Pour un parfait voyage au sommet!

Pour un parfait voyage au sommet!

Par Guy Sabourin

Crédit photo: iStockphoto.com

Mexico niche à 2200 m au-dessus de la mer, le centreville de La Paz (Bolivie) à 3600 m – certains de ses quartiers atteignent même 4000 m –, Bogota à 2640 m, le site de Machu Picchu, au Pérou, à 2400 m, Quito, en Équateur, à 2800 m. Le sommet du mont Blanc trône à 4800 m et celui du Kilimandjaro à 5900 m.

Outre le fait d’avoir en commun ces hauteurs, qu’est-ce que ces destinations partagent d’autre? Elles sont toutes très populaires! Des dizaines de milliers de touristes, et certains plutôt âgés, s’y rendent chaque année, sans compter hommes et femmes d’affaires dont l’avion se pose quasiment dans les nuages. De nos jours, marcher sur les sommets du monde n’est plus une affaire de spécialistes.

Dangers physiologiques

Dangers physiologiques

Or, si l’on pense aux coups de soleil et aux infections potentielles quand on prépare sa trousse de voyage, il faut aussi prendre l’altitude très au sérieux. «Se déplacer à La Paz n’a rien à voir avec marcher dans la Baie des Chaleurs…», résume l’omnipraticienne et urgentiste Anne-Marie Charest, qui s’intéresse à la médecine en altitude et d’aventure. Elle a notamment cofondé l’Association québécoise de médecine de montagne et d’aventure, qui veut notamment sensibiliser les médecins aux dangers des hauteurs.

Selon elle, les dangers physiologiques de l’altitude restent largement méconnus, même si le père José de Acosta en avait déjà décrit les symptômes au XVIe siècle lors de la conquête espagnole dans les Andes, longtemps après les Chinois, un siècle avant Jésus-Christ, quand leurs caravanes franchissaient des cols à 4500 m sur la route de la soie…

Bruno Laberge, un quinquagénaire récemment rentré du Mexique, a trouvé laborieux de se déplacer à Mexico. «Sur la rue, je devais marcher lentement, me sentant à bout de souffle dès que j’accélérais. En haut de la vingtaine de marches conduisant à ma chambre d’hôtel, je devais m’arrêter une minute pour reprendre mon souffle. Pourtant, je suis en forme. Ma conjointe, elle, n’a pas eu ce problème.» «Respirer plus vite à partir d’environ 2500 m, c’est normal, précise Anne-Marie Charest. Il y a moins de pression, donc moins d’oxygène dans une bouffée d’air. Le cœur bat plus vite, à la recherche du carburant vital. Certains s’en rendent davantage compte que d’autres.» À partir du moment où l’essoufflement disparaît après quelques minutes de repos, il n’y a aucun problème: le corps est en train de s’adapter.

Mais l’acclimatation ne se fait pas toujours. À partir de 2000 m et jusqu’à 3000 m, 1 personne sur 5 souffre du mal aigu des montagnes (MAM). À 3000 m, on passe à 2 personnes sur 5. «En réalité, les problèmes commencent plus souvent à partir de 3000 m», précise Anne- Marie Charest. Si l’on s’en occupe bien, le MAM n’a rien de dramatique. L’important, c’est de le reconnaître et, quand il le faut, de prendre les bonnes décisions.

Symptômes

Premier symptôme, plus de 9 fois sur 10: des maux de tête. La majorité des personnes atteintes dorment mal. Aussi, 3 personnes sur 10 éprouvent des nausées, vomissent et n’ont pas d’appétit. Plusieurs se sentent faibles, épuisées physiquement et mentalement. S’ajoutent aussi des vertiges, un état proche de l’ébriété, le souffle court, même au repos.

Ici, tout devient affaire de jugement. En général, quand le mal de tête se règle avec des analgésiques ou des anti-inflammatoires ordinaires (acétaminophène, aspirine, etc.), pas de problème. On prend du repos et l’on s’acclimate peu à peu avant d’aller plus haut, à faible dose et pas trop vite. En revanche, si mal de tête et nausée persistent malgré les médicaments de base, il faut réagir, sinon la situation devient dangereuse.

