Bien qu’elle existe depuis plus de 200 ans, l’homéopathie alimente toujours autant de débats entre ses adeptes et ses détracteurs. Que penser de cette méthode thérapeutique? Tentons d’y voir plus clair.
L’homéopathie est-elle efficace? Selon la communauté scientifique, non. Selon les personnes qui y ont recours, oui. Un peu succinct comme réponse, mais plutôt juste! Le débat autour de cette discipline n’est effectivement pas simple: malgré des centaines d’études sur le sujet, une zone grise demeure à propos du fonctionnement de l’homéopathie, laissant place à l’interprétation.
Le principe de base
À l’origine de l’homéopathie, Samuel Hahnemann, un médecin allemand du XVIIIe siècle. Au terme de ses expériences, il est arrivé à la conclusion qu’en extrayant la substance active de plantes, d’animaux ou de minéraux (et parfois même de produits chimiques comme l’arsenic) capables de provoquer les mêmes symptômes que ceux ressentis par un malade, celle-ci pourrait soigner la personne atteinte. C’est le principe de similitude, énoncé pour la première fois par Hippocrate, 500 ans av. J.-C. Un peu comme si on combattait le feu… par le feu.
Pour obtenir l’effet recherché, Hahnemann a déterminé que les substances utilisées devaient être diluées et brassées selon des équations très précises. Le processus de dilution consiste à verser 1 % de teinture-mère de la substance de base dans un flacon en verre avec 99 % d’eau ou d’alcool, puis à agiter pour mélanger. On obtient alors la première dilution au centième, ou 1CH. Pour préparer la deuxième, on verse dans un deuxième flacon 1 % de la 1CH, auquel on ajoute 99 % d’eau ou d’alcool. Cette deuxième dilution (2CH) est au centième du centième. Et ainsi de suite… jusqu’à atteindre 30CH.
De telles dilutions font en sorte que, dans bien des cas, il ne reste presque rien, voire rien du tout, des molécules actives des substances utilisées. Et c’est précisément là que les détracteurs de l’homéopathie trouvent la majeure partie de leur argumentaire, affirmant que les remèdes homéopathiques ne sont finalement souvent que de l’eau mélangée à du sucre. À cela, les homéopathes rétorquent que, même si ce n’est pas toujours quantifiable, l’eau garde assez de traces des substances actives pour produire un effet.
«L’homéopathie fait appel aux capacités du corps, à son potentiel pour retrouver son équilibre et sa santé, explique Paul Larèche, président du Syndicat professionnel des homéopathes du Québec. Le bon remède homéopathique, bien ciblé, permet d’envoyer une impulsion pour que l’organisme fasse ce travail. Ce remède homéopathique n’intervient pas pour masquer un symptôme en le soulageant, mais bien pour aller à la racine du déséquilibre qui l’a fait naître.»
Difficile à prouver
«À ma connaissance, il n’y a pas de recherches scientifiques qui ont abouti à des résultats positifs quant à la réelle efficacité de l’homéopathie», soutient le Dr Yves Lamontagne, ancien président du Collège des médecins du Québec. Selon lui, les recherches attestant de l’efficacité de l’homéopathie ne se basent pas sur une méthodologie médicale et n’impliquent souvent que de petits groupes de personnes. Une affirmation répétée maintes fois par de nombreux scientifiques et sceptiques partout à travers le monde. Les homéopathes eux-mêmes en conviennent généralement. Le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec a déjà répliqué que «si on tente d’utiliser les principes de la biologie ou de la chimie pour expliquer comment l’homéopathie fonctionne, on rencontre un mur. Est-ce à dire qu’il faut nier les effets observés depuis 200 ans?»
Même les scientifiques ne peuvent faire fi de tous les commentaires positifs de gens utilisant l’homéopathie et des recherches qui attestent de ses effets bénéfiques. Mais pour eux, il s’agit tout simplement d’un effet placebo. Ce dernier existe d’ailleurs bel et bien et a été largement étudié. Bien que ses bénéfices ne soient pas toujours durables, il fonctionnerait dans environ 30 % des cas, et plus encore chez les enfants.
Un rapport du National Health and Medical Research Council (NHMRC), qui passait en revue 57 analyses portant sur un total de 76 études au sujet de l’efficacité de l’homéopathie, en est également venu à la conclusion que l’homéopathie n’était pas plus efficace que l’effet placebo. Le milieu homéopathique a toutefois perçu plusieurs failles dans ce rapport. Par exemple, le fait qu’on n’aurait pas pris en considération les spécificités de l’homéopathie pour que les résultats soient fiables. Pour être efficiente, l’homéopathie dépend en effet d’une approche personnalisée: elle ne traite pas des symptômes, tient compte de la santé globale de l’individu. «Deux personnes présentant à peu près les mêmes symptômes pourraient ne pas recevoir le même traitement, explique Paul Labrèche. Et ce, parce que plusieurs facteurs sont considérés, comme les antécédents de la personne ou son niveau de sensibilité.»
