Les effets du vieillissement sur le microbiome intestinal décryptés

Les effets du vieillissement sur le microbiome intestinal décryptés

Par Narveen Jandu, University of Waterloo

Crédit photo: iStock

Le système immunitaire humain change avec l’âge. Les réponses immunitaires commencent à devenir moins robustes, ce qui rend les personnes plus vulnérables à certaines infections et maladies.

Cependant, le vieillissement du système immunitaire est différent d’une personne à l’autre. Des recherches ont montré que des changements dans la composition et la diversité des micro-organismes de l’intestin peuvent expliquer ces différences dans le vieillissement du système immunitaire.

Le microbiome intestinal — la population de micro-organismes qui vit dans le tractus gastro-intestinal — aide l’organisme à maintenir un environnement interne stable lorsqu’il est confronté à des changements externes. C’est ce qu’on appelle l’homéostasie.

Le microbiome intestinal soutient l’homéostasie de différentes manières, notamment en aidant au maintien du système immunitaire en alerte, mais aussi en digérant les fibres alimentaires en acides gras à chaîne courte, pour renforcer la paroi intestinale.

Le microbiome intestinal nous aide également à réguler nos réactions inflammatoires. L’inflammation aide l’organisme à lutter contre les micro-organismes à l’origine des maladies et à réparer les tissus endommagés. Cependant, comme la composition de notre microbiome intestinal change avec l’âge, un faible niveau d’inflammation peut devenir constant dans tout le corps. C’est ce qu’on appelle l’inflammation liée à l’âge (inflammaging, en anglais).

Lorsqu’elle se développe dans l’intestin, elle entraîne une diminution des réponses immunitaires, ce qui accroît le risque d’infection et de maladie.

Examinons de plus près le microbiome intestinal et la manière dont il évolue avec l’âge.

Les déséquilibres du microbiome intestinal chez les personnes âgées

Notre tractus gastro-intestinal peut être comparé à une ville très peuplée, habitée par une variété de bactéries, de champignons, d’archées et de virus différents, collectivement appelés le microbiote intestinal. En fait, comparé à d’autres parties du corps, le microbiome intestinal contient le plus grand nombre de bactéries. Lorsqu’il est sain, on y trouve quatre familles (ou phyla) dominantes de micro-organismes, à savoir les Firmicutes, les Bacteroidetes, les Proteobacteria et les Actinobacteria.

Les Firmicutes et les Bacteroidetes représentent environ 80 à 90% du microbiote intestinal dans le tube digestif. Les Firmicutes contribuent à la production d’acides gras à chaîne courte pour soutenir la santé intestinale et la sécrétion de mucus pour améliorer la défense de la paroi intestinale. De leur côté, les Bacteroidetes métabolisent les glucides complexes en vitamines et en nutriments et favorisent le stockage du glycogène pour améliorer le métabolisme du glucose.

Le microbiome intestinal et le système immunitaire travaillent en étroite collaboration. Les micro-organismes présents dans l’intestin envoient des signaux qui sont détectés par des capteurs immunitaires. Cela permet au système immunitaire de réguler les bactéries utiles présentes dans l’intestin, contribuant ainsi à maintenir l’homéostasie immunitaire. Grâce à cette interaction, le système immunitaire adaptatif reçoit également des stimuli de substances nocives appelées antigènes, qui déclenchent une réaction immunitaire.

Cependant, avec l’âge, la composition et l’équilibre des micro-organismes dans l’intestin se modifient. Cela donne lieu à une dysbiose microbienne, c’est-à-dire une réduction du nombre de bactéries bénéfiques dans l’intestin, à côté d’un nombre plus élevé d’organismes pro-inflammatoires et de bactéries pouvant causer des maladies. En outre, la recherche a également montré que la diversité des bactéries dans l’intestin diminue également avec l’âge.

