Se comparer aux autres: une arme à deux tranchants
Bien malin qui peut dire qu’il ne se compare jamais aux autres. En réalité, tout le monde le fait, mais à des degrés divers. On le fait souvent même sans s’en rendre compte, ce qui, de prime abord, n’est pas bien grave. Selon la psychologue Josée Jacques, il s’agit, en effet, d’une réaction humaine normale, inculquée dès le plus jeune âge. «Nos parents nous comparaient à la fratrie et aux bambins de l’entourage. À l’école, on était classés par rapport aux notes et aux performances. On utilisait nous-mêmes la comparaison pour obtenir certains privilèges, comme la possibilité de se coucher plus tard que le benjamin. Bref, on a développé notre identité, notre confiance et notre estime de soi en étant comparés, mais aussi en nous comparant aux autres enfants. Chacun se situait selon qu’il était pareil, meilleur, différent, moins bon. En vieillissant, la plupart des adultes s’affranchissent un peu de ce mécanisme, mais jamais complètement. On sait cependant que, plus l’estime de soi est élevée et plus on est satisfait de ce qu’on est, moins on a tendance à se comparer aux autres.»
Car, il faut bien l’admettre, la comparaison est une arme à double tranchant. Elle peut être positive ou négative, selon la façon dont on s’en sert. «La comparaison est saine lorsqu’on s’en sert pour nous évaluer afin de nous améliorer, de progresser et de devenir encore plus nous-mêmes, rappelle la psychologue Brigitte Hénault. En revanche, si elle a pour objectif de nous prouver qu’on n’est pas correct, qu’on pourrait faire mieux, qu’on ne vaut pas la peine, qu’on n’est pas aussi bien nanti que le voisin ou, au contraire, qu’on est mieux que les autres, alors là, c’est carrément destructeur. Même effet si elle nous empêche d’apprécier ce que nous avons. La comparaison ne doit pas servir à envier quelqu’un ou à se diminuer, mais à s’inspirer et à se prendre en main pour être mieux dans sa peau.»
Les types de comparaisons
Selon la théorie de la comparaison sociale, il existe trois types de comparaisons.
Latérale.
Dans la comparaison latérale, on se compare à une personne ou à un groupe qu’on considère identique à soi ou de même niveau que soi (âge, forme physique, sexe, compétences intellectuelles, etc.). «On développe un lien d’appartenance à un groupe de référence, souligne la psychologue Stéphanie Léonard. C’est le cas des athlètes de même discipline et de même calibre qui sont comparés entre eux. Ce type de comparaison est notamment pertinent quand on souhaite évaluer nos propres performances.» Il permet également de conforter nos opinions et de valider nos goûts et nos choix. Exemple: en nous comparant à nos collègues qui occupent un poste semblable au nôtre, on peut vérifier que notre look vestimentaire n’est pas déplacé par rapport à notre travail.
Ascendante.
Dans la comparaison ascendante, on se compare à une personne qu’on estime meilleure ou supérieure à soi, ou encore plus avantagée, physiquement ou matériellement par exemple. La plupart des gens font partie de ce groupe. «Ce type de comparaison permet parfois de s’identifier à un modèle positif et de se motiver à aller de l’avant, reconnaît Josée Jacques. Mais cela provoque le plus souvent l’effet inverse, soit nous dévaloriser et affaiblir notre estime de soi. On aura en effet tendance à accorder trop d’importance et de pouvoir à ceux qui nous semblent meilleurs ou plus avantagés que nous, et à nous évaluer en fonction d’eux plutôt qu’en fonction de ce qu’on est vraiment. On devient ainsi dépendant des autres.» Les exemples ne manquent pas: on compare notre relation amoureuse à celle de l’amie qui affirme vivre une vie amoureuse passionnée, notre vie familiale à celle d’un collègue qui se vante d’avoir des enfants exceptionnels, nos biens à ceux de notre voisin nanti, notre poids à celui d’une belle-soeur super mince, etc. D’où une perpétuelle quête vers un idéal utopique et une éternelle insatisfaction.
Descendante.
Dans la comparaison descendante, on se compare à quelqu’un qu’on juge moins bon ou moins performant que soi, et ce, dans le but de se donner plus de valeur, de se sentir supérieur, de redorer son image. Par exemple, on compare son salaire à celui d’un collègue qui occupe un poste moins prestigieux, ou encore ses habiletés manuelles avec celles d’un ami peu bricoleur. «Habituellement, quand on se compare, on vise à se démarquer, à être reconnu, explique Brigitte Hénault. Et c’est normal, dans la mesure où on ne le fait pas au détriment des autres. Malheureusement, les personnes jalouses, orgueilleuses, envieuses ou ayant une faible estime d’elles-mêmes ont souvent tendance à se comparer aux plus faibles, et parfois même à chercher à les écraser, pour préserver leur image, augmenter leur estime, se valoriser et épater la galerie. Mais en agissant ainsi, elles risquent de devenir narcissiques, de faire le vide autour d’elles et, bien sûr, d’être malheureuses.»
