Avec l’accessibilité d’Internet et le succès croissant des réseaux sociaux, on tisse de plus en plus de liens virtuels. Ces relations en ligne ont de nombreux avantages, notamment pour contrer la solitude, mais aussi de moins bons côtés…
C’est arrivé tout naturellement. En jouant au Scrabble en ligne, en commentant des publications sur Facebook ou en posant une question sur un site d’entraide, on a engagé la discussion avec un parfait inconnu avec qui on s’est découvert des affinités… et voilà qu’au fil des échanges et du temps, une amitié est née. Même si on ne s’est jamais rencontré!
Rien de plus normal que de créer des liens avec des personnes qui nous ressemblent. «Le point de départ d’une amitié, c’est en général la reconnaissance d’un intérêt ou d’un vécu commun», explique Rose-Marie Charest, psychologue et conférencière. Qu’il s’agisse de valeurs, d’objectifs, d’opinions, de projets ou de passions, ce qu’on partage constitue la base d’une relation amicale, même lorsqu’elle demeure virtuelle.
Une façon de briser l’isolement
Diverses contraintes empêchent souvent de conserver ou d’entretenir des amitiés dans la vie réelle: la distance, l’état de santé, le budget pour les sorties… Selon Statistique Canada, c’est en outre au Québec qu’on trouve la plus forte proportion d’aînés de 75 ans et plus ne comptant aucun ami proche au pays (28 %). Il n’est donc pas étonnant qu’Internet devienne un moyen de combattre la solitude. D’ailleurs, un des principaux avantages des amitiés virtuelles est qu’elles exigent peu. «On peut écrire à l’autre quand ça nous adonne, sans éprouver le sentiment de déranger ni avoir à se déplacer», souligne Rose-Marie Charest. On peut aussi laisser une conversation en plan et y revenir plus tard, ce qui se conçoit moins bien avec un ami en chair et en os.
Sur le plan humain, une amitié virtuelle peut s’avérer enrichissante à plusieurs égards. On y puise du réconfort, de la compagnie. «On peut faire preuve d’empathie, aider, donner des conseils, faire bénéficier l’autre de notre expérience, de nos connaissances… et vice-versa», note la psychologue. Cette relation peut également nous permettre de cultiver une passion que notre conjoint ne partage pas.
Parfois, la connexion virtuelle est telle qu’on se met à se confier, à raconter des choses qu’on n’a jamais dites à personne. Comment expliquer qu’on fasse autant confiance à quelqu’un qu’on n’a jamais vu? «Parce que la personne n’est pas en face de nous, il n’y a plus de frontière ni de frein, explique Mme Charest. Si on discute avec un ami et qu’on sent qu’on perd son intérêt, on change de sujet. Si le climat est tendu, on fait attention à ce qu’on dit. Mais devant son ordinateur, même si on n’obtient aucune rétroaction immédiate, on continue à écrire, à s’épancher. Au fond, cette confiance qu’on accorde plus facilement part du grand désir qu’on a tous de trouver l’âme sœur, et ce, pas seulement en amour. Une personne en qui on a une totale confiance, à qui on peut tout dire.» Il est alors tentant de croire qu’on l’a trouvée.
Gare aux illusions!
Si une amitié virtuelle peut nous apporter beaucoup, elle peut aussi nous leurrer. «Sur les réseaux sociaux, quels qu’ils soient, on donne toujours la meilleure image de nous-même, et pas seulement avec notre photo, affirme Rose-Marie Charest. On choisit ce qu’on dit et ce qu’on tait. C’est facile pour la personne à l’autre bout du clavier de nous donner les réponses qu’on veut entendre: elle a tous les éléments en main puisqu’on les lui a donnés. Et après, on se réjouit parce qu’elle pense comme nous, qu’elle est pareille…» Tout cela peut donc créer un faux sentiment de complicité.
On projette parfois nous-même une image trompeuse, en s’inventant une autre personnalité. Un piège malsain, selon la psychologue: «Si on sent le besoin d’être quelqu’un d’autre, ça signifie qu’on ne s’aime pas nous-même. Et on manque l’occasion d’être apprécié pour ce qu’on est vraiment. On a tout avantage à rester authentique pour que notre relation virtuelle le soit aussi.»
Bien sûr, se lier à une personne inconnue comporte une part de risque. Principalement celui de se faire manipuler. En cas de demande d’argent, d’informations personnelles ou d’un service qu’on n’est pas à l’aise de rendre, on doit se méfier et savoir refuser. «Il ne faut pas se laisser aveugler par le fait qu’on s’est trouvé un ami et tout accepter parce qu’on craint la solitude.» De même, «si quelqu’un cherche à nous isoler, critique notre conjoint, nos enfants, nos amis réels et qu’il cherche à avoir une emprise sur nous», les chances sont grandes qu’il veuille nous manipuler. «Comme pour toute autre relation, il importe de se demander si elle nous fait du bien ou du tort, note la psychologue. Si elle engendre le moindre malaise, si on sent que l’autre ne nous dit pas la vérité, que son discours n’est pas cohérent, on a la réponse.»
