Dénicher une oasis de paix pour s’évader de la ville ou de la banlieue, c’est tentant! Avant de plonger dans l’aventure, quelques devoirs s’imposent. Et plusieurs formules sont possibles.
Depuis le début de la pandémie, le marché des résidences secondaires est en ébullition. L’idée de fuir à la campagne, d’avoir un pied-à-terre près d’un lac ou d’une piste de ski séduit. Malgré la hausse des taux d’intérêt et la reprise des voyages, les propriétés récréatives demeurent convoitées, dans certains secteurs plus que d’autres.
En 2022, le prix des résidences secondaires au Québec a augmenté de 16,1% pour s’établir à 373,400$, souligne le Rapport printanier 2023 de Royal LePage. Dans le cas d’une copropriété, la valeur est en hausse de 22,3% et atteint 341 900$, alors qu’il fallait débourser 480 200$ en 2022 (hausse de 17,3%) pour une maison au bord de l’eau. Une inflation et des coûts d’emprunt hypothécaires encore élevés devraient cependant freiner cet élan en 2023. Royal LePage s’attend d’ailleurs à une baisse de 8% du prix des résidences secondaires au Québec. «Mais l’offre de propriétés demeure restreinte, ce qui maintient l’intérêt des acquéreurs. Pour une résidence secondaire, plusieurs vont payer comptant ou profiter de leur marge de crédit hypothécaire, qui offre un taux moins élevé. C’est souvent le cas des retraités», constate Marc Bonenfant, courtier immobilier dans la région de Québec chez Royal LePage.
«Il y a effectivement une rareté de résidences récréatives, mais l’incertitude liée à la hausse des taux d’intérêt a tout de même éliminé une partie de la surenchère, notamment pour les inscriptions moins désirables ou trop coûteuses pour ce qu’elles offrent», souligne Stéphanie Lapierre, économiste principale à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). On peut donc prendre davantage son temps et faire les inspections d’usage.
Il y a des occasions d’affaires. Cela dit, pour des chalets clés en main dans des lieux prisés, les conditions de marché demeurent moins favorables aux acheteurs, confirment les experts consultés.
Cerner ses besoins
Avant de faire une offre ou de visiter des propriétés, mieux vaut cerner ses besoins et ses envies. Il faut en discuter avec son conjoint, si on a un partenaire, et fixer un budget. Pourquoi souhaite-t-on acheter un chalet? S’agira-t-il de la résidence principale à la retraite? S’y rendra-t-on seulement durant les vacances ou certaines saisons pour louer la maison le reste de l’année, afin de rentabiliser l’investissement? Quelles commodités recherche-t-on? La quiétude au fin fond des bois ou la proximité d’une épicerie, de petits restaurants ou même d’un centre hospitalier en cas de pépin de santé? Pour trouver ce qui nous convient, on voudra peut-être faire appel à un courtier immobilier de confiance qui connaît la région convoitée, le zonage, la règlementation municipale et qui pourra nous conseiller.
Après avoir cherché longtemps, Marianne Pereira et Jean-Robert Di Tomasso ont jeté leur dévolu, à l’automne 2022, sur un duplex à Val-David, avec un terrain de 18 000 pieds carrés, qui sera leur pied-à-terre à la retraite. Le logement du bas est actuellement loué à l’année. Le couple aurait aimé la région du mont Shefford ou Orford en raison de la belle végétation tout en évitant d’être trop près des terres agricoles où il y a de l’épandage de pesticides et des mauvaises odeurs, mais les prix étaient inabordables. Pour eux, la facilité à louer était un critère primordial afin d’avoir une plus grande marge de manœuvre financière à long terme. Comme il y a une forte demande pour la location dans les Laurentides et que le parc immobilier y est plus imposant, ils ont accepté d’envisager habiter dans cette région, malgré la plus forte présence de moustiques qu’en Estrie. La possibilité de s’y rendre en moins de 90 minutes en voiture était aussi un point crucial pour eux.
L’achat d’un chalet, il faut le dire comporte aussi un aspect émotif. «On peut se laisser attirer par un premier coup d’œil et une belle déco, mentionne Marc Bonenfant. On s’imagine déjà y vivre. Mais on doit aller au-delà des apparences, en comprenant les tenants et aboutissants de la propriété.»
«Pour nous, le plus important était le squelette de la propriété, dit Marianne Pereira. On a examiné attentivement la toiture, les fenêtres, la plomberie, l’isolation et le vide sanitaire.» Quand on achète, on veut aussi vérifier soi-même d’éventuelles limitations en contactant la municipalité, afin d’en connaître toute la règlementation. Pas question de se fier seulement au voisinage. Est-ce que le lac autorise l’usage des bateaux à moteur? La berge appartient-elle à la ville ou au propriétaire du chalet? On n’oublie pas non plus de consulter l’association des riverains, qui pourrait imposer des règles plus strictes.
Autres aspects à considérer: y a-t-il des fourmis, des mulots? Si le chalet est en bois, ça peut causer des ennuis. Qu’en est-il des infiltrations d’eau? Si le taux d’humidité est anormalement élevé, ça pourrait entraîner une contamination fongique. Et même si la toiture a été refaite récemment, mais qu’elle a déjà subi une infiltration d’eau, il pourrait y avoir un problème de moisissure dans un mur.
La personne qui met sa résidence en vente doit par ailleurs remplir le formulaire «Déclaration du vendeur», où celui-ci détaille l’état de la propriété, d’après tout ce qu’il en sait. Ce document obligatoire doit être signé par le vendeur, et l’acheteur doit en accuser réception. Mieux vaut donc le lire attentivement, même si ça ne remplace aucunement une inspection en bonne et due forme.
