La copropriété où se trouve le condo que vous convoitez est-elle bien gérée et, aussi, bien assurée? Le fonds de réserve est-il convenablement garni? Mieux vaut vous en informer avant de signer.
En achetant un appartement en copropriété divise, vous devenez propriétaire de votre logement, mais aussi copropriétaire des espaces communs (toit, couloirs, terrain, garage, ascenseurs, escaliers, etc.) d’un immeuble dont vous partagerez la responsabilité ainsi que les frais d’entretien et de réparation. Que se passera-t-il lorsque le toit devra être refait ou les ascenseurs remplacés? Le coût de ces travaux est-il prévu au budget de la copropriété? En cas de sinistre, qui vous dédommagera pour les réparations à faire dans votre condo? Des cotisations spéciales sont-elles à prévoir dans un ou deux ans? Les frais de condo sont-ils trop bas, bien utilisés?
En copropriété divise, toutes les décisions de ce type sont prises par les administrateurs du syndicat, élus par l’assemblée générale des copropriétaires dont vous ferez partie. Des décisions avec lesquelles vous devrez composer.
D’où l’importance d’obtenir des réponses avant de vous engager. «Bien des gens achètent sans vraiment avoir vérifié la santé financière de l’immeuble, ni lu tous les documents témoignant de la gestion de la copropriété, soutient Me Benoit Prud’homme, notaire chez PDF Notaires. Plusieurs font aussi l’erreur de croire que leurs responsabilités se limitent à leur condo. Même s’il s’agit d’un appartement dans un immeuble, vous n’êtes pas un simple locataire, mais bien un copropriétaire.» Les réponses à ces questions se trouvent dans quelques documents dont vous devez exiger copie et que vous devez surtout lire attentivement.
Les documents clés de la copropriété divise
L’obtention de ces différents documents devrait d’ailleurs faire l’objet d’une condition sur votre offre d’achat. Dans le cas d’un immeuble neuf ou en construction, les documents diffèrent de ceux d’un bâtiment déjà existant, mais exigent la même vigilance.
Le vendeur peut vous fournir une copie de certains de ces documents ou vous en faciliter l’accès en en faisant la demande auprès du syndicat. «Un bon courtier immobilier devrait demander au vendeur de fournir les documents nécessaires ou vous aider à les obtenir. Il doit également faire remplir une Déclaration du vendeur accompagnant l’offre d’achat. Le vendeur doit y déclarer toutes les informations pertinentes qu’il détient sur le condo et la copropriété», explique Me Yves Joli-Coeur, avocat émérite et secrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec(RGCQ).
Le syndicat refuse de fournir certains de ces documents? C’est mauvais signe. Une bonne gestion devrait être transparente et les documents devraient être disponibles. Mieux vaut peut-être chercher ailleurs l’appartement de vos rêves…
Outre le certificat de localisation et les autres documents relatifs à toute vente immobilière, vous devriez obtenir:
La déclaration de copropriété.
Cet acte notarié est constitué de trois éléments:
L’acte constitutif, qui décrit notamment les parties privatives et communes, le règlement de l’immeuble et l’acte descriptif. Le règlement inclut par exemple les modalités de perception des charges communes (appelés souvent «frais de condo») et des cotisations spéciales ainsi que toutes les règles qui ont été adoptées (bruit, gestion des déchets et recyclage, animaux domestiques, etc.).
Les procès-verbaux. Exigez d’obtenir ceux de l’assemblée générale des copropriétaires et également ceux du conseil d’administration du syndicat pour les deux ou trois dernières années. Leur lecture vous informera sur la qualité de la gestion, sur la nature d’éventuels conflits au sein de la copropriété, sur les travaux qui ont été effectués et ceux qui devront l’être. Toutes les informations que vous y trouverez-vous permettront d’évaluer si le fonctionnement de la copropriété vous convient.
Le budget prévisionnel de l’année en cours et des trois précédentes ainsi que les états financiers. Vous saurez ainsi comment sont utilisés les frais de condo, quel pourcentage est attribué au fonds de prévoyance, si les primes d’assurance sont payées, et l’état des finances. Le budget prévisionnel devrait inclure les dépenses prévues pour le fonds de prévoyance.
Un rapport d’évaluation indiquant le coût de remplacement (valeur à neuf) de l’immeuble (parties privatives et communes incluses).