Lâcher prise et vivre pour soi
Êtes-vous de ces personnes qui se sentent moins belles, moins intelligentes ou moins intéressantes lorsqu’elles se comparent aux autres? Êtes-vous du genre à vouloir acheter toujours plus gros que les autres? Au travail, vous sentez-vous nul devant le collègue qui monopolise l’attention durant les réunions? Dites-vous souvent: «Pourquoi lui et pas moi?» ou «J’ai tout pour être heureux, et pourtant je ne suis jamais satisfait?» Sachez que vous n’êtes pas seul. Mais cela ne donne pas satisfaction pour autant.
«Être constamment dans la comparaison, c’est épuisant, confie Brigitte Hénault. Parce qu’on est toujours dans le manque, la frustration ou le malheur. Par exemple, on peut penser que l’achat d’une voiture de luxe nous rendra heureux. Mais on constatera rapidement que ce bonheur est éphémère et que, au final, on ne se sent pas mieux. Alors, on repartira à la quête d’un autre buzz.
Il arrive aussi souvent qu’on se compare tout simplement pour se fondre dans la masse, pour répondre aux normes fixées par la société. Il suffit de penser à la mode, à la décoration ou aux voitures. Le problème, c’est que les normes changent rapidement. Il faut donc se réadapter continuellement si l’on veut être dans le train. On finit par s’oublier et par nier ses propres goûts. Et l’on peut se mettre à avoir peur de tout: d’engraisser, d’être jugé, de ne pas plaire, d’être rejeté, etc. La comparaison devient malsaine. Par conséquent, lorsqu’on arrête de se comparer aux autres en toutes circonstances, on se permet de lâcher prise, de reprendre sa vie en main, et on réussit à vivre heureux.»
Comment cesser de se comparer
Évidemment, il ne suffit pas de le vouloir pour que cette habitude soit éliminée. Et il n’existe pas de méthode infaillible pour y arriver. En revanche, quelques gestes judicieux et de la persévérance peuvent faire une grande différence.
Prenez conscience de cette habitude et de ses effets sur vous.
Peut-être n’avez-vous pas conscience de vous comparer sans cesse aux autres, ni des effets que cela a sur vous et votre vie. Observez-vous au quotidien afin de réaliser l’ampleur du phénomène.
Modifiez votre façon de penser.
Pourquoi et à qui vous comparez-vous? La comparaison engendre-t-elle des pensées négatives ? Si oui, remplacez-les par des idées positives. Exemple: au lieu de croire que votre voisine est mieux que vous parce qu’elle désherbe ses plates-bandes pendant que vous lisez, songez plutôt que ça vous plaît de vous accorder le droit de lire et de vous détendre.
Comparez-vous à vous-même.
Il ne s’agit pas de vous contenter de ce que vous avez, mais d’en profiter avec plaisir, et d’être capable d’apprécier vos succès et vos forces. Demandez-vous: «Est-ce que j’ai progressé dans mes compétences? Dans ma forme physique? Dans ma satisfaction face à ma vie professionnelle, familiale et sociale? Est-ce que j’ai l’impression de devenir une meilleure personne?» C’est une excellente façon d’évoluer et d’avancer.
Réagissez sur le fait.
Le truc de Brigitte Hénault: porter un élastique autour de son poignet. «Chaque fois qu’on se compare négativement aux autres, on tire sur l’élastique comme pour se dire: “Qu’est-ce que je suis en train de faire là?” C’est un geste concret qui nous ramène au moment présent.» Sinon, détournez illico vos pensées vers autre chose de plaisant. Avec le temps, cela deviendra un réflexe.
Tenez un journal.
Inscrivez-y chaque jour les gestes positifs de votre journée. Cela vous évitera de focaliser sur ce que les autres ont et sur ce que vous n’avez pas.
Relativisez.
«Il faut accepter que, peu importe où l’on est, il y aura toujours quelqu’un de plus intelligent, de plus riche, de plus beau et de meilleur que soi, et vice-versa, dit Stéphanie Léonard. Sans compter que, dans la comparaison, on ne voit que ce que l’on veut bien voir. On met généralement l’accent sur un aspect d’une personne, pas sur son entièreté. Pourtant, cela pourrait drôlement changer la perception qu’on a d’elle. Par ailleurs, quoi qu’on en pense, l’herbe n’est pas nécessairement plus verte chez le voisin. Mieux vaut se concentrer sur ce qu’on est vraiment et accorder plus d’importance à nos forces qu’à nos faiblesses.» Josée Jacques ajoute: «On peut se comparer en disant: “C’est vrai que j’ai moins voyagé que mon ami”, et voir cela comme une lacune ou un point négatif. Mais on peut aussi se dire: “Oui, mais j’ai une vie sociale bien remplie, j’ai investi à bon escient dans ma vie familiale, j’ai des activités qui me passionnent.”» Les différences entre vous et les autres peuvent être vos plus grands atouts, car elles vous donnent une couleur unique. Appréciez-les.
«Être constamment dans la comparaison, c’est épuisant. Parce qu’on est toujours dans le manque, la frustration ou le malheur. Lorsqu’on arrête de se comparer aux autres en toutes circonstances, on se permet de lâcher prise, de reprendre sa vie en main, et on réussit à vivre heureux.»
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