Au Québec, on prévoit que 47,6% des couples divorceront dans les 30 ans suivant le mariage. Bien des ruptures ont lieu après quelques années de vie commune. C’est ainsi que Françoise a quitté Robert après trois ans de vie à deux. À 58 ans, cette séparation l’a profondément remuée. «Je voulais tellement que, cette fois-là, ce soit la bonne. Avec la cohabitation, notre relation s’est dégradée. L’échec fait mal. C’est pénible de se retrouver seule, encore…» D’autres séparations surviennent plus tardivement. «S’il me reste une année à vivre, je veux la vivre en paix!», confiait à Jeanne sa voisine de résidence qui venait de se séparer à 82 ans après plus de 60 ans de mariage.
Un deuil à vivre
Vivre une rupture est toujours difficile, même quand on est celui ou celle qui part. On a tous un deuil à vivre. Deuil du couple, de la famille, deuil du rêve de vieillir à deux…
Une séparation, un divorce, «c’est un cataclysme, un tremblement de terre. Tout s’effondre», reconnaît Nicole Desjardins, travailleuse sociale, sexologue, thérapeute conjugale et familiale. Certains vivent cela comme un échec. Or, ce n’est pas un échec, mais une étape de vie.
Plusieurs s’aperçoivent d’ailleurs, après un certain temps, que la rupture a été bénéfique, qu’elle a permis de gagner un nouveau bien-être ou de découvrir des aspects de soi. Mais avant d’accéder à une certaine sérénité, il faut accepter la perte et ses répercussions, et passer à travers ces grandes étapes du deuil que sont la négation, la colère et la tristesse.
Durant les premiers jours, les premières semaines, on est en état de choc. C’est la crise, l’angoisse, le vide. On peut avoir tendance à nier la réalité, à croire que l’autre va changer d’idée, que les choses vont se tasser. Lorsque le choc s’estompe, l’absence nous rattrape. On vit un grand chagrin. Il arrive alors que l’on dorme mal, que l’on manque d’énergie, d’appétit, que l’on se sente désorganisé, dépassé, désorienté… Au chagrin se mêlent colère et culpabilité. On en veut à l’autre, on s’en veut à soi-même. On regrette ce que l’on aurait dû dire, ce que l’on aurait pu faire…
Prendre soin de soi
«Il ne faut escamoter ni la colère ni la tristesse, mais vivre sa peine, et à froid dans la mesure du possible», dit Nicole Desjardins en expliquant qu’une période de désespoir suit la colère. D’aucuns y sombrent pendant quelques semaines, voire quelques mois, et en émergent d’autant plus facilement qu’ils sont entourés d’un solide réseau. D’autres ne se relèvent pas et vivent de véritables dépressions qui nécessitent non seulement le soutien d’un psychothérapeute, mais celui d’un médecin qui leur prescrira parfois des antidépresseurs pour les aider à se reconstruire. Jamais on ne doit hésiter à consulter.
Vient un jour où l’on recommence à sourire, à s’occuper de soi. On garde la tête hors de l’eau, même s’il arrive qu’on se laisse parfois emporter par une vague de fond, ce qui se produit souvent au moment d’anniversaires ou d’événements particuliers qui nous replongent dans le deuil. Comme il arrive que l’on se sente coupable d’être bien ou d’établir de nouvelles relations…
Prendre soin de soi
Le divorce est un cataclysme qui touche tous les aspects de la vie. D’autres relations se perdent dans son sillon. Qui gardera des liens avec qui? Est-ce que l’on aura encore le goût de voir les gens que l’on voyait en couple? Si l’on n’avait pas ou peu d’amis à soi, on est confronté à la solitude. Comment l’apprivoiser?
«D’abord en se laissant guider par un coup de cœur pour trouver un lieu de vie qui nous ressemble et où l’on sera bien, conseille Sheryl Gaudet, travailleuse sociale et thérapeute conjugale et familiale. C’est un excellent investissement! Puis en renouant avec ce qui nous intéressait avant, avec les sports et les loisirs qui nous faisaient du bien.»