Les assurances
La police d’assurance de la copropriété
Exigez une copie complète de la police pour connaître tous les détails de la couverture. Le montant prévu pour le remplacement (valeur à neuf) correspond- il au rapport d’évaluation de l’immeuble? Quelle est la franchise exigible? Dans certains cas, elle atteint des centaines de milliers de dollars. Vous devrez alors vous assurer en conséquence.
L’état des charges communes sur le condo que vous achetez. Si le vendeur n’a pas acquitté ses frais de condo ou ses cotisations spéciales, vous serez tenu de les payer. L’article 1069 du Code civil prévoit que le syndicat doit fournir un état des charges communes dans les 15 jours suivant la demande. Votre notaire doit obtenir cet état de compte, il doit également vérifier que le syndicat n’a pas levé une hypothèque légale sur le condo pour défaut de paiement et que la copropriété ne fait pas l’objet d’une poursuite.
Assurances: ce qu’il faut savoir
La loi prévoit que c’est le syndicat qui doit assurer à la fois les parties communes et privatives de l’ensemble de l’immeuble, sauf les améliorations apportées aux parties privatives. En clair, votre condo, tel qu’il était au moment de l’évaluation pour l’assurance, est couvert par l’assurance collective, mais si vous avez fait des rénovations et augmenté sa valeur, vous devrez vous assurer pour cette plus-value. En cas de sinistre, votre assurance ne couvrira que cette portion. D’où l’importance d’une assurance collective offrant une couverture suffisante.
Autre point à vérifier: la franchise prévue à l’assurance collective. Si elle est trop élevée, la facture de chaque propriétaire sera salée. Il existe des assurances pour insuffisance d’assurance. Informez-vous auprès d’un courtier qui vérifiera la police collective et vous suggèrera les couvertures adéquates. Finalement, la police collective doit inclure une assurance pour les administrateurs (responsabilités, actes et décisions prises dans l’exercice de leurs fonctions).
Frais de condo et cotisations
Les frais de condo… un point sensible
Si séduisants qu’ils soient, des frais de condo trop bas se traduisent souvent par un mauvais entretien de l’immeuble et des réserves insuffisantes dans le fonds de prévoyance. Ces frais sont fixés à partir du budget prévisionnel et de la répartition des dépenses. Il n’y a pas de règle ou de taux fixe, et ils varient beaucoup d’une copropriété à l’autre. Différents critères comme le type de services et d’entretien prévus au règlement, le nombre d’unités, le pourcentage prévu pour le fonds de prévoyance, etc., peuvent influer sur le montant des frais. À noter: ces charges communes pourraient être augmentées de façon substantielle au cours des années, selon la santé financière de la copropriété. Pourrez-vous faire face à de telles hausses?
Les cotisations spéciales
Il s’agit de frais ponctuels dont doivent s’acquitter tous les copropriétaires lorsque le budget ne suffit pas à couvrir des dépenses urgentes et qui ne pouvaient être prévues au budget, ou encore des dépenses nécessaires qui excèdent le budget. Pour ce faire, le CA doit soumettre à l’assemblée générale un budget spécial. Ces cotisations peuvent atteindre plusieurs milliers de dollars par unité, selon l’étendue des travaux. En consultant les procès-verbaux, vous saurez si on y a eu recours récemment ou si on compte le faire prochainement. À prévoir dans votre bas de laine…
Le fonds de prévoyance
Les administrateurs du syndicat ont l’obligation de constituer un fonds de prévoyance pour faire face aux réparations majeures et aux frais de remplacement des parties communes (toiture, système de chauffage, ascenseurs, etc.). La loi stipule que la contribution des copropriétaires à ce fonds est d’au moins 5% de leurs frais de condo. Mais cette norme minimale de 5% est jugée désuète aujourd’hui par de nombreux experts, car, dans bien des cas, les frais de condo sont trop bas. Les sommes ainsi accumulées n’arrivent pas à couvrir des dépenses qui peuvent se chiffrer en dizaines, voire en centaines de milliers de dollars.
Faut-il imposer un pourcentage plus élevé? «Pour notre part, nous estimons que le fonds de prévoyance doit équivaloir à la moitié de 1% de la valeur de remplacement de l’immeuble, soutient Michel G. Brisebois, président de l’Association des syndicats de copropriétés du Québec. Si l’immeuble vaut 10 millions de dollars, 50 000$ sont alors versés annuellement dans ce fonds. » Ces sommes doivent être divisées par 12 (les mois dans une année), puis par le nombre d’unités. Ce simple calcul suffit parfois à démontrer que 5% des frais de condo ne suffiront pas pour faire face au vieillissement de l’immeuble.
