «Les jeunes vont dire que les plus vieux savent tout, sont réfractaires aux changements, sont techno nuls, tandis que les plus vieux pensent que la nouvelle génération veut tout cuit dans le bec, est paresseuse, idéaliste, dépeint Nathalie Nadeau. On doit éviter ces biais de perception, car ils sont improductifs. Un milieu de travail, c’est comme une microsociété, si on veut tous bien vivre ensemble et s’adapter, il faut garder une ouverture d’esprit.»
C’est aussi l’avis de Sandrine Champigny, 29 ans, rédactrice adjointe multiplateforme chez Bel Âge – eh oui, l’équipe de votre magazine comprend des passionnés de tous âges! «Les conflits entre générations ont toujours existé. Mais si on se braque chacun de notre côté, en pointant les idées reçues sur nos générations, on ne fera pas avancer les idées ni le dialogue. On doit se tendre la main entre collègues parce qu’échanger nos points de vue ne peut qu’être profitable.»
Miser sur le respect. Avant de devenir consultante en RH, Nathalie Nadeau a été superviseure dans un Zellers. À 25 ans, elle avait sous sa responsabilité la moitié des ventes du magasin, qui se chiffraient alors à 15 millions de dollars. «Je ne suis pas arrivée en poste en prétendant tout connaître, mais je ne me suis pas excusée de mon âge non plus: si on m’avait recrutée, c’est que j’étais compétente. Mais je respectais l’expertise des responsables de rayons, car c’était eux, les pros.» Une excellente façon de gagner la confiance de ses collègues.
L’un des préjugés qui revient au sujet des Y et des Z est justement qu’ils ne respectent pas l’autorité. Nuance. «Qu’on leur dise qu’on a 30 ans d’expérience ou un post-doctorat ne les impressionne pas, observe Pierrette Desrosiers, psychologue du travail. Ce qu’ils valorisent, ce sont les compétences, les valeurs, le savoir-faire, la cohérence entre le discours et l’action. J’ai 55 ans. Quand mon père me disait non, il ne me disait pas pourquoi, c’était non, point. Eux, ils veulent comprendre pourquoi. C’est la même chose sur le marché du travail.»
S’entendre sur la communication. Pour un jeune pratiquement né cellulaire à la main, le texto est une seconde nature et les appels téléphoniques, quasiment contrariants. «Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas passer la tête dans le cadre de porte pour dire bonjour ni de bannir les rencontres en personne ou les coups de fil, avance Nathalie Nadeau. Mais souvent ils préfèrent qu’on les texte pour leur demander, par exemple, de nous appeler ou de venir à notre bureau à telle heure. Il ne faut pas non plus se formaliser s’ils nous répondent avec un emoji de pouce, ou un simple OK, c’est leur manière de faire.» Pourquoi ne pas s’enquérir de la façon dont ils préfèrent qu’on communique avec eux?
Et si, pandémie oblige, les communications se font sur une plateforme comme Slack ou Teams, il n’y a pas de gêne à appeler à l’aide. «Ça a toujours été naturel pour moi d’aider mes collègues moins à l’aise avec la technologie s’ils me le demandent», témoigne Sandrine Champigny.
D’ailleurs, pour tout ce qui est technologie ou méthodes de travail, on ne devrait jamais hésiter à réclamer des mises à niveau ou des formations, rappelle Nathalie Nadeau. «On ne doit pas se laisser arrêter par la gêne ou la peur de passer pour quelqu’un de dépassé.»
Respecter l’expérience… et l’inexpérience. Si une attitude hautaine était un gage de réussite professionnelle, ça se saurait. À 63 ans, notre directrice artistique à Bel Âge depuis 22 ans, Francine Bernier, a vu neiger… et passer des collègues plus jeunes qu’elle. «Ça n’a jamais été un problème pour moi, j’ai toujours pensé que les bonnes relations au travail et en amitié, ce n’est pas une question d’âge, mais de respect et d’affinités. Tout le monde a de belles expériences, des trucs à partager, et c’est ce qui fait la richesse d’un travail d’équipe valorisant.»