Selon lui, l’efficacité de l’homéopathie ne dépend pas de l’effet placebo, puisque plusieurs recherches ont été menées sur des animaux, des plantes et même des tissus humains in vitro, avec des conclusions positives. «Je serais curieux de savoir comment on a analysé les résultats, affirme le Dr Lamontagne. Et si ces recherches ont vraiment donné des résultats, ça ne veut pas dire pour autant qu’on en obtiendra sur les êtres humains. Même chose pour les expériences in vitro: plusieurs recherches in vitro en médecine n’ont jamais franchi ce stade, parce que les résultats n’étaient pas au rendez-vous, passé cette étape.»
Légalement parlant
Chez nous, l’homéopathie n’est pas reconnue par Santé Canada comme un médicament, mais bien comme un produit de santé naturelle. «Avant qu’un médicament aboutisse sur les tablettes, ça prend 15 ans de recherches et de tests», rappelle le Dr Lamontagne. La route qui mène les produits de santé naturelle à nos pharmacies n’est ni aussi longue ni aussi contraignante, même si ça ne signifie pas que ces produits soient inefficaces.
Par ailleurs, depuis janvier 2016, Santé Canada encadre davantage les produits homéopathiques contre la grippe et le rhume pour les enfants de moins de 12 ans. Pour soutenir que leurs produits sont efficaces contre ces maux, les entreprises doivent désormais en avoir fait la preuve grâce à des études cliniques. Quant aux traitements homéopathiques alléguant une augmentation de la réponse immunitaire, leur emballage doit maintenant contenir une inscription précisant qu’ils ne sont ni des vaccins ni des substituts aux vaccins. Nos voisins américains vont plus loin: le gouvernement exige que les remèdes homéopathiques portent la mention qu’aucune preuve scientifique n’existe pour attester de leur efficacité.
Et la formation? «Au Québec, l’homéopathie n’est pas encadrée par la loi. N’importe qui pourrait se dire homéopathe, admet Paul Labrèche. Le Syndicat offre une certaine protection en n’admettant comme membres que les personnes ayant suivi une formation qui correspond à un programme qu’on juge complet.» Au Canada, l’Ontario est la seule province où l’homéopathie est représentée par un ordre. Dans certains pays, comme la France et le Brésil, seuls les spécialistes du milieu paramédical et médical peuvent suivre une formation en homéopathie. Paul Labrèche assure que le Syndicat professionnel des homéopathes du Québec travaille depuis toujours à la reconnaissance de la profession auprès des instances, mais il estime toutefois que c’est auprès de la population qu’un travail de sensibilisation et d’information est important.
On les utilise ou non?
Rien ne semble indiquer pour l’heure que l’homéopathie deviendra à court terme une pratique reconnue au Québec. Ça n’a toutefois pas empêché environ 33 % des Canadiens d’y avoir déjà eu recours. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’homéopathie est une méthode utilisée par près de 400 millions de personnes dans 80 pays à travers le monde. «Les gens attendent en moyenne huit ans avant de se diriger vers l’homéopathie, commente Paul Labrèche. Ils ont essayé d’autres types de traitement avant, il s’agit d’un dernier recours.» Selon lui, l’homéopathie est souvent efficace pour les maladies chroniques, comme l’asthme, la fibromyalgie ou les allergies.
Si on est curieux, on peut se procurer un traitement homéopathique à la pharmacie. À noter, toutefois: selon un sondage mené par un groupe de chercheurs de Harvard, les effets positifs de l’homéopathie sont davantage rapportés par des personnes ayant consulté un homéopathe que par celles qui se sont traitées elles-mêmes. Ce serait donc la rencontre avec une personne empathique prenant le temps d’écouter, l’homéopathe, qui procure un réel bien-être. Une analyse contestée par les homéopathes, arguant que c’est plutôt la personnalisation du traitement grâce à l’homéopathe qui rend celui-ci plus profitable.
«De plus en plus, les gens recherchent ce qui est naturel, et l’homéopathie est dite naturelle, conclut le Dr Lamontagne. Même si je n’y crois aucunement, je n’ai rien contre le fait que chacun se fasse sa propre opinion sur la question. Il faut toutefois bien s’informer et vérifier les sources de l’information qu’on a entre les mains. On doit aussi user de son jugement et de son sens critique. Même chose d’ailleurs pour la médecine traditionnelle: on surmédicamente, surtout les personnes âgées. Je suis tout à fait pour d’autres options, mais celles-ci doivent être éclairées.»
Pour éviter tout danger
Selon Paul Labrèche, président du Syndicat professionnel des homéopathes du Québec, les traitements homéopathiques sont sans risque. Il convient toutefois que ces derniers ne guérissent pas tout, loin de là. Dans le cas de maladies graves (dont les cancers), ils peuvent être utilisés en complément du traitement traditionnel prescrit par les médecins spécialistes. Aucun risque, selon lui, d’interactions dangereuses entre les deux. Le Dr Yves Lamontagne ne croit pas non plus que les remèdes homéopathiques soient risqués. «La dilution est tellement importante qu’il ne reste pratiquement rien d’actif dans la substance.»
Quel est le vrai risque, alors? Qu’un homéopathe convainque un malade de laisser tomber ses médicaments, par exemple. Ou qu’on n’envisage aucune autre option que l’homéopathie quand on souffre. Ou encore qu’on persiste dans un traitement homéopathique alors que nos symptômes perdurent ou s’aggravent. Si on souhaite aller de l’avant avec cette approche, mieux vaut donc en discuter avec notre médecin.
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