Au cours d’un voyage en Équateur, en retournant sur leurs pas au plus vite, Claire Saint-Aubin et son groupe d’amis ont pris la bonne décision. «C’était très difficile, se souvient-elle. Premièrement, à ces hauteurs, je dormais mal. Pendant notre petite ascension entre l’endroit où le taxi nous a déposés, à 4800 m, et le chalet où s’arrêtent les randonneurs, à 5000 m, j’avais vraiment le souffle court. Je mettais péniblement un pied devant l’autre, je zigzaguais! Puis, j’ai été prise d’un intense mal de tête. Certains d’entre nous se sentaient épuisés ou avaient mal au cœur et vomissaient, tandis que d’autres, au contraire, montaient assez facilement. Voyant notre état, le guide nous a suggéré de redescendre à Riobamba au plus vite.» Après avoir séjourné quelques jours à Riobamba, à 3500 m, le temps de s’acclimater, un taxi les a conduits vers le mont Chimborazo (6200 m).

Tenir compte des symptômes, redescendre pour mieux s’acclimater, voire ne plus remonter si le MAM semble vouloir persister, voilà ce qu’il faut faire. Continuer de progresser malgré les symptômes, c’est mettre sa vie en jeu. Des gens meurent chaque année sur les sentiers du Kilimandjaro et ailleurs…

Complications

Complications 

Ignoré, le MAM peut évoluer et déclencher deux graves complications: l’œdème pulmonaire de haute altitude (OPHA) et l’œdème cérébral de haute altitude (OCHA). L’OPHA tue souvent – presque 1 personne sur 2 en l’absence de tout traitement, 1 fois sur 20 quand la personne souffrante a été redescendue et a reçu de l’oxygène.

Le MAM frappe sans discernement. La forme physique ne protège pas. Par contre, une personne qui ignore souffrir d’une maladie pulmonaire ou cardiaque peut avoir une très mauvaise surprise en altitude. En présence de maladie pulmonaire, il faut s’abstenir de voyager si haut. Passer voir son médecin avant d’aller en haute montagne s’avère une sage décision.

Quand descendre ?

Quand descendre? 

Il existe quelques outils pour diagnostiquer le MAM, dont le score de Hackett. Dès que vous totalisez 2 points, vous êtes atteint du MAM. Entre 1 et 3 points, vous souffrez d’un léger MAM, de 4 à 6 points, d’un MAM modéré, à 6 points et plus, vous êtes en danger: descendez au plus vite d’au moins 500 m et soignez-vous. Ne tentez de remonter, s’il le faut, qu’après disparition complète des symptômes, en retenant que la récidive est fréquente. «N’attendez pas d’en être rendu là pour descendre, recommande Anne-Marie Charest, d’autant plus qu’à ce stade, il est difficile de prendre de bonnes décisions. L’esprit ne fonctionne plus bien. D’où un autre conseil majeur: ne montez jamais seul et soyez en mesure d’identifier les symptômes chez vos compagnons, et vice versa.»

En cas de MAM léger ou modéré, il faut se reposer à la même altitude, prendre des analgésiques et ne repartir qu’à la disparition des symptômes, en modérant son allure.

Doucement !

Doucement!

Le principal danger: monter rapidement. À preuve, les skieurs éprouvant de grandes difficultés respiratoires – certains en sont morts – dans les stations de ski du Colorado alors que la remontée mécanique les dépose d’un coup à 4000 m.

On ne dira jamais assez à quel point il importe de s’acclimater. Ainsi, les randonneurs qui grimpent le Kilimandjaro en 6 jours plutôt qu’en 4 réduisent de 25% leur risque d’être atteints du MAM. «La règle de monter haut puis de dormir bas est le meilleur gage de succès pour les séjours en altitude», recommande Anne-Marie Charest. De combien faut-il redescendre pour dormir ? De 300 m à 500 m, idéalement. Les symptômes du MAM sont exacerbés la nuit et le matin.

Les femmes souffrent autant que les hommes du MAM, mais l’œdème localisé à la figure, aux poignets et aux chevilles les touche beaucoup plus souvent, un phénomène qu’explique la rétention d’eau en altitude. Aussi, faire de l’exercice musculaire intense en début de séjour en altitude favorise le MAM. Pour prévenir, en résumé, ne montez ni trop vite, ni trop haut. Si vous montez haut, dormez bas. Au-delà de 3000 m, la vitesse d’ascension ne devrait pas excéder de 300 m à 500 m de différence d’altitude entre deux nuits successives. Bref, courtes vacances font mauvais ménage avec hauts sommets…

Un médicament

Un médicament

Il existe un classique pour l’altitude: l’acétazolamide, ou Diamox, son nom commercial, seulement disponible sur ordonnance. En principe, les professionnels de la santé des cliniques de voyage le connaissent et peuvent vous en prescrire, au besoin, et vous montrer comment l’utiliser et pourquoi. À ne pas prendre à la légère: écoutez attentivement votre médecin.

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