C’est le moment de prévoir des activités à pratiquer, de s’organiser, de se faire un programme, de s’inscrire à des cours, de s’abonner à un centre de conditionnement physique, de joindre un club de marche… Bref, de se traiter comme on traiterait sa meilleure amie en prenant soin de ne pas se couper des autres, mais de s’entourer de gens, d’animaux, de plantes, d’objets qui nous parlent…
«Il faut prendre soin de soi, résume Sheryl Gaudet. S’entourer de sa famille, refaire ses forces et croire que l’on est plus que la moitié d’un couple.» La thérapeute conjugale et familiale concède que la solitude sera plus pénible si l’on n’est pas financièrement autonome et reconnaît qu’il n’est pas facile de trouver du travail à 50 ans, surtout si l’on a été éloigné du marché pendant un certain temps. Elle constate aussi que plusieurs femmes doivent revoir leurs rêves de retraite après un divorce. «C’est le moment de consulter un planificateur financier ou un conseiller d’une ACEF pour établir un budget conforme à la nouvelle réalité financière qui permettra une retraite agréable», rappelle-t-elle.
Enfants, petits-enfants
Enfants, petits-enfants
Dans certains cas, les enfants incitent leurs parents à se séparer, dans d’autres, même adultes, ils réagissent mal. Eux aussi ont un deuil à vivre. «Ils souffrent, explique Nicole Desjardins. Ils perdent leur image de la famille idéale. S’ils sont en couple, la rupture peut remettre en question leur vie de couple. Plusieurs ont tendance à faire alliance avec le parent le plus vulnérable, ajoute-t-elle. L’autre parent ne doit pas le prendre trop personnel!»
La thérapeute invite les parents «surprotégés» à mettre leurs limites, à rappeler à leurs enfants que, même s’ils apprécient leur empathie, l’autre parent reste leur parent. Elle suggère aussi d’établir avec eux la forme, même transitoire, que prendront désormais les rituels, sans les deux parents ou en attendant qu’il soit possible de les réunir sans heurt.
Sheryl Gaudet incite pour sa part les parents à rencontrer leurs enfants (sans conjoints ni petits-enfants) ensemble, si c’est possible, ou l’un après l’autre, pour établir de nouvelles normes. Et pour les inviter à ne pas prendre parti, à rester hors de la mêlée et à expliquer à leurs enfants que papi ou mamie continueront d’aimer et de voir leurs petits-enfants même s’ils n’habitent plus ensemble.
Quand on nous dit que l’on se sortira grandi d’une séparation ou d’un divorce, on ne veut rien entendre. Pourtant, après un deuil de un an ou deux, bien des gens avouent être mieux que jamais. Mais il faut «être patient, dit Nicole Desjardins. Se donner le temps de vivre sa souffrance. Donner le temps aux autres, aux enfants, aux petits-enfants… de vivre la leur.
La médiation
La médiation
Nicole Desjardins, thérapeute conjugale et familiale, suggère à tous de se prévaloir des services d’un médiateur pour tout ce qui est d’intérêt financier et d’un second médiateur pour tout ce qui concerne l’aspect psychologique de la rupture.
Une séance de médiation permet d’élaborer une entente de partage équitable des biens en s’assurant de ne rien oublier ou de ne pas accepter n’importe quoi. Surtout qu’il arrive souvent que l’un des conjoints soit mieux informé que l’autre de la situation financière du couple. En médiation, chacun exprime ses besoins, s’efforce de comprendre l’intérêt commun et présente des solutions sous le regard impartial d’un médiateur qui ne prend pas parti, mais sert de guide. Gratuits pour les couples avec enfants à charge, les services d’un médiateur coûtent environ 95$ la séance.
Pour mieux vivre son deuil, sa peine, son chagrin
- Exprimer ses sentiments.
- Poursuivre ses tâches quotidiennes afin de ne pas se sentir dépassé.
- Dormir suffisamment, manger de façon équilibrée et faire de l’exercice régulièrement.
- Éviter l’alcool qui peut contribuer à se sentir plus déprimé.
- Reprendre sa routine habituelle le plus tôt possible.
- Reporter les décisions importantes.
- Se donner la permission de vivre son deuil – de pleurer, de se sentir vidé, révolté, ou d’éprouver tout autre sentiment.
- Demander de l’aide au besoin.
«Si des troubles d’alimentation, de sommeil ou de concentration persistent au-delà de la première ou de la deuxième semaine, consultez votre médecin de famille. Ces signes sont peut-être des indices de dépression. Votre médecin pourra vous aider à surmonter cette perte», lit-on sur le site du Collège des médecins de famille du Canada. Source : Collège des médecins de famille du Canada, www.cfpc.ca.
Des ressources
Ano-Sep (Anonyme séparée) offre soutien et entraide aux femmes séparées ou divorcées de la grande région de Montréal. Tél. : (514) 277-9870.
Inform’Elle, centre d’information juridique et de médiation familiale. Tél. : (450) 443-8221 et 1-877-443-8221.
mise à jour le 2007-06-17
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