Rien ne sert non plus de distribuer ses conseils à tout crin ou de prendre les moins expérimentés de haut en utilisant des phrases qui commencent par: «Moi, à ta place…» ou «Dans mon temps…» Quand un collègue vient toujours nous voir pour vérifier si ça va bien, si on a des questions, ça devient agaçant, confirme Nathalie Nadeau. «Quand un collègue moins expérimenté commet une erreur, pas besoin d’en faire un drame non plus, surtout si les conséquences sont négligeables. Lui aussi doit avoir la chance d’en faire pour apprendre. Et si les choses ne sont pas effectuées à notre manière, mais qu’on arrive quand même au résultat, pourquoi s’entêter?»
Ne pas se dénaturer. Parce qu’on est entouré de petites jeunesses, on pourrait être tenté de changer son style vestimentaire, sa coiffure, de parsemer son discours d’expressions qui ne sont pas les nôtres pour paraître plus cool à leurs yeux. Erreur. «C’est important de rester soi-même, conseille Nathalie Nadeau. On ne peut pas plaire à tous. Il y a des gens dans l’entreprise, peu importe leur âge, avec qui on n’aura pas d’affinités. Mieux vaut tabler sur nos intérêts communs pour créer des liens. Les jeunes ne sont pas un bloc monolithique, tous ne passent pas leur temps sur leur cellulaire ou devant des jeux vidéo. J’en ai vu nouer des relations fortes avec des collègues plus âgés parce qu’ils aimaient la pêche. Souvent, des sujets personnels comme l’achat d’une première maison ou l’arrivée d’un enfant peuvent servir à nous rapprocher de ces collègues, qui nous demanderont des astuces.»
Ainsi, malgré les presque 35 ans qui les séparent, nos collègues Sandrine et Francine s’entendent à merveille. «Francine a une fille de mon âge, alors on a plein de références en commun parce qu’elle s’intéresse à ce que sa fille aime. Je la considère comme une amie, même si je ne lui raconte pas les mêmes choses qu’à quelqu’un que je connais depuis l’enfance. Mais notre différence d’âge ne change rien à la profondeur de nos discussions et à leur importance.»
Plusieurs études démontrent d’ailleurs que le transfert des connaissances s’appuie avant tout sur le développement de relations sociales et d’interactions de qualité.
Être de son temps. Si on n’a pas d’enfants ou de petits-enfants pour nous aider à se garder à jour en matière culturelle ou autre, on peut s’informer dans les journaux, sur le web ou… auprès de nos jeunes collègues! Rares sont ceux qui restent de marbre lorsqu’on les interroge sur leurs intérêts ou les enjeux qui les touchent.
«La génération Z est très axée sur la diversité de genres, le multiculturalisme, la justice sociale, l’environnement, indique Pierrette Desrosiers. D’une part, ils s’attendent à ce que leur employeur mette ces préoccupations de l’avant et, de l’autre, ils peuvent s’offusquer si on emploie par exemple des mots d’une autre époque ou qu’on ridiculise leurs revendications.» Les nouvelles réalités parentales peuvent aussi susciter l’incompréhension. Celle qui compte des fermes familiales dans sa clientèle donne un exemple observé sur le terrain. «Un agriculteur baby-boomer s’arrachait les cheveux parce qu’un jeune père de famille quittait en fin d’après-midi, en pleine saison des foins, pour assister à la graduation de son enfant de maternelle. C’est que ça n’existait pas, avant, un diplôme de maternelle!»
Ne pas perdre de vue le gâteau. Une image qu’utilise Pierrette Desrosiers. «On ne peut pas cuisiner un gâteau seulement avec de la farine. Ça prend plusieurs ingrédients, qui donneront un résultat extraordinaire si on accepte qu’on est tous différents et complémentaires.»
Comme le résume si bien Sandrine: «Au bout du compte, on travaille au service d’une cause ou d’une entreprise. Alors, l’objectif, c’est d’avancer ensemble pour améliorer les manières de faire. On a tous quelque chose à s’apporter.»
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