Parfois, c’est de nous-même qu’il faut se méfier. Parce que les amitiés virtuelles peuvent empiéter sur le réel. «Quand on s’assoit devant notre ordinateur pour jaser, ça doit être un choix, estime Mme Charest. À partir du moment où ça devient plus fort que nous, que c’est compulsif, le risque de dépendance existe. Il faut agir dès qu’on le constate pour ne pas en venir à négliger nos intérêts et nos relations dans la vie réelle.» Autre effet pervers: quand le virtuel fait pâlir le réel. Par exemple? «Notre conjoint peut avoir des sautes d’humeur, contrairement à notre ami virtuel», souligne la psychologue. On se met parfois aussi à le trouver moins intéressant que Pierre1933, qui partage notre engouement pour la randonnée ou Dostoïevski. «Embellir le virtuel peut nous décevoir du réel, ajoute Mme Charest. Cela dit, toute relation qui se développe laissera inévitablement apparaître des imperfections chez l’un et chez l’autre, certaines avec lesquelles on vit bien, d’autres moins. Personne n’est parfait.» On se garde donc de toute idéalisation.
Qu’arrive-t-il si la personne avec qui on partage notre vie ressent de la jalousie à l’égard de ces amitiés en ligne? Tout dépend si elle est fondée, répond la psychologue: «Quand on n’a rien à cacher, on n’est pas gêné de parler de nos relations virtuelles. Si on n’a plus de temps à consacrer à des activités avec notre conjoint parce qu’on est toujours sur Internet, il aura effectivement raison de se sentir délaissé. Mais si on fait preuve d’équilibre et que nos échanges en ligne lui déplaisent quand même, il est bon de lui rappeler qu’il s’agit pour nous d’une activité au même titre que la lecture. Être en couple, ce n’est pas tout faire ensemble. Un couple est formé de trois univers: le mien, le tien et le nôtre. Dans mon univers, je peux me permettre différents loisirs. Ce sont les excès qui peuvent susciter de telles réactions chez l’autre.»
Devrait-on passer du virtuel au réel?
La réponse dépend de chacun. À ce propos, Rose-Marie Charest cite l’exemple d’une connaissance qui a correspondu pendant 50 ans avec une personne sans jamais la rencontrer, mais sans jamais la «perdre de vue» non plus. On peut trouver notre compte en restant dans la virtualité. Et, bien sûr, des contraintes géographiques rendent parfois difficile une éventuelle rencontre.
«Ce que je trouve délicat avec les amitiés virtuelles, c’est l’immense place que prend l’imaginaire par rapport à la réalité, affirme la psychologue. On a tendance à idéaliser l’autre, alors le risque qu’on court en le rencontrant, c’est la déception. Pour ma part, je recommande de faire entrer le plus possible de réel dans le virtuel. Pour savoir si une relation est solide, on peut se parler une première fois au téléphone. La voix, l’intonation, les silences en disent beaucoup sur la personne.» Si ça casse, tant pis. Et si ça passe, l’appel peut déboucher sur une rencontre, puis une autre…
Une chose est sûre: les réseaux sociaux, les textos et les courriels constituent de formidables plateformes pour à la fois «rencontrer» de nouvelles personnes et entretenir les relations qu’on a déjà. «Il ne faut juste pas demander au virtuel plus que ce qu’il peut nous apporter, c’est-à-dire une communication intellectuelle, parfois légèrement affective, mais qui ne remplacera jamais un contact réel», estime Mme Charest.
Retrouver des amis sur Internet
Grâce à Internet, bien des gens ont réussi à retracer un ami perdu de vue. «Pour ce faire, il faut travailler comme un détective», dit notre chroniqueur techno Pascal Forget. On commence par chercher son nom dans les réseaux sociaux, comme LinkedIn (si on pense que la personne n’est pas encore retraitée) ou Facebook. Si on la retrouve, on lui adresse une demande d’amitié en ajoutant un petit mot. «Pour que celui ou celle qu’on tente de joindre nous replace, on peut mentionner dans le message un souvenir commun, l’endroit où on l’a rencontré, un voyage qu’on a fait ensemble, etc.» Dans le cas où on ne retrouve pas l’ami en question, on peut chercher les noms de ses enfants, de membres de sa famille ou d’un autre ami commun et passer par leur entremise.
Autre bonne piste à explorer, selon Pascal: les associations, équipes ou clubs dont notre ami a pu faire partie ou encore les entreprises où il a travaillé. «On peut leur écrire un courriel en mentionnant le nom de celui ou celle qu’on aimerait joindre. On peut même écrire au registraire d’un établissement d’enseignement, le cas échéant. Ces interlocuteurs ne nous donneront peut-être pas directement les coordonnées de notre ami, afin de protéger sa vie privée, mais ils pourraient lui transmettre un message de notre part ou nous renseigner sur ses éventuels déplacements ou déménagements.»
Si ces démarches restent infructueuses, on peut explorer les groupes thématiques Facebook du genre «Tu sais que tu viens de Baie-Comeau [insérer ici le nom de la ville d’enfance de notre ami] quand…» et y publier un avis de recherche. Sinon, le simple fait de taper le nom de la personne (avec sa profession, s’il y a lieu) dans Google permet aussi parfois de la retracer en choisissant l’option «Images».
Évidemment, nos démarches seront plus faciles si le nom de l’ami recherché est inusité, souligne Pascal Forget: «Il y a beaucoup de Jean Tremblay au Québec! Pour trouver le bon, il faut chercher en utilisant l’option images, ou raffiner notre recherche en tapant le nom de la ville ou de l’entreprise où il travaillait… en espérant qu’il n’a pas déménagé ni changé d’emploi!»
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