Vers l’inflammation intestinale

Avec le temps, la pénurie de bactéries bénéfiques, telles que les Firmicutes chez les personnes âgées, commence à compromettre l’intégrité de leur barrière intestinale. C’est ce qui provoque des fuites. En effet, la famille des Firmicutes joue un rôle très important dans la santé et la solidité de la paroi intestinale en produisant un acide gras à chaîne courte appelé butyrate. Les acides gras à chaîne courte tels que le butyrate contribuent à fournir des nutriments pour renforcer la paroi intestinale, pour informer les réponses immunitaires et pour réduire l’inflammation.

Lorsqu’elle est intacte, la barrière intestinale fonctionne pour empêcher les bactéries nocives de traverser la paroi intestinale, de pénétrer dans le système circulatoire et d’atteindre des organes importants. Cependant, lorsqu’il n’y a pas assez de bactéries intestinales pour produire les acides gras à chaîne courte, nécessaires au fonctionnement de la paroi intestinale, les bactéries peuvent pénétrer dans la circulation sanguine. Cela contribue à la formation de l’inflammation intestinale, soit un faible niveau d’inflammation qui devient constant dans tout le corps avec l’âge.

Comment fonctionne l’inflammation liée à l’âge?

L’inflammation liée à l’âge crée un environnement propice à l’inflammation, causée et entretenue par plusieurs facteurs. Ceux-ci peuvent inclure des déséquilibres des micro-organismes dans les intestins (dysbiose microbienne), du stress psychologique, de l’inactivité physique, une mauvaise alimentation et des infections chroniques.

Lorsque l’organisme est exposé régulièrement à ces facteurs, la sénescence cellulaire se produit. Il s’agit d’un état dans lequel la croissance cellulaire est arrêtée de façon permanente, ce qui signifie que les cellules ne sont plus capables de s’auto-renouveler. À terme, cela entraîne une diminution des réponses immunitaires, qui sont importantes pour empêcher les substances étrangères et les agents pathogènes de pénétrer dans l’organisme.

Maintenir un bon équilibre du microbiote intestinal

Un dicton courant affirme que «l’on est ce que l’on mange». En effet, la nutrition et le régime alimentaire jouent un rôle important dans la régulation du nombre et de la variété de micro-organismes qui vivent dans l’intestin. Cela signifie que l’alimentation peut également jouer un rôle clé dans la fonction immunitaire des personnes âgées.

Le régime méditerranéen, connu pour sa faible consommation de glucides raffinés, de graisses saturées, de produits laitiers et de viande rouge, a un effet positif sur l’équilibre des micro-organismes dans l’intestin et sur la solidité de la barrière intestinale. Il a également été associé à un risque plus faible de diabète de type 2 chez les personnes âgées, ce qui leur permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

L’utilisation de probiotiques et de prébiotiques peut également aider à lutter contre l’inflammation liée à l’âge. Les probiotiques, tels que les Lactobacilles et les Bifidobactéries, sont des micro-organismes vivants qui peuvent être consommés pour soutenir la santé globale. Plus précisément, les probiotiques contribuent à améliorer la fonction de la barrière intestinale et à réguler les réponses immunitaires en modifiant la composition du microbiome intestinal. Toutefois, la question de savoir si les conditions acides de l’estomac permettent aux probiotiques de survivre suffisamment longtemps pour pouvoir passer dans l’intestin fait encore l’objet de débats.

Il est clair que le système immunitaire entretient une relation complexe avec le microbiome intestinal. Sain et équilibré, il renforce la barrière intestinale, ce qui contribue à réduire l’inflammation dans l’ensemble de l’organisme et à soutenir le système immunitaire.

Pour y parvenir, il est important de maintenir un mode de vie sain et équilibré en vieillissant. Il s’agit notamment de réduire la consommation de produits laitiers et de viande rouge et d’exploiter les avantages des probiotiques et des prébiotiques.

 

Cet article a été co-écrit par Flore Van Leemput, étudiante en sciences de la santé, avec une spécialisation préclinique et une mineure en gérontologie, à l’Université de Waterloo.La Conversation Canada

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. 

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