Longtemps associés à l’échographie et au monde de l’industrie, les ultrasons ont bien d’autres applications. Et permettent d’espérer traiter plusieurs maladies…
Amorcé durant la Seconde Guerre mondiale avec les sonars pour la détection des sous-marins, le développement des ultrasons s’applique à la médecine depuis les années 1960. Les ondes de ces sons à fréquence élevée (d’où le mot «ultra»), imperceptibles à l’oreille humaine, possèdent une fréquence supérieure à 20 000 hertz. Si l’usage des ultrasons est très connu en obstétrique, pour les échographies, leur utilisation s’étend aussi à d’autres domaines de l’imagerie, pour la plupart des organes principaux du corps (cœur, petits et gros vaisseaux) ainsi que dans la détection de certains cancers, dont celui du foie.
On les retrouve également dans des traitements de physiothérapie et de kinésithérapie. Et d’après les recherches actuelles, ils pourraient s’avérer très utiles pour soigner des maladies du système nerveux central, notamment l’alzheimer et la dépression. «Il est dommage que les ultrasons soient un peu le parent pauvre de l’imagerie médicale, malgré leurs grandes forces», regrette François Yu, professeur chercheur adjoint aux départements de radiologie, de radio-oncologie et de médecine nucléaire à la faculté de médecine de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de microbulles théranostiques affilié au CRCHUM. «Pourtant, ce qui arrivera dans les 10 à 15 prochaines années aura un impact important dans les cliniques. À Toronto, le Sunnybrook Research Institute est un des leaders dans le domaine des ultrasons. Et à Montréal – au CRCHUM, à Polytechnique et à Concordia, notamment –, nous construisons un pôle de recherches. Cette excellence de chercheurs en ultrasons créée voilà une vingtaine d’années au Canada revient maintenant en force au Québec.»
Contre le glaucome
Cette maladie de l’œil causée par l’augmentation de la pression intraoculaire abîme le nerf optique, transmetteur d’images au cerveau. S’il n’est pas traité à temps ou mal soigné, il entraîne la diminution progressive et irréversible du champ visuel, voire la cécité. Or, la société française EyeTechCare a mis au point l’UC3, ou Cyclo-coagulation circulaire par ultrasons, qui délivre de manière successive sur l’œil des ultrasons focalisés très précis. Ceux-ci détruisent partiellement les glandes produisant l’humeur aqueuse, réduisant ainsi la pression intraoculaire. L’intervention, réalisée sous anesthésie locale et sans incision, ne requiert qu’une seule séance de moins de trois minutes! Cette technique ne concerne présentement que les patients avec un glaucome résistant à la chirurgie et aux traitements classiques, comme le collyre. À suivre…
Contre la douleur
Les ultrasons sont une des techniques les plus employées en rééducation fonctionnelle. «On étale du gel sur la tête formée de cristaux de l’appareil avant de l’appliquer directement sur la zone de douleur contre la peau ou immergé dans l’eau, explique Vivarath Ly, physiothérapeute membre de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ) et directrice de la Clinique de physiothérapie mondiale, à Montréal. Dans les cas d’arthrose et d’arthrite, par exemple, beaucoup d’adhérences se collent aux jointures. En les bombardant d’ultrasons, le flux sanguin augmente, ce qui brise les adhérences. Les tissus s’en trouvent aussi réchauffés, améliorant l’extensibilité du collagène au niveau du tendon.»
Autres effets bénéfiques: les ultrasons contribuent à la réparation des tissus mous et soulagent les douleurs chroniques. Ils ne viennent toutefois pas à bout de toutes les blessures et doivent être accompagnés, entre autres, d’exercices d’assouplissement et d’équilibre pour assurer une bonne guérison. On les prescrit dans les cas de lésions anciennes, chroniques, dégénératives, fibreuses et cicatricielles (raideurs articulaires, syndrome du tunnel carpien, douleurs au coude et à l’épaule). Ils sont par contre déconseillés sur des zones infectées, des blessures trop récentes, des implants électriques (stimulateur cardiaque) ou des objets métalliques (broches, vis). De 10 à 12 séances sont requises pour ressentir un effet positif, chacune ne devant pas excéder quatre minutes, sous peine de provoquer des brûlures et de bloquer la circulation sanguine.
Contre le cancer
«Si on veut traiter une tumeur, on doit la visualiser et donc la localiser, note le Pr François Yu. Grâce aux ultrasons qui permettent cette visualisation, on envoie le médicament encapsulé un peu partout, puis les ultrasons sous pression activent son transporteur, libérant le médicament décapsulé localement. La théranostique [ndlr: contraction des termes «thérapeutique» et «diagnostique»] utilise aussi les ultrasons pour visualiser les cellules cancéreuses et les traiter individuellement, sans passer par la chimiothérapie et ses effets secondaires. C’est de la thérapie guidée par l’image.» Notons que cette approche est actuellement encore au stade des recherches.
Une autre méthode non invasive (sans chirurgie et donc sans risque d’infection post-opératoire), est pour sa part déjà testée sur des humains, en Asie et en Europe, entre autres dans le traitement de certaines tumeurs à la prostate: il s’agit de HIFU (High Intensity Focused Ultrasound). Ces ultrasons de haute intensité sont focalisés sur un point précis du corps, détruisant les tissus ciblés en les brûlant.
«En ce qui concerne le cancer du sein, au lieu de la technique habituelle d’imagerie par rayons X – ionisante, douloureuse et écrasant le sein –, la détection pourra aussi se faire grâce à l’élastographie, affirme François Yu. Avec cette méthode d’ultrasons, sur laquelle travaille mon collègue Guy Cloutier, on peut s’interroger sur le tissu, connaître son modèle d’élasticité et savoir s’il est dur ou mou.»
Au Canada, la majorité des traitements contre les tumeurs et les cellules cancéreuses sont classiques: chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie et immunothérapie. Cependant, le Pr Yu est convaincu que si les ultrasons traitent encore difficilement aujourd’hui certaines zones du corps, comme les poumons, les os et le cerveau, ils soigneront bien des patients dans un avenir proche. Pour lutter contre le cancer, le milieu médical doit en effet posséder l’arsenal d’outils le plus large possible et pouvoir y choisir le meilleur selon chaque cas.
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