Le budget dont on dispose s’avère un autre outil important pour prendre une décision d’achat. On peut demander une préapprobation hypothécaire et prévoir le coût des paiements mensuels, des taxes et des assurances. Avant de présenter une offre, on budgète les travaux à faire et l’entretien. Dans le cas d’une propriété au bord de l’eau ou en montagne, il faut anticiper les frais pour changer la fosse septique et le champ d’épuration, par exemple. «Ces installations sanitaires ont une durée de vie estimée à 25-30 ans. Il faut donc en connaître l’âge et la condition. Il peut en coûter des dizaines de milliers de dollars pour les remplacer », rappelle Marc Bonenfant. Dans le cas d’un puits artésien, il est recommandé de procéder à un test d’eau. Un inspecteur en bâtiment qualifié avec une expertise dans le domaine devrait en faire l’inspection avant l’achat. L’objectif est de vérifier la qualité de l’eau, son débit et l’état des différents équipements, incluant la fosse septique. « On ne doit pas seulement lire la déclaration du vendeur qui mentionne l’âge des installations. On veut savoir si un problème pourrait survenir sous peu», ajoute le courtier immobilier.
Location: attention!
Les gens qui envisagent de louer leur résidence secondaire doivent bien se renseigner auprès de la municipalité avant de déposer une offre d’achat. Il existe deux types de location: à court terme (31 jours ou moins) et à long terme. Dans le premier cas, la résidence sera visée par la Loi sur les établissements d’hébergement touristique. Il faut donc obtenir une attestation écrite de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Cette dernière attribue une classification sous forme d’étoiles, selon divers critères comme la dimension des lieux, les équipements offerts et l’emplacement. Le prix de location dépendra de ce nombre d’étoiles. Et ça intéresse tous ceux et celles qui veulent louer un chalet à la nuitée, pour une fin de semaine ou toute la semaine sur des sites tels que Airbnb, Expedia, Booking, Facebook, WeChalet, etc.
La location à court terme implique également l’obtention d’un avis de conformité municipale et l’enregistrement auprès de la CITQ, en plus d’une preuve d’assurance responsabilité civile d’au moins deux millions de dollars. Il y a aussi des droits payables annuellement. Les plateformes numériques d’hébergement exigent souvent des frais pour annoncer sur leurs sites. Il faut également prendre des photos.
Par ailleurs, la règlementation municipale peut restreindre ou interdire la location à court terme. Dans le cas d’une copropriété divise, on doit vérifier la déclaration de copropriété qui spécifie si elle permet – ou pas – l’exploitation d’un logement à des fins touristiques, ou encore obtenir l’autorisation du syndicat des copropriétaires. S’il s’agit d’une copropriété indivise, il faut recevoir l’autorisation de tous les copropriétaires.
«Plusieurs municipalités vont également zoner les locations à court terme comme un secteur commercial. Ça peut doubler les taxes municipales des propriétaires», souligne Marc Bonenfant. Quant aux assurances, certaines compagnies vont refuser d’assurer une propriété louée à court terme.
Inversement, si on veut jouir en toute quiétude de son condo, on voudra s’assurer qu’il n’y pas de location à court terme dans l’immeuble qu’on reluque. «On a beaucoup vanté les avantages des locations à court terme, mais il faut se demander si on a le goût de faire le ménage tous les deux ou trois jours dans un endroit où les gens ont fait la fête, met en garde Marc Bonenfant, sans parler du bruit et des dommages parfois infligés à notre propriété.»
À cet égard, la pénurie de main-d’œuvre n’épargne pas les aides ménagères, de plus en plus difficiles à trouver… et aussi plus coûteuses. Il faudra compter une centaine de dollars et parfois bien plus pour un bon nettoyage. Afin de se faciliter la vie, on pourrait confier l’entretien et les réservations de sa résidence secondaire à une entreprise spécialisée dans la gestion locative et la conciergerie. Il faudra alors s’attendre à verser entre 10% et 20% de ses revenus locatifs.
Quant à la location à long terme (plus de 31 jours), elle est moins contraignante et nécessite simplement la signature d’un bail. Un snowbird qui souhaite louer son chalet ou son condo pendant la période des Fêtes ou pour la saison hivernale pourra rentabiliser son achat s’il peut le louer durant plusieurs mois. Pour rentabiliser une location à long terme, il faut être prêt à louer pendant la haute saison ou lorsque la demande est élevée, comme durant la période des Fêtes, les vacances de la construction, la relâche scolaire, la saison de la pêche, etc.
Qu’il s’agisse de louer à court ou à long terme, il est difficile de prédire le taux de rentabilité lié à la location de sa résidence secondaire. Tout dépend du taux d’occupation et des revenus générés nets des frais de gestion et autres dépenses.
À ce propos, il faut également détenir une assurance responsabilité civile de deux millions et tenir compte que les revenus de location sont imposables. On peut cependant déduire certains frais en proportion du nombre de mois de location. «Même quand on connaît l’immobilier, il est fortement recommandé de faire appel à un bon comptable ou fiscaliste qui pourra nous conseiller afin de nous faire épargner de l’impôt», recommande Marc Bonenfant. On doit également magasiner ses assurances. Car un chalet rarement habité ou loué pourrait coûter beaucoup plus cher en frais d’assurance (incendie, dégât d’eau, responsabilité civile). Même chose s’il n’y a pas de borne-fontaine à proximité.
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