Exercer un métier à la retraite? Pourquoi pas! Le concept gagne du terrain auprès de gens qui, après un certain temps, veulent réintégrer le marché de l’emploi. Mais comment s’y prendre?
À 65 ans, après une carrière bien remplie en communications, Johanne Duchêne prend sa retraite avec soulagement. «J’en avais assez des longues journées de travail et des incessants voyages à l’étranger qu’exigeait mon poste», témoigne cette célibataire. Profitant de sa nouvelle liberté, elle quitte Montréal et s’installe à temps plein dans son chalet de Lanaudière.
Au bout d’un certain temps, elle se rend compte que son nouveau mode de vie ne la satisfait pas totalement. «Je manquais de contacts sociaux et, surtout, de défis», dit la sexagénaire. Elle se met alors à scruter les offres d’emploi, plus par curiosité que par réel intérêt. Un jour, elle repère une offre qui la stimule. Elle postule sans hésiter et décroche le poste.
Johanne renoue avec les joies du boulot, comblant ses besoins de défis et de socialisation. «J’adore mon nouvel emploi et mon équipe. Tant que je serai en forme, je veux continuer», affirme cette Lanaudoise d’adoption, qui a renvoyé sa retraite aux calendes grecques.
Retraités recherchés!
Johanne Duchêne n’est pas la seule à succomber à l’appel du travail après une retraite plus ou moins longue. C’est une tendance qui prend de l’ampleur depuis quelques années. «De plus en plus de retraités nous consultent pour retourner sur le marché du travail. De plus, nos événements de recrutement s’adressant aux travailleurs expérimentés font salle comble depuis trois ans», constate Dominique Jodry-Lapointe, conseillère en emploi chez GIT Services-conseils en emploi.
Deux éléments contribuent au retour au travail des retraités: la pénurie de main-d’œuvre, qui fait que les têtes grises se font de plus en plus courtiser, et l’augmentation de l’espérance de vie. «Puisque les sexagénaires gardent la forme, nombreux sont les gens qui veulent demeurer actifs tout en imposant leurs conditions», dit Dominique Jodry-Lapointe. Cette conseillère d’orientation a même accompagné des septuagénaires désirant renouer avec le travail.
Signe de cette tendance, entre 2001 et 2021, le taux d’activité au Québec a presque doublé chez les 60-64 ans, passant de 29,6% à 53,6%. «Notre société valorise de plus en plus le travail à la retraite alors que dans le passé, on avait tendance à exclure les travailleurs expérimentés», constate Julie Dufresne, fondatrice du site de recrutement Emploiretraite.ca, qui s’adresse spécifiquement aux retraités qui veulent reprendre le collier.
Le retour au travail en 4 étapes
Pour ceux et celles qui songent à renouer avec un patron et une paye aux deux semaines, voici les conseils d’experts en emploi pour reprendre le chemin du travail.
1. S’accorder une période de réflexion
«Quand les retraités pèsent la possibilité de retourner sur le marché de l’emploi, leur choix n’est souvent pas définitif. D’où l’importance d’y réfléchir», dit Dominique Jodry-Lapointe, qui recommande de se poser les bonnes questions et de prendre des notes: «Une démarche bien documentée orientera la recherche.»
Parmi les questions à se poser: Qu’est-ce qui nous ferait plaisir? Quelles sont nos envies? Quelles sont les compétences qu’on souhaite mettre à profit? Veut-on changer de domaine? Travailler à temps plein ou partiel? Qu’est-ce qu’on ne veut pas?
Julie Dufresne recommande aux gens de ne pas se laisser influencer par leur entourage. «Des proches diront: «Voyons donc, tu es à la retraite. C’est le temps d’en profiter. Pourquoi recommencerais-tu à travailler?» Si on croit que le retour au travail nous apportera du bonheur, il faut alors poursuivre notre démarche jusqu’au bout», dit-elle.
2. Rédiger un bon curriculum vitae
Peu importe notre âge et notre expérience, un curriculum vitae est nécessaire. Le hic, c’est qu’il n’est probablement plus à jour. «Beaucoup de retraités n’ont pas rédigé de CV depuis des décennies, ayant occupé le même emploi pendant 30 ans», constate Dominique Jodry-Lapointe.
