Bourse: Le jargon des analystes à votre service

Bourse: Le jargon des analystes à votre service

Par Dominique Lamy

Crédit photo: iStock

Les rapports de recherche rédigés par des analystes sont des outils précieux pour investir avec succès. À la condition de ne pas s’y fier les yeux fermés! On décode ça pour vous.

Achat, achat fort, achat spéculatif, surperformance, sous-performance, conserver, réduire, vendre, focus stock, etc. Le langage utilisé par les analystes pour partager leurs recommandations sur un titre en particulier a de quoi nous faire perdre notre latin!

Certaines firmes mettent aussi de l’avant leur propre variante de chaque recommandation, d’où l’importance pour le lecteur de prendre connaissance, en fin de rapport, de la définition associée à chacune d’elles. Mais attention! Si la lecture de cette légende nous assure d’une meilleure interprétation de l’avis de l’analyste, elle ne doit pas nous inciter à investir sur la simple base de cette publication. Voici pourquoi, et comment en tirer le meilleur parti.

Acheter, vendre ou conserver: comment s’y retrouver

Faut-il suivre aveuglément les recommandations des analystes au moment de faire des arbitrages en portefeuille? «Non», répond Martin Lalonde, président et gestionnaire de portefeuille de Rivemont. Il est d’abord essentiel de comprendre l’intention des émetteurs.

Pourquoi une institution financière déploie-t-elle des ressources considérables pour faire rédiger des analyses de sociétés cotées en Bourse et des principaux secteurs économiques? «La première raison, c’est d’informer exclusivement ses propres clients d’importance pour qu’ils en apprennent davantage sur les sociétés suivies. Après un certain temps, ces mêmes rapports seront sou- vent mis à la disposition du public. Ce dernier prend donc connaissance d’une information qui a déjà été transmise au préalable à des clients privilégiés, et qui ont pu agir en premier», explique-t-il.

Les institutions financières sont aussi impliquées dans les marchés des capitaux et du financement d’entreprise. Voilà une deuxième raison pour promouvoir le travail d’analyse et de rédaction de ses experts dédiés à la tâche. «Elles peuvent ainsi se positionner avantageusement auprès des sociétés cotées en Bourse, et participer éventuellement à des émissions d’actions», ajoute Martin Lalonde.

L’entreprise qui prévoit émettre des actions ou des titres de dette risque peut-être de se tourner vers une banque ou une firme de courtage qui l’appuie et publie des rapports favorables concernant son titre boursier. «Les analystes ne peuvent pas vraiment risquer d’entacher la relation entre ce client et leur employeur. Par conséquent, ces rapports sont biaisés de façon positive dans 90% des cas», enchaîne-t-il.

Sébastien Mc Mahon, stratège en chef pour IA Groupe financier, est aussi d’avis que les recommandations des analystes ne doivent pas nécessairement être prises pour du cash. «Sur une base historique, la valeur de ces recom- mandations n’est pas tant élevée : la plupart des analystes suggèrent d’acheter. Ces derniers établissent une relation d’affaires avec la direction des entreprises suivies, ils ont des communications ponctuelles avec ces dirigeants», résume-t-il. On peut donc comprendre que le charisme, l’influence et l’optimisme d’un PDG puissent influencer, peut-être, l’évaluation plus mathématique d’une analyse.

Un lecteur averti en vaut deux : la recommandation et le cours cible doivent être mis en perspective. La preuve? «Les recommandations d’achat sont omniprésentes. Celles de “vendre”, inexistantes. Et une recommandation à hold, ce n’est jamais bon signe», dit Martin Lalonde. Bien souvent, la mention de conserver un titre, c’est un sous-entendu poli pour en suggérer la vente.

Faire son propre travail d’analyse

Les deux experts sont unanimes sur un point: le contenu informatif de ces rapports de recherche est cependant d’une grande utilité. «Les différentes sections permettent à l’investisseur autonome de mieux comprendre une entreprise, son modèle d’affaires, la manière dont elle génère des profits, sa stratégie de croissance, etc.», nuance Martin Lalonde. Pour bien élaborer votre stratégie d’investissement, prenez donc note gratuitement des forces et faiblesses des entreprises dans lesquelles vous souhaitez investir!

Ces rapports de recherche se veulent donc une mine d’informations à consulter avant de prendre une décision d’investissement. «Les analystes possèdent une expertise très pointue et ils en connaissent beaucoup plus que les investisseurs sur les rouages d’une entreprise. Voilà votre chance de bénéficier du travail d’un expert sur le sujet», dit-il.

Sébastien Mc Mahon souligne de son côté que l’investisseur autonome peut aussi avoir intérêt à suivre les tendances présentées sur les plateformes de courtage en ligne en matière de recommandations. «Plusieurs analystes sont habituellement affectés aux grandes capitalisations boursières. Parfois, des dizaines d’entre eux peuvent suivre un titre en particulier. Si on constate qu’historiquement, le consensus était plutôt faible et qu’il passe actuellement à une recommandation d’achat, il peut s’agir d’une information intéressante pour commencer notre propre travail d’analyse.»

Mais encore faut-il avoir un intérêt pour la chose! «Ce n’est pas tout le monde qui maîtrise les notions de comptabilité dont il est souvent mention dans de tels écrits. Et la terminologie liée à certaines industries est parfois aride», rappelle avec justesse Sébastien Mc Mahon.

Une observation qui démontre que plusieurs compétences sont requises pour connaître un minimum de succès en Bourse en tant qu’investisseur autonome. «Il faut comprendre ce que l’on fait», rappelle à son tour Martin Lalonde. D’autant plus que, de façon générale, les courtiers en ligne ne donnent aucun conseil personnalisé en matière de placements. Vous êtes l’opérateur, certes, mais aussi le stratège.

Il n’y a pas que le stock picking

La sélection de titres individuels n’est pas la voie la plus facile à emprunter pour battre le rendement du marché. Et elle s’accompagne parfois de montagnes russes. Si la perspective de devoir choisir et gérer des titres individuels vous semble trop lourde, pas de panique. Une approche «un peu plus paresseuse» pourrait aussi vous permettre d’atteindre vos objectifs.

«Les fonds négociés en Bourse (FNB) permettent d’investir de façon autonome, d’obtenir une saine diversification et de bâtir le portefeuille équilibré qui vous convient. Tout ça en adéquation avec votre profil d’investisseur et à faible coût», rappelle Sébastien Mc Mahon.

L’investisseur légendaire Warren Buffett – le meilleur stock picker de tous les temps et le PDG de Berkshire Hathaway, une société qui a généré des rendements exceptionnels pour ses actionnaires au fil des décennies – a d’ailleurs maintes fois recommandé aux petits investisseurs d’opter pour des FNB indiciels. Comme quoi il n’y a pas qu’une seule approche de placement qui permet de s’enrichir!

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