Quel antidouleur pour quoi?

Quel antidouleur pour quoi?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: Thought Catalog via Unsplash

Acétaminophène, ibuprofène ou aspirine, il est parfois difficile de savoir quel médicament utiliser lorsque la douleur nous assaille. Comment choisir? 

Les tablettes des pharmacies débordent d’antidouleurs, ces médicaments analgésiques vendus sans ordonnance. Devant l’étalage de produits, on hésite. Lequel soulagera efficacement notre mal avec un minimum d’effets secondaires? 

Les antidouleurs en vente libre se classent en trois principales catégories: l’acétaminophène, les anti-inflammatoires et les relaxants musculaires. Tous les trois visent le soulagement des douleurs légères à modérées, mais chacun présente des caractéristiques et des indications bien précises. Selon la nature de notre douleur et l’état de notre santé, certains analgésiques seront plus appropriés et sécuritaires que d’autres.

«Si on respecte la posologie, les antidouleurs vendus sur les tablettes sont généralement bien tolérés et sécuritaires, souligne le pharmacien Pierre-Marc Gervais. Mais ils peuvent devenir toxiques s’ils sont pris de façon prolongée à forte dose, si on les combine à certains médicaments ou si on a certains problèmes de santé. Le choix n’est donc pas anodin et la vigilance est de mise.»

Pour nous aider à faire un choix avisé, on décode ici les principaux médicaments vendus sans ordonnance. 

L’acétaminophène

C’est quoi? Aussi appelé paracétamol, l’acétaminophène est commercialisé sous le nom de Tylenol. C’est le premier médicament à essayer pour combattre la douleur et la fièvre, car il comporte peu d’effets indésirables et de risques pour la santé. À la différence de l’ibuprofène et de l’aspirine, il est doux pour l’estomac. Par contre, il n’a aucune propriété anti-inflammatoire.

«Malheureusement, on connaît encore mal le mécanisme d’action de l’acétaminophène sur la douleur, souligne la Dre Aline Boulanger, anesthésiste et directrice de la Clinique antidouleur du CHUM. Il faut user de prudence, surtout si on prend d’autres médicaments contenant de l’acétaminophène (comme certains relaxants musculaires, de la codéine ou des médicaments pour le rhume ou les allergies). Le total de la dose prise ne doit pas dépasser la quantité maximale recommandée quotidiennement. Comme l’acétaminophène peut s’avérer toxique pour le foie, il est important de valider auprès du pharmacien s’il est sécuritaire d’en prendre quand on consomme plus d’un médicament.» 

Pour qui? L’acétaminophène traite la plupart des douleurs légères à modérées: maux de tête ou de dents, traumatismes (coupures, brûlures, fractures, etc.), douleurs musculaires, articulaires ou courbatures, entorse. C’est aussi le meilleur choix si on souffre d’hypertension, d’asthme, de maladie cardiaque, ou si on prend des médicaments sur ordonnance. Attention: Pierre-Marc Gervais rappelle qu’on doit réduire la dose suggérée de 4 g à 3 g par jour si on prend quotidiennement de l’acétaminophène pour atténuer une douleur chronique (arthrite). En cas de doute, on s’informe auprès de notre médecin ou de notre pharmacien. 

Quand l’éviter? «Les personnes souffrant d’une maladie du foie doivent s’abstenir de consommer de l’acétaminophène, à moins d’avis contraire du médecin, mentionne Pierre-Marc Gervais. En cas de surdose, il peut causer des troubles hépatiques et aussi interagir avec les médicaments anticoagulants, d’où un risque accru d’hémorragie.» 

L’ibuprofène

C’est quoi? L’ibuprofène fait partie de la famille des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Il combat la fièvre, la douleur et l’inflammation. Outre l’ibuprofène (Advil, Motrin), les AINS incluent d’autres molécules, dont le naproxène (Aleve) et le diclofénac (Voltaren Emulgel). Ils agissent tous de la même façon, soit en bloquant la production des prostaglandines, des substances à la source de l’inflammation.

D’après Pierre-Marc Gervais, l’ibuprofène et le naproxène (gardé derrière le comptoir de la pharmacie, tout comme le diclofénac) sont comparables en termes d’efficacité. «Leur effet anti-inflammatoire n’est cependant pas instantané, prévient-il. Il faut généralement en prendre régulièrement pendant plusieurs jours consécutifs pour ressentir un soulagement marqué de l’inflammation.» Attention: il est impératif de respecter la posologie et de ne pas dépasser sept jours sans ordonnance.

«Dans certaines situations comme l’arthrite, l’acétaminophène et l’ibuprofène peuvent se combiner, affirme la Dre Boulanger. En associant l’action des deux, on augmente l’efficacité du traitement et on réduit les effets secondaires. Par contre, on ne doit jamais associer ou alterner les analgésiques de composition différente sans l’avis du pharmacien ou du médecin.» On évite aussi de prendre plus d’un AINS à la fois, pour prévenir les complications. Quant au Voltaren Emulgel, il s’agit d’un AINS topique à appliquer sur la région douloureuse, pour traiter une arthrose au genou, par exemple. 

Pour qui? On se tourne vers l’ibuprofène si l’acétaminophène n’apporte pas de soulagement ou si on recherche un effet anti-inflammatoire. Il est notamment indiqué pour apaiser l’arthrite, l’arthrose, l’entorse, la bursite, la tendinite, la lombalgie, la migraine, l’abcès dentaire, l’otite et la sinusite. 