Dans bien des cas, les personnes retraitées en quête d’un emploi ne souhaitent pas retourner dans leur domaine de carrière. Elles recherchent de nouvelles expériences. Marie-Ève Girard, directrice du Centre de services et de formation de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréé (CRHA), explique que le curriculum vitae doit être transparent concernant nos attentes. «Dans la section Résumé, qui coiffe la première page du CV, on indique ce qu’on recherche en quelques lignes. Par exemple, un emploi à temps partiel avec peu de responsabilités. Il ne faut laisser aucune ambiguïté», dit-elle.
GIT Services-conseils en emploi, qui fait partie du réseau des bureaux en employabilité du Québec, préconise la rédaction d’un «CV retraite», qui se différencie du modèle traditionnel. Celui-ci présente nos occupations depuis notre retraite, même si ces activités n’ont aucun lien avec les emplois ciblés. «Rénovation, voyage, bénévolat: il faut démontrer qu’on est demeuré actif», dit Dominique Jodry-Lapointe. Autre distinction: dans la section Historique d’emploi, le CV retraite accorde moins d’importance aux tâches réalisées autrefois, surtout si on ne souhaite pas se distinguer par les compétences acquises pendant notre carrière.
À retenir: les recruteurs utilisent désormais l’intelligence artificielle pour faire le tri des candidatures. «Ces applications recherchent des mots-clés, comme « leadership » et « motivé », dans les documents de présentation des candidats», dit Marie-Ève Girard, de l’Ordre des CRHA.
Pour rédiger notre curriculum vitae, on peut consulter des professionnels en la matière, comme les conseillers d’orientation. Dans les bureaux en employabilité de notre région, les consultations sont généralement gratuites pour les retraités.
Autre possibilité: consulter le site emploiretraite.ca, qui aide les usagers, étape par étape, à pondre un bon curriculum vitae et à le transmettre aux employeurs potentiels en quelques clics seulement. «Nous avons tout fait pour simplifier la recherche d’emploi pour les travailleurs expérimentés», soutient Julie Dufresne.
3. Entamer une recherche active
Les experts en ressources humaines suggèrent aux candidats de partager leurs intentions dans leur réseau avant de cogner à la porte des employeurs. «Anciens employeurs, anciens collègues de travail, coiffeuse, boulanger, etc. Ceux-ci pourraient vous mettre sur de bonnes pistes», affirme Marie-Ève Girard. Annoncer une quête d’emploi sur nos réseaux sociaux peut être payant. Le réseautage donne en effet accès au marché caché de l’emploi, c’est-à-dire aux offres qui ne sont pas affichées publiquement. C’est une bonne façon de connaître le marché et de devancer la compétition sur des offres exclusives puisque beaucoup d’employeurs préfèrent embaucher uniquement sur recommandation. «À peu près la moitié des offres d’emploi se retrouvent dans le marché caché», précise Dominique Jodry-Lapointe.
Éplucher les offres sur les sites de petites annonces est aussi une piste intéressante. Toutefois, les retraités déplorent souvent que ces sites généralistes ne ciblent pas leurs besoins. «En plus, les retraités se sentent mal à l’aise de compétitionner avec des jeunes pour des emplois. Ils ne veulent pas prendre leur place», dit Julie Dufresne. Son site ne laisse pas d’ambiguïté. Les employeurs payent pour s’adresser aux retraités. Donc, pas de gêne!
Autre solution: effectuer une recherche sur Google Maps pour repérer les entreprises près de chez nous et ainsi peut-être trouver un employeur dont la mission nous interpelle.
4. Postuler avec assurance
Après avoir repéré un emploi désirable, il faut rédiger une lettre de présentation. Celle-ci permet d’expliquer à un employeur potentiel nos raisons de vouloir intégrer son équipe. À cette étape de notre vie, cette lettre diffère dans son contenu par rapport au modèle traditionnel. «Plutôt que de mettre de l’avant vos compétences, vous devez plutôt miser sur vos motivations à postuler, comme votre intérêt pour la mission de cette entreprise», dit Julie Dufresne.
Si l’application en ligne devient la norme, les démarches en personne ne perdent pas complètement leur intérêt. «En rencontrant l’employeur sur place, on peut lui poser des questions et évaluer son intérêt», dit Dominique Jodry-Lapointe. Les salons de l’emploi sont une bonne façon de dénicher le travail qui nous convient, ajoute-t-elle.
Dernière mise à jour: août 2024
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