Même son de cloche du côté du comité consultatif sur la copropriété, qui a déposé en novembre 2012 un rapport préconisant un resserrement des normes financières et des règles relatives aux copropriétés. Mais le projet de loi qui devait suivre ce rapport se fait toujours attendre.
L’étude du fonds de prévoyance
Les experts du comité estiment que cette norme de la moitié de 1% de la valeur de remplacement devrait être temporaire et révisée après une étude du fonds de prévoyance. Selon eux, «seule une étude du fonds de prévoyance peut permettre de déterminer avec précision les cotisations mensuelles requises pour assurer la réalisation des travaux majeurs au moment opportun».
Réalisée par des technologues en bâtiment, une telle étude indique les travaux majeurs à prévoir selon un échéancier et les coûts estimés pour ces travaux. D’après les auteurs du rapport du comité consultatif, une étude dont les coûts varient entre 65$ et 100$ par unité, selon la taille des copropriétés, peut éviter bien des écueils.
L’étude de prévoyance (si elle a été réalisée) ainsi que le plan d’entretien préventif dont elle devrait être assortie doivent être déposés au Registre de la copropriété. Vous pouvez en demander une copie afin de vous assurer que le fonds de prévoyance est suffisamment garni. Si l’immeuble où vous compter acheter a plus de 15 ou 20 ans, il y a fort à parier que des travaux importants seront bientôt à faire, et ce risque augmente avec l’âge du bâtiment.
Gestionnaires et copropriété indivise
Les gestionnaires de copropriétés
Le syndicat de la copropriété peut faire appel à une firme de gestion spécialisée pour gérer l’immeuble. Ces gestionnaires doivent toutefois rendre des comptes au CA du syndicat, qui doit rester vigilant et s’assurer que tout est fait dans les règles de l’art. Plusieurs experts, notamment Me Yves Joli-Coeur du RGCQ, souhaitent que Québec légifère pour encadrer la pratique des gestionnaires de condo et assurer une meilleure protection aux copropriétaires et à leurs syndicats.
Et la copropriété indivise?
La copropriété indivise est soumise à des règles différentes. Dans cette formule, vous n’êtes pas propriétaire de votre appartement, mais bien d’une quotepart (un pourcentage) de l’ensemble de l’immeuble, déterminée selon différents paramètres. Dans son livre, paru récemment aux Éditions Wilson & Lafleur, Achat et vente d’un condo, tout ce qu’il faut savoir, Me Yves Joli-Coeur recommande fortement aux copropriétaires en indivise de faire rédiger une convention d’indivision qui stipule, par exemple, qui occupe tel ou tel logement, qui a droit au stationnement et à la cour, ainsi que les modalités de vente de la quotepart de chaque copropriétaire. «Sans cette convention, qui est d’ailleurs souvent exigée par les banques avant qu’elles accordent un prêt hypothécaire, la copropriété indivise risque d’être dysfonctionnelle», conclut Me Joli-Coeur.
Demande de renseignements et liens utiles
La demande de renseignements
Vous trouverez sur le site de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), (www.ocaiq.com) de nombreux formulaires types à imprimer et qui peuvent vous aider dans vos diférentes démarches d’achat, dont la Déclaration du vendeur et La demande de renseignements au syndicat des copropriétaires (DRCOP).
À consulter
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Achat et vente d’un condo, tout ce qu’il faut savoir, Yves Joli-Coeur, Éditions Wilson & Lafleur, 2014, 24,95$
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Guide pratique de la copropriété, Éditions Protégez-Vous, 2011, 12,95$
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Site de l’OACIQ: www.oaciq.com
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Site d’information générale sur la copropriété: www.condolegal.com
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Site de l’Association des syndicats de copropriétés du Québec : www.ascq.qc.ca
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Site du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec: www.rgcq.org
«Le site de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) (www.oaciq.com) présente de nombreux formulaires types, dont la Déclaration du vendeur et la Demande de renseignements au syndicat des copropriétaires (DRCOP). Ces formulaires peuvent être consultés mais on ne peut les imprimer, car leur usage est réservé aux courtiers immobiliers et hypothécaires.»
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