Quand l’éviter? L’ibuprofène, tout comme les autres AINS, ne convient pas à tout le monde. On l’évite si on souffre de problèmes digestifs (ulcères, brûlements d’estomac importants, saignements gastro-intestinaux) ou d’un trouble du cœur ou des reins. «Dans ces conditions, les AINS augmentent le risque de développer d’autres problèmes ou d’aggraver les malaises, explique Pierre-Marc Gervais. Par exemple, ils accentuent le risque de faire une crise cardiaque ou un AVC chez les individus prédisposés, et ils peuvent être très toxiques pour les reins s’ils sont combinés à certains médicaments (diurétique, contre l’hypertension, etc.). Il faut aussi être prudent si on prend de l’aspirine à faible dose, des anticoagulants ou des antiplaquettaires en raison du risque accru de saignements, car ces médicaments éclaircissent le sang. On les évite également en cas d’asthme sévère.» D’où l’importance de bien s’informer avant d’en acheter. 

L’aspirine 

C’est quoi? L’aspirine – ou acide acétylsalicylique – fait aussi partie de la famille des AINS. Elle soulage la fièvre, la douleur et l’inflammation. Selon Pierre-Marc Gervais, elle est cependant moins efficace que l’ibuprofène et entraîne plus d’effets néfastes. On s’en sert en dernier recours.

Pour qui? «On emploie de moins en moins l’aspirine comme antidouleur parce qu’il existe des traitements beaucoup plus efficaces et sécuritaires, indique la Dre Aline Boulanger. Grâce à son action anticoagulante, l’aspirine diminue le risque de formation de caillots.» 

Quand l’éviter? On s’abstient d’en prendre si on souffre d’ulcères d’estomac ou de troubles digestifs. «La prise d’aspirine peut engendrer une irritation gastrique importante risquant de conduire à une hémorragie», prévient la Dre Boulanger. L’aspirine favorise aussi les saignements, par exemple du nez ou des gencives, sans compter les problèmes d’ulcères et d’hypertension. On devrait également la proscrire si on souffre d’une maladie du cœur ou des reins, d’asthme, ou si on prend un anticoagulant ou un antiplaquettaire. On avise notre médecin et notre dentiste si une chirurgie est envisagée.  

Les relaxants musculaires 

C’est quoi? Ce ne sont pas des antidouleurs à proprement parler, mais en agissant sur les spasmes musculaires, ils aident à soulager la douleur associée. Le Robaxin et le Robaxacet font partie de cette catégorie. 

Pour qui? On s’en sert pour soulager les douleurs liées aux spasmes musculaires: maux de dos, lombalgie, etc. 

Quand les éviter? Il n’y a pas vraiment de contrindications. Les relaxants musculaires sont toutefois susceptibles d’occasionner de la somnolence. Par ailleurs, certains contiennent de l’ibuprofène ou de l’acétaminophène, ce qui peut causer un surdosage. On prend donc soin de vérifier la liste de tous les ingrédients des médicaments qu’on prend.

Les antidouleurs prescrits: un plus?

Certains antidouleurs ne nécessitent pas d’ordonnance, d’autres oui. De là à croire qu’ils sont meilleurs que ceux vendus sur les tablettes, il n’y a qu’un pas. En fait, selon la Dre Aline Boulanger, la grande différence réside surtout dans la force de l’ingrédient actif. «Les AINS sur ordonnance contiennent des dosages plus élevés que ceux en vente libre. Ils sont donc plus efficaces pour traiter les maladies inflammatoires sévères, comme l’arthrite rhumatoïde ou la goutte.»

Selon l’Organisation mondiale de la santé, trois groupes d’analgésiques peuvent être utilisés en fonction de l’intensité de la douleur. Pour les douleurs d’intensité légère à modérée, on recourt à l’acétaminophène et aux AINS. Pour les douleurs d’intensité modérée à intense, on passe aux opiacés dits «faibles», comme la codéine associée à l’acétaminophène ou à l’ibuprofène. Pour les douleurs sévères ou rebelles, on opte pour les opiacés puissants (morphine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone, etc.). Pour les douleurs neuropathiques, les antidouleurs s’avèrent moins efficaces. D’autres médicaments, tels les antidépresseurs ou les anticonvulsivants, peuvent alors être proposés.

Risque-t-on devenir accro aux antidouleurs? «L’acétaminophène et les AINS ne créent pas de dépendance, assure Pierre-Marc Gervais. Par contre, la probabilité est élevée avec les antidouleurs à base d’opiacés. C’est pourquoi on ne les utilise pas d’emblée. On les réserve surtout aux douleurs cancéreuses, après une chirurgie ou un traumatisme aigu, et ce, sur une courte période et à la plus faible dose efficace.» 


MON TEST

Devrais-je recourir à un antidouleur sous ordonnance? 

Certaines douleurs sont faciles à gérer à l’aide d’un analgésique en vente libre. D’autres, au contraire, perdurent. Pour savoir si on devrait consulter notre médecin à ce propos, on coche les affirmations qui nous concernent. 

– Les antidouleurs en vente libre n’apaisent pas complètement mes douleurs.

– La douleur a des répercussions sur ma vie personnelle, sociale ou professionnelle.

– Je prends un antidouleur en vente libre depuis sept jours, mais la douleur persiste. 

– Ma douleur s’intensifie.

– Les analgésiques ne font pas effet.

On a coché certaines de ces affirmations? Dans ce cas, une visite chez le médecin s’impose, non seulement pour traiter la douleur, mais aussi pour s’assurer qu’elle n’est pas associée à un problème plus